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et toute la garnison de la capitale imita son exemple. Salas, devenu président provisoire (1847), proclama le rétablissement de la fédération et protégea le parti démocratique.

L’armée redemandait à grands cris Santa-Anna, et les libéraux purs, trop faibles par eux-mêmes pour faire taire la voix de ces modernes prétoriens, s’unirent à eux dans l’espoir qu’ils pourraient accomplir leurs projets de réforme sous le patronage de leurs Baïonnettes, tout en laissant à Santa-Anna le pouvoir administratif absolu, qu’il était impossible de lui contester. Rappelé à la présidence (1847), Santa-Anna jura de maintenir et de défendre la constitution de 1824, que lui-même avait renversée ; puis il s’occupa activement de remplir les cadres des corps dispersés par la guerre et d’appeler sous les drapeaux de nombreuses recrues, pour s’opposer aux progrès do Taylor, qui menaçait le Saltillo et San-Luis. Cette guerre de trois semaines ne fut •qu’un jeu d’enfants, comme les précédentes, et n’aboutit à rien. Elle se fût prolongée indéfiniment, si l’on n’eut appris la nouvelle de la bataille de la Angostura, de la retraite de l’armée mexicaine et du prochain retour du président. Mais Santa-Anna avait besoin du concours de tous les partis pour soutenir la lutte engagée. Il se contenta de calmer les esprits sans rien décider. Le bombardement et la prise de Vera-Cruz par la division du général Scott et la marche des Américains sur la capitale obligèrent bientôt le président à sortir de Mexico pour s’opposer à leurs progrès. La rencontre se fit à Cerro-Gordo, auprès de Jalapa, où le sort des armes fut encore contraire aux Mexicains : leur déroute fut complète. Mais Scott ne sut pas profiter de sa victoire ; au lieu de marcher sur Mexico, qui, consterné et sans défense, lui eût ouvert ses portes, il resta quatre mois à faire ce trajet, laissant a l’esprit public le temps de se remettre de son abattement, et à Santa-Anna celui de réorganiser une armée, de créer des fortifications, de faire enfin pour la défense de la capitale tout ce qui pouvait en empêcher ou en retarder la prise. Quand le général Scott arriva au bord des lacs, il reconnut sans doute qu’il avait trop tardé, il tâtonna, tourna Mexico, puis vint s’engager dans le mal pais deSân-Angel.d’où il l’ut repoussé, le 19 août, par le général Valencia ; mais il reprit ses avantages le lendemain dans deux combats, l’un à Padierna. contre Valencia, à qui il enleva son artillerie ; l’autre à Chorubusco, contre Santa-Anna en personne, qui avait commis la faute de choisir pour champ de bataille une chaussée entourée de marais, où ses forces ne pouvaient se déployer. Toutefois, ce n’étaient point là des affaires décisives ; Mexico restait à prendre, et ces deux journées avaient coûté 1,056 hommesàScott, dont la division active ne comptait que 9,000 soldats. Le 8 septembre 1847, Scott attaqua le Moulin-du-Roi, qui donne entrée dans le parc de Chapultepec ; il fut repoussé avec une perte de 789 hommes, au nombre desquels se trouvaient ses meilleurs officiers. Ce général était consterné ; un revers de plus pouvait anéantir son armée. Cependant il fallait agir, et quatre jours après il donnait l’assaut au fort de Chapultepec. Cette fois, le courage des volontaires américains, secondés de la troupe de ligne, triompha de la résistance des Mexicains : à huit heures du matin, l’étendard étoile flottait sur la terrasse du château, et le lendemain matin leur quartier général était installé au palais des vice-rois, sans que personne se fût opposé à leur entrée. Cependant Santa-Anna avait donné sa démission ; il fuyait, poursuivi pur le nouveau pouvoir. Le président de la haute cour de justice, Peùay Pefla, appelé par la constitution à la présidence de la république par intérim, avait fixé le siège de son gouvernement à Queretaro. Désirant la paix pour son pays, autant que le cabinet de Washington, il n’hésita pas à envoyer des délègues au bourg de Guadalupe pour poser, avec le plénipotentiaire américain, les bases d’un traité qui fut ratifié, le 25 mai 1848, par les Chambres réunies à Queretaro. Les Mexicains abandonnaient aux Américains le territoire à l’E. du Rio del Norte, le Nouveau-Mexique et la Nouvelle-Californie, et recevaient comme indemnité une somme de 15 millions de piastres. Herrera reprit les rênes du gouvernement ; le temps de sa présidence, interrompue par l’usurpation de Pareues et par l’invasion américaine, n’était pas encore terminé. Le parti rétrograde fut appelé par lui aux affaires ; rien d’important ne signala ce dernier acte de son pouvoir. La nation songeait à lui donner un successeur capable de répondre au vœu public ; mais elle se trompa encore dans son choix : le ministre de la guerre Arista, élu par les états (l850), n’était point à la hauteur des exigences un moment. Il ne fit rien pour mettre un terme à la désorganisation qui était effroyable, aux dévastations des Indiens, aux invasions d’aventuriers, à la détresse du trésor. Deux ans s’écoulèrent sans qu’une seule question importante, diplomatique ou administrative pût être décidée. Tel était l’état des choses, lorsqu’une insurrection éclata à Uuadnhixaru au mois de juillet 1852. Arista tomba du pouvoir et fut remplacé par Ceballos ; mais l’anarchie continua à se manifester par des révoltes populaires, par des insurrections militaires. Santa-Anna, quittant Carthagène où il s’était retiré, revint alors au Mexique et reprit le timon des affaires au mois d’avril 1S53. La fédération fut abolie ; on conféra à Santa-Anna le titre d’Altesse sérénissime ; l’ordre des chevaliers de Guadalupe, institué par l’empereur Iturbide, fut rétabli ; les jésuites, expulsés du Mexique au milieu du siècle dernier, y furent rappelés ; l’instruction publique fut restreinte, l’armée rétablie sur un pied inouï de force et de luxe ; douze mille nominations d’ofrieiers de tous grades surchargèrent les cadres de l’armée, dont l’état-major n’était déjà que trop nombreux. La nation attendait avec impatience le fruit de tant de sacrifices. Les barbares du Nord ravageaient les États de Sonora, de Sinaloa, de Chihuahua, de Durango, de Zacatecas ; des bandes formidables de brigands désolaient Jaliseo ; la moitié du Mexique demandait des défenseurs à l’armée, et l’armée, sourde à son appel, passait le temps à parader sous les fenêtres de Son Altesse Sérénissime. Le premier interprète du mécontentement général fut le gouverneur de Guerrero, Alvarez, surnommé le Roi du Sud. Il refusa obéissance au gouvernement et protesta contre tous ses actes. Santa-Anna envoya contre lui ses plus belles, ses meilleures troupes ; mais les insurgés, forts dans leurs montagnes, harcelaient l’armée et devenaient insaisissables lorsqu’on les poursuivait. Bientôt l’insurrection gagna Mechoacan, Guanaxuato. San-Luis et Nuevo-Léon. Santa-Anna tint bon tant que dura le produit des contributions imposées à la nation ; il abdiqua le pouvoir dès qu’il vit les coffres vides et s’en retourna à Carthagène, terminant ce nouvel acte de sa carrière politique par l’exil, comme il avait terminé les deux précédents. Alvarez fut proclamé à son tour dictateur (1855) ; mais peu ambitieux du pouvoir et très-jaloux de sa liberté d’action, il se retira en laissant à sa place Comonfort (I856). La présidence de Comonfort, qui avait essayé un moment de se poser en conciliateur entre la démocratie et la réaction cléricale alors fort menaçante, dura peu. Un pronunciamento militaire provoqué par Comonfort lui-même, puis tourné contre lui, renversa son impuissante dictature et donna le pouvoir à un nouveau président, le général Félix Zuloaga (1858), qui arrivait au gouvernement, soutenu par 1 armée et investi de la mission de faire prévaloir le pian dit de Tacubaya. Le nouveau pouvoir, sorti vainqueur d’un combat engagé dans les rues de Mexico, ne tarda point à être reconnu par le corps diplomatique. Mais, le parti démocratique, vaincu à Mexico, s’agitait d’un autre côté dans les provinces, et relevait comme un drapeau la constitution de 1857. Le vice-président de la république, Benito Juarez, organisait un gouvernement un nom de cette constitution ; après avoir erré de ville en ville, il finissait par aller s’établir à la Vera-Cruz, dont son parti était parvenu à s’emparer. Quant à Zuloaga, qui avait donné des preuves d’une déplorable médiocrité politique, il devenait l’objet de la déconsidération et de la défiance universelles. Le général Echeagaray, au lieu de tourner ses efforts contre la Vera-Cruz, qu’il était chargé de prendre, s’insurgea contre le président Zuloaga, de qui il tenait ses pouvoirs. Celui-ci eut tout juste le temps de se réfugier à la légation britannique, tandis que le général Roules devenait le maître de la capitale et du gouvernement. Le mot de ce pronunciainento, né de la confusion universelle, était la fusion ou la réconciliation des deux partis en lutte. Juarez n’accepta pas les propositions qui lui furent soumises. Le ler janvier 1859, le générai Miramon fut élu président par le parti rétrograde ; mais, le 24 du même mois, il rétablit lui-même Zuloaga dans son ancienne fonction de président. Il était bien clair cependant que ce pouvoir restauré s’éclipsait entièrement derrière le protecteur qui le remettait ainsi sur pied. C’est ce que le général Zuloaga lui-même était contraint de reconnaître ; et, pressé par l’opinion, une semaine était à peine écoulée qu’il abdiquait l’autorité présidentielle et la remettait par un décret à Miramon. Depuis que les partis étaient aux prises, c’est-à-dire depuis le mois de janvier 1858, il s’était livrés batailles importantes, 24 combats de second ordre, 39 engagements d’un degré inférieur, en tout 71 actions militaires, sur lesquelles 16 seulement étaient à l’avantage des constitutionnels ; le gouvernement de Miramon avait eu la victoire dans les autres. Mais le 8 août 1860, il était battu à Silao, par le général Gonzalez Ortega, et, le 22 décembre 1860, une seconde victoire des libéraux, dite de San-Miguelitto, décida du sort de Mexico. Vers la mi-janvier 1861, Juarez, devenu président de la république, arrivait dans la capitale et y constituait le gouvernement nouveau. La politique démocratique s’attestait bientôt par des actes significatifs au point de vue intérieur comme au point de vue extérieur. Tandis que Juarez faisait des messages et que le congrès se livrait à ses travaux, le désordre et la violence étaient partout. Les bandes réactionnaires tenaient en échec les forces du gouvernement, les battaient quelquefois et parcouraient le pays rançonné par les deux partis. Un jour, un ancien ministre des relations extérieures de Juarez, M. Ocainpo, se trouvant dans une campagne à quelque distance de Mexico, fut pris par une bande de cléricaux ; ou le fusilla aussitôt. À cet acte sanglant, le congrès répondait en mettant à prix les têtes de Marquez et des autres chefs de la réaction qui ravageaient et pillaient le pays, prélevant partout sur leur passage des contributions forcées, sans distinguer d’ailleurs entre les nationaux et les étrangers. Le 17 juillet, le congrès, en présence de la pénurie du trésor, votait en séance secrète et le président approuvait une loi suspendant pour deux ans le payement des sommes affectées, en vertu de conventions diplomatiques, à des intérêts étrangers. Sous le coup de cette loi, les représentants de la France et de l’Angleterre, M, Dubois de Saligny et sir Charles Wyke, sans attendre d’autres instructions, interrompirent leurs relations officielles avec le gouvernement de Juarez.

Le gouvernement français parut prendre particulièrement à cœur les intérêts lésés de ses nationaux et s’adressa aux cabinets de Madrid et de Londres afin de s’entendre sur la conduite à suivre. Les négociations entamées à ce sujet amenèrent entre ces trois puissances la signature du traité de Londres (31 octobre 1861), relatif à une entente commune pour exiger le payement des indemnités dues à leurs nationaux. Mais pendant que les gouments d’Espagne et d’Angleterre voyaient uniquement l’objet précité comme le but à atteindre, la triste politique qui dirigeait alors les destinées de la France voyait dans cet objet non un but, mais un prétexte pour se lancer dans une entreprise absurde que le ministre Rouher qualifiait, dans sa phraséologie pompeuse, « la plus grande entreprise du règne. » Cette entreprise consistait à renverser la république mexicaine et à fonder à la place un empire destiné à contre-balancer la puissance des États-Unis d’Amérique et à paralyser leur développement. Rien n’était plus chimérique qu’un pareil projet. Mais l’homme qui s’était lancé dans les échauffourées de Boulogne et de Strasbourg, qui devait précipiter la France dans l’inepte guerre de 1870, se laissa d’autant plus facilement séduire par cette idée, qu’il y était poussé à la fois par les agents du parti clérical mexicain, désireux de renverser à tout prix le libéral président Juarez, et par les intrigants de son entourage, uniquement préoccupés de bénéficier sur les bons Jecker. À l’article que nous avons consacré au trop fameux banquier suisse (v. Jeckkk), nous avons raconté cette honteuse affaire, oui fut la cause principale de la guerre, et la conduite parfaitement correcte tenue par le président Juarez. Nous n’y reviendrons donc pas. Vers la fin de 1861, un corps expéditionnaire franco-anglo-espagnol partit pour le Mexique, afin d’obtenir par la force la réparation des griefs des trois puissances. À cette nouvelle, le congrès mexicain confia au président Juarez de pleins pouvoirs. Celui-ci s’apprêta à faire une vigoureuse résistance, s’il ne pouvait parvenir à aplanir la différend par les voies diplomatiques. Dès qu’il apprit l’arrivée des forces alliées (janvier 1862), il fit faire le vida autour d’elles, les tint isolées, sans communication avec l’intérieur, et les fit cerner par des guérillas qui avaient pour mission, si les Européens s’avançaient, de se retirer en enlevant tous moyens de transport et toutes ressources en vivres. Peu après, il entama des négociations avec les chefs du corps expéditionnaire et se montra prêt à faire toutes les concessions raisonnables. Ces ouvertures ayant été agréées, on convint d’une entrevue qui eut lieu à la Soledad, le 15 février, et à laquelle assistèrent Manuel Doblado, ministre des affaires étrangères du Mexique, l’amiral Jurien de La Gravière, représentant la France, Prim, représentant l’Espagne, et sir Charles Wylte, chargé des intérêts anglais. Ce fut dans cette entrevue que furent signés les préliminaires de paix devenus fameux sous le nom de convention de la Soledad (19 février l86l). Cette convention suspendait l’expédition, en fixant au 15 avril l’ouverture des négociations de paix, et reconnaissait que le gouvernement existant au Mexique i avait tous les titres et la force d’opinion nécessaires pour rester maître du pays. En ce moment, les chefs de l’expédition avaient cessé de s’entendre sur la façon dont on devait interpréter le traité de Londres. Ils s’étaient divisés dès l’arrivée à la Vera-Cruz, sur l’envoi des ultimatums respectifs des trois puissances. Et ce n’était pas sans une profonde stupéfaction que sir Wyke et le général Prim avaient vu tout à coup que le cabinet des Tuileries exigeait, dans son ultimatum, « la pleine et immédiate exécution » du traité passé par Jecker. Aussi, sachant à quoi s’en tenir sur la moralité de ce traité, ils refusèrent d’en demander l’exécution et de suivre le gouvernement français dans cette voie. Il résultait de cette situation des tiraillements permanents, et, à dater du jour où les alliés se séparèrent, les Français allant camper à Tehuacan, les Espagnols à Orizaba, ce qui restait d’Anglais sur le sol mexicain à Cordova, on peut dire qu’il n’y avait plus d’accord entre eux. Sur ces entrefaites se produisit un incident qui augmenta ces complications en faisant sortir d’une situation si tendue une rupture nouvelle et le rembarquement des troupes espagnoles. Il arriva au Mexique de nouveaux renforts français, expédiés dès le mois de janvier avec le générai de Lorencez. L’augmentation du contingent français froissait secrètement le général Prim, qui avait aspiré jusqu’alors à une certaine prépondérance, qui avait exercé même cette prépondérance à la faveur de l’infériorité de notre corps expéditionnaire, et qui voyait sa position affaiblie dans la suite des opérations. Le 8 avril, les plénipotentiaires des trois puissances se donnèrent rendez-vous à Orizaba, et là éclata définitivement la rupture. Après cette conférence, dans laquelle les représentants de l’Angleterre et de l’Espagne refusèrent de suivre le cabinet des Tuileries dans ses exigences insensées et de se lancer dans une aventure désastreuse, sir Wyke ne songea plus qu’à négocier un arrangement avec le gouvernement mexicain ; le général Prim envoya un chargé d’affaires, M. Caballo, à Mexico, tandis qu’il rembarquait ses troupes en partie sur des vaisseaux anglais, et la France resta seule au Mexique en face de Juarez. L’armée française reçut alors l’ordre de commencer les hostilités sous les ordres du général de Lorencez, et le commandant en chef de l’expédition, l’amiral Jurien de La Gravière, vivement blâmé et désavoué pour avoir signé la convention de la Soledad, fut rappelé en France. À la veille des hostilités, le 7 mars 1862, M. de La Fuente, ministre plénipotentiaire de la république mexicaine à Paris, adressait une longue lettre à notre ministre des affaires étrangères, M. Thouvenel. Il résulte nettement de ce document, qui se caractérise par un ton de franchise peu habituel aux notes officielles, qu’il n’a pas dépendu du gouvernement de Juarez d’éviter la guerre, et qu’il nous a offert toutes les satisfactions que nous pouvions réclamer. Après avoir repoussé tous les prétextes invoqués pour justifier l’agression de la France, M. de La Fuente ne laisse pas ignorer quels obstacles rencontrera l’intervention étrangère, ayant pour objet d’imposer au Mexique par la force un prince étranger pour roi, car on n’ignorait plus les projets de Napoléon sur le Mexique : « Les révolutions du Mexique, dit-il, sont jetées à la face de notre gouvernement. Les vrais maux du pays viennent des luttes incessantes que nous avons eu à soutenir contre la domination étrangère et contre les classes privilégiées. Avec nos révolutions, nous avons conquis l’indépendance nationale, la liberté des esclaves, la destruction de notre oligarchie cléricale et militaire, qui multipliait les séditions et menaçait incessamment l’existence de la république ; la liberté de conscience, le mariage civil, l’amélioration de la condition civile des étrangers, qui ont été placés sur la ligne d’égalité avec les Mexicains. Et, puisqu’il est question d’intervenir et d’imposer au Mexique une monarchie étrangère, il convient d’ajouter que nous comptons l’établissement des institutions républicaines parmi les bienfaits que nous avons retirés de nos révolutions. Ces institutions, le Mexique les aime, et afin de maintenir la république, nous avons fait et sommes résolus à faire toute espèce de sacrifices. Il a fallu supprimer l’histoire, négliger des preuves sans nombre et démentir des relations journalières pour arriver à la conclusion que le gouvernement mexicain est sans scrupule et le pays barbare ; et cependant ceci se fait dans quelques-uns de vos documents officiels. On s’est basé, pour en agir ainsi, sur la faiblesse du Mexique. Mais il n’est pas aussi faible que l’Espagne du temps de Napoléon Ier. Le Mexique pourra être conquis, mais non soumis ; et il ne sera pas conquis sans avoir donné des preuves du courage et des vertus qu’on lui nie. Le Mexique, après avoir secoué la domination monarchique de l’Espagne, domination séculaire et profondément enracinée ; le Mexique, qui ne voulut même pas son libérateur pour roi ; le Mexique, enfin, qui vient de sortir victorieux d’une lutte contre les restes d’une oligarchie qui pesait sur sa démocratie, n’acceptera jamais, à aucun prix, la domination étrangère. Cette monarchie, très-difficile à créer, sera encore bien plus difficile à maintenir. Semblable entreprise, ruineuse et terrible pour nous, le sera encore davantage pour ses promoteurs. Le Mexique est faible sans doute, en comparaison des puissances qui envahissent son sol, mais il possède la conscience do ses droits outragés, le patriotisme qui multipliera ses efforts, et les hautes convictions qu’en soutenant avec honneur cette lutte périlleuse, il lui sera donné de préserver le beau continent de Christophe Colomb du cataclysme dont on le menace. » La note de M. de La Fuente se termine par la protestation suivante : « Le gouvernement français ne désirait pas la paix avec le Mexique. Longtemps ce gouvernement, par ses agents, n’a pas dit un mot ni écrit une ligne sur la république qui ne fût inspiré par la colère et le dédain, et ceci au mépris de la raison et des convenances. Telle est la paix qu’il a laissée au Mexique, une misérable paix ; et, quoi qu’on en dise, c’est le Mexique et non la France qui a donné des preuves réitérées d’une patience exemplaire… Je proteste hautement, monsieur le ministre, au nom de mon gouvernement, que tous les maux qui proviendront de cette guerre injustifiable, causée directement ou.indirectement par l’action des troupes et des agents de la France, retomberont exclusivement sur la responsabilité de son gouvernement. Du reste, le Mexique n’a rien à craindre si la Providence protège les droits d’un peuple qui les maintient avec dignité. »