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l’année civile et de l’année religieuse, des documents relatifs à la division des propriétés, des rôles de tributs payables à telle ou telle époque de l’année, des tableaux généalogiques d’après lesquels on réglait les héritages ou l’ordre de succession dans les familles, des pièces de procès ; enfin, des peintures qui rappelaient les peines par lesquelles les juges devaient punir les crimes et les . délits.

Après la chute de l’empire mexicain et l’introduction du christianisme, les Aztèques, ainsi que les autres peuples du plateau d’Anahuac, adoptèrent 1 alphabet latin. Plusieurs auteurs mexicains ont profité de la facilité que leur offrait cet alphabet pour écrire- différents ouvrages dans leur langue. On peut citer, entre autres, Christoval del Castillo, natif de Tezcuco et mort en 1606 à l’âge do quatre-vingts ans ; Fernando de Alvarado-Tezozomoc et Domingo Chimalpain, qui ont

laissé des manuscrits précieux sur l’histoire et la chronologie de leurs ancêtres. Ces manuscrits, qui renferment un grand nombre de faits dont les dates sont indiquées a la fois selon l’ère chrétienne et selon le calendrier civil et rituel des indigènes, ont été étudiés par le savant Carlos de Siguenza, par le voyageur milanais Boturini Bernaducci, par l’abbé Clavigero, par Antonio de Léon y Gama. Quoique le nahuatl fût enseigné a l’université de Mexico depuis 1553, la littérature aztèque moderne est très-pauvre. Elle ne consiste guère qu’en livres ascétiques, en quelques grammaires et dictionnaires et en quelques livres d’instruction élémentaire. Don José Guadalup’e Roineroadonné le catalogue des écrivains des idiomes indigènes du Mexique. V. le Bulletin de la Société de géographie et de statistique de Mexico (1803).

Les principaux manuscrits aztèques se trouvent dans les bibliothèques de l’Escurial, du Vatican, de Bologne, de Dresde et d’Oxford ; Mexico, ce qui est singulier, est pauvre en documents de ce genre. Notre Bibliothèque nationale possède un rituel, un livre d’astrologie et un livre d’annales ; la bibliothèque du Corps législatifs un calendrier mexicain. Ces manuscrits sont généralement en peau de cerf, en tissu de coton ou en papier fabriqué avec les feuilles de l’agave.

. —Peinture. On possède de très-rares échantillons de peintures mexicaines ; quelques morceaux sont conservés au Louvre (Musée américain) ; la plupart sont des effigies de rois et des représentations de dieux. Les couleurs sont généralement vives, posées sans le moindre souci des nuances et de façon à contraster le plus possible ; le dessin est tout à fait grossier. Comme dans l’art égyptien, avec lequel celui des Aztèques a beaucoup de rapports, les corps sont présentés de face et la tête da profil, tout en montrant les deux yeux. C’est de l’art tout à fait informe. On doit à M. L. de Rosny une étude sur les Anciennes peintures mexicaines (1S55, in-4o, avec atlas).

Architecture. Le Mexique, terre par excellence de la civilisation et des arts en Amérique, a vu naîtra et fleurir une architecture qui lui est propre et dont on trouve les monuments les plus complets et les plus considérables dans le Yucatan. Ces monuments sont des temples pyramjdaux ou téocallis, des sépultures en tertre ou taillées dans le roc, des ponts, des forteresses et des aqueducs construits dans le système cyclopéen. Ces monuments paraissent appartenir à trois principales périodes. Ceux qui semblent les plus anciens et en môme temps dus à une civilisation déjà fort avancée se trouvent dajis le Teotihuacan ; ce sont des édifices en pierre. Ceux qui appartiennent à la seconde période sont en brique, et les plus récents, ceux de la troisième époque, sont construits avec de la terre et du sable. Les premiers, que l’on croit être l’ouvrage des Toltèques, ornaient, sans doute, la ville de Tula, qui occupait a peu près l’emplacement de Mexico, et le Yucatan, où se réfugia cette nation vers 1052. Les Aztèques passent également pour avoir construit une partie des monuments dont les ruines se trouvent dans la vallée de Mexico. «Les temples, dit M. Batissier, sont les édifices les plus anciens et les plus nombreux du Mexique. Ils sont tous édifiés sur le même plan. Ce sont des pyramides à plusieurs assises, dont les côtés suivent exactement la direction du méridien et du parallèle du lieu. Elles s’élèvent au milieu d’une vaste enceinte carrée, entourée d’un mur, enceinte que l’on peut comparer exactement au ifpi5o>0« des temples grecs, et qui renfermait des jardins, des fontaines, les habitations des prêtres et un arsenal. Un grand escalier, avec ou sans rampe, conduisait au sommet de la pj’rainide. Celle-ci, dans les téocallis les plus anciens, était tronquée et surmontée d une chapelle abritant des idoles de taille colossale. Dans les téocallis plus récents, la plate-forme de la chapelle supportait les images des dieux et l’autel des sacrifices. C’est là aussi que les prêtres entretenaient le feu sacré. Le spectacle que présentaient les pratiques du culte était, d’ailleurs, fort imposant. Tout le peuple voyait la procession des Téopiqui, qui montaient et descendaient l’escalier de la pyramide. Les téocallis n’étaient pas seulement des édifices religieux : il est certain qu’à leur intérieur on pratiquait des chambres sépulcrales dans lesquelles on renfermait la dépouille mortelle des rois et des princes. L’art

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était si bien traditionnel au Mexique, que le téocalli de Mexico, bâti six ans avant l’invasion de Fernand Cortez, était fait sur un plan tout à fait identique à celui des pyramides de Saint-Jean de Teotihuactan, attribuées à la nation toltèque. » Vers la fin, du dernier siècle, deux voyageurs découvrirent les ruines d’une ville considérable appelée Palenque ou Culhuacan, dont le monument le plus considérable est le téocalli de Guatusco ; mais le monument de ce genre le plus célèbre est celui de Cholula. On cite également comme un des édifices les plus curieux du Mexique le monument de Xochicalco ou Maison des fleurs. Il y a aussi au Mexique des monuments analogues aux pierres branlantes des Celtes, que l’on pense avoir été des pierres limitantes et dont le plus célèbre est la roche Théololinga, bloc sphérique de 22 pieds de circonférence environ. Quant aux palais, M- Benlloch a donné, d’après d’anciens documents, la description de celui de Montézuma, analogue, paratt-il, aux habitations impériales en Chine. Nous ayons dit que le Yucatan renfermait les spécimens les plus remarquables de l’art mexicain. M. Stephens, voyageur anglais, , donne à ce sujet les détails suivants, — extraits de son ouvrage intitulé Impressions de voyage dans te Yucatan : « Les constructions observées dans le Yucatan sont de trois espèces : ce sont des palais, des temples ou téocallis et des gymnases. Ces monuments, bâtis en belles pierres taillées avec unegrande précision et disposées par assises régulières, s’élèvent en général sur des remparts en terre. Les portes sont le plus souvent rectangulaires, quelquefois plus étroites par le haut que par le bas ; les salles sont couvertes par un plafond plat ou par une voûte tout à fait analogue à celle du trésor d’Atrée. Des colonnes ont été employées comme ornement, et alors elles sont engagées dans les murs ; quand elles servent de supports, elles sont isolées et reçoivent une architrave en pierre ou en bois. Elles sont cylindriques. Au lieu de chapiteau, elles sont couronnées par un simple tailloir carré. Quant ùla nature des ornements, sculptés sur la paroi extérieure des murailles, ils sont très-variés ; ce sont d’énormes serpents enlacés, des figures humaines, des sortes de trompes d’éléphant, recourbées, saillantes au dehors, des arabesques dont plusieurs ressemblent à celles des Grecs, des méandres, des entrelacs, et aussi des zigzags et des losanges. Les moulures mêmes sont très-souvent distribuées de manière à figurer grossièrement la représentation d’une tête humaine ou d’un monstre. Tout cela donne à l’ancienne architecture de ce pays un caractère original et bizarre. Nous citerons, entre autres, un édifice de Chichenitza, remarquable par sa conservation et par la profusion de ses ornements. La partie inférieure, dans laquelle est pratiquée la porte, est ornée de sculptures représentant des figures étranges. Le soubassement est couronné par une corniche

saillante, laquelle.est rehaussée d’entre-lacs élégants. Cette corniche se brise et se relève au-dessus de la porte. Le linteau offre des inscriptions hiéroglyphiques dont le sens est inconnu, et il est surmonté de cinq crochets en pierre. Au milieu du premier étage, on voit une niche circulaire dans laquelle est placée une figure assise, avec une coiffure dont les plumes retombent symétriquement à droite et it gauche. Quant aux parties latérales do cet étage, un entablement saillant, maintenant ruiné, disloqué qu’il est par les buissons et les plantes tropicales qui ont poussé entre les joints des pierres, couronnait toute la construction. Les autres monuments du Yucatan sont disposés et décorés dans le même système , que cette façade, si ce n’est cependant que leur soubassement est presque toujours lisse. Outre les constructions dont nous venons de parler, on trouve encore des monticules factices qui paraissent avoir servi de sépultures, et aussi des puits et des lacs, sur lesquels nous devons donner quelques détails. Comme le pays dans lequel s’élevaient les villes n’était traversé par aucune rivière, les habitants se procuraient de l’eau en creusant des puits à une profondeur extraordinaire. La puit de Chack, par exemple, où ont pénétré des voyageurs anglais, peut donner une idée des travaux exécutés par les indigènes pour se procurer des sources. Les aguadas sont des lacs qu’on peut comparer à de vastes citernes. Elles servent de réservoir d’eau pendant les saisons de sécheresse. Au fond du lac, il y a les ouvertures de plusieurs puits, de diverses formes, dans lesquels l’eau se conserve encore quand déjà les lacs sont épuisés. Les puits sont pâtis en grandes pierres et sont évasés par le bas. On a la certitude que ces puits et ces aqueducs ont été exécutés par les anciens habitants du Yucatan. »

Musique. La musique resta tout à fait rudimentaire chez les Mexicains jusqu’à la conquête espagnole. C’est à peine si l’on peut donner le nom d’instruments de musique aux ustensiles informes avec lesquels ces peuples faisaient du bruit : deux ou trois espèces de tambour, des trompes de corne, une flûte suraiguë et un petit instrument particulier, l’ajacaztli, dont les danseurs s’accompagnaient eux-mêmes. Malgré leur civilisation avancée, les Mexicains en étaient restés au matériel musical du sauvage.

Numismatique. Les seules monnaies

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mexicaines que l’on possède sont en cuivre grossièrement travaillé ; elles ont la forme d’un T ; dans la province de Tasco, on en a trouvé quelques-unes de même forme en étain. Ni l’or ni l’argent ne se monnayaient chez les Aztèques ; les grains de métal précieux, enfermés dans des tuyaux de plume afin qu’on put les compter, circulaient comme moyens d’échange et dispensaient de toute autre monnaie.

— Bibliogr. Parmi les ouvrages qu’on peut consulter sur le Mexique, nous citerons : Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, par da Huinboldt (1827, 4 vol. in-8o) ; Antiquités du Mexique, par Kingsborough (Londres, 1830 et suiv., 9 vol. in-fol.) ; le Mexique et ses révolutions, par Mora (1836, 8 vol.) ; la Vie au Mexique, par Mme Calderon de La Barca (1842) ; histoire de la conquête du Mexique, par Prescott, traduite en français (1846, 3 vol. in-8o) ; Histoire du Mexique, par Young (1847) ; le Mexique et l’intervention (1861, in-8u) ; Cités et ruines américaines, par Désiré Charnay, avec un texte par Violletle-Duc (1862, in-8o) ; Souvenirs d’un prisonnier de guerre au Mexique, 1854-1855, par E. Vigneau (1862, in-12) ; les Jtépubliques de l’Amérique espagnole, parS.-M. Guardia (1862, in-18) ; le Mexique contemporain, par le baron de Bazancourt (1S62, in-18) ; le Mexique ancien et moderne, par Michel Chevalier (1863, in-is), etc.

Mexique (la conquête du), par don Antonio Solis (Madrid, 1684, in-fol.). Malgré ses défauts, cette histoire est restée le meilleur titre littéraire de Sblis, dont les poèmes et les comédies sont oubliés. Traduite dans toutes les langues à, son apparition, elle a été | trop louée par les critiques espagnols et dé-I préçiée outre mesure par les Anglais et les I Italiens. La raison de ces divergences d’ap-I prédation est dans le sujet et surtout dans I la forme du livre de Solis, Pour les Espagnols, quel plus magnifique texte d’épopée que cette aventureuse expédition de Fernand Cortez à la tète dune poignée d’hommes, dans ces pays inconnus, pleins* de richesses féeriques I Avec quelle puissance les récits qui arrivaient d’outre-mer, appuyés et confirmés par l’or des galions, devaient frapper l’imagination du peuple I Solis entreprit de chanter ce héros légendaire, et, en poëte qu’ilétait, ileonçut la Conouista de Mexico, plutôt comme une épopée que comme une histoire. Les Espagnols, tout entiers aux louanges du héros que Solis représente comme le type parfait du guerrier, du conquérant, ’ du chrétien, ont trouvé le livre admirable ; les étrangers, qui cherchaient dans une œuvre espagnole, prise aux sources, l’étude approfondie des événements, les détails ignorés de la conquête, les mœurs des peuples soumis, les patientes investigations de l’observateur à travers des pays ignorés, magnifiques, n’ont rencontré que des amplifications verbeuses, des descriptions de fantaisie, et ont placé l’œuvre de Solis, sinon au rang des romans, du moins au rang de ces livres déclamatoires dont l’autorité historique est

nulle. Le jugement est sévère, mais Solis le mérite parfois.

Ce qui le séduisit surtout, lorsqu’il entreprit d écrire ce fragment historique de la conquête américaine, c’est l’unité du sujet, la possibilité de circonscrire dans les limites d’un plan sagement ordonné tous les détails de l’action, avec un commencement, un milieu et une fin bien déterminés ; un héros principal, type de toutes les perfections, autour duquel viennent se grouper symétriquement quelques capitaines d’un mérite inférieur. Un sent tout ce que cette construction littéraire doit avoir de défectueux. Quelle différence entre cet écrivain • qui fait son siège d’avance» et le premier venu des chroniqueurs, un capitaine d’aventure, comme

Bernai Diaz de Castillo, par exemple, un des compagnons de Cortez et témoin oculaire de tout ce qu’il raconte I

Solis avait en sa possession cette chronique en composant son histoire, ainsi que le grand ouvrage de Herrera. las Decados de las Jndias ; mais toutes les fois qu’un fait ie gêne, fùt-il vrai, toutes les fois surtout qu’il rencontre un événement de nature à diminuer le prestige de son héros, il le laisse en dehors de sa narration ou le tourne avec habileté. En revanche, il accepte sans discussion tout ce qui est à l’avantage de Cortez. Et les Espagnols s’étonnent qu’on ait porté sur ce livre, malgré ses mérites littéraires, de sévères jugements I

Cependant, comme exposition générale, comme ensemble, la Conquista de Mexico mérite de rester. La lecture en est agréable, attachante ; le style, malgré quelque affectation propre au goût du temps et trop de tournures sentencieuses à la manière des anciens, est pur et élevé. Les descriptions sont d’une grande richesse ; mais le procédé trop poétique de Solis empêche qu’on ne les croie vraies. La forme même, empruntée à Tite-Live, à Quinte-Curce, à Salluste, n’est pas un médiocre embarras pour l’historien moderne ; Solis se complaît dans les morceaux oratoires, et Xicotencal, Cacuinatzin, Magiscatzin prononcent des discours qui pourraient figurer avec honneur, comme des modèles de gravité, de noblesse, d’élévation, dans les Conciones de rhétorique. Mais c’est là un moule usé, et quand bien même ces

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discours, dans la bouche des Mexicains, n’au raient pas une double invraisemblance, il n’est plus permis aujourd’hui de se servir de ces procédés artificiels ; ils n’aident en rien la vérité et le plus souvent ils l’altèrent. Ro bertson a montré, en outre, que Solis, par négligence ou par impossibilité, n’avait tiré aucun parti des immenses documents diplomatiques de la cour d’Espagne en ce qui tcuche 1 histoire de la conquête, ni des archives du conseil des Indes, où se trouvaient les

fnèces les plus précieuses. Son éditeur, dans a bibliothèque Baudry (Paris, 1844, in-8"), avoue que, pour rectifier les faits controversables, éclaircir les points obscurs, suppléer

! au manque de renseignements vrais, ce qui

serait possible aujourd’hui avec tous les paj piers de la forteresse de Simancas et autres, il faudrait un volume de notes, égal au moins en étendue à l’ouvrage lui-même. C’est donc un livre à refaire au point de vue de l’exactitude moderne. Il en existe une assez bonne traduction française de Bon-André, sieur de La Guette (Paris, 1691, in-4").

Mexique (HISTOIRE DE LA CONQUÊTE Du),

par William Prescott (1849, 3 vol. in-8» ; trad. franc, de MM. Borghers et de Salleneuve, 1864). L’ouvrage de l’historien américain est autrement sérieux que celui de Solis ; il est divisé en six livres : le premier traite de la découverte du Mexique ; le second retrace la marche de Fernand Cortez sur Mexico ; le troisième, son séjour dans la capitale des Aztèques ; le quatrième, l’expulsion des Espagnols ; le cinquième, le siège et la reddition de la ville. Dans le sixième et dernier, l’historien relate la mort du conquérant. Un appendice, qui figurerait mieux en introduction, traite des antiquités et des origines des peuples mexicains ; l’auteur cherche à établir les rapports possibles qui ont pu lier, à une époque ignorée encore, ces peuples aux peuples occidentaux, et les rapproche des races aryennes dont il compare quelques anciennes coutumes à celles des Slexicains ; il montre aussi la conformité de certaines traditions.

Tel est le plan de cet ouvrage, qu’ont rendu populaire, autant que le talent de l’auteur, l’intérêt presque romanesque des incidents et la description pittoresque d’une nature merveilleuse et d’une civilisation étrange et deini-my’stérieuse pour nous. La science est, en effet, réduite à des conjectures sur l’origine et sur 1 histoire de tout un peuple, la barbarie espagnole ayant détruit et saccagé la plupart des monuments édifiés par les Aztèques. La peinture savante que fait Prescott de cette civilisation disparue est écrite, ainsi que tout son livre, d’un style sobre et simple qui emprunte toute sa poésie et toute sa grandeur de la nouveauté et de la magnificence des matières qu’il traite. Prescott, sans appartenir à cette école historique qui colore les objets d’une couleur fantaisiste et fantastique, n’appartient pas non plus à cette école abstraite qui isole l’homme de son milieu et se confine dans la sèche narration des faits. À l’intérêt de l’histoire proprement dite, il unit l’attrait d’un voyage à travers des mondes nouveaux qui invitent puissamment l’imagination. D’ailleurs, toute sa méthode est contenue dans cette phrase de sa préface : «Au risque de me répéter quelquefois, j’ai voulu bien pénétrer le lecteur de l’esprit du temps, et le rendre, pour ainsi dire, contemporain du xvte siècle. » Ce qui ne veut point dire que, comme tant d’historiens qui s’éprennent en quelque sorte amoureusement

des héros dont ils ont entrepris de raconter la vie, Prescott se fasse l’avocat et le pané fyriste de Fernand Cortez. Il raconte sans ésitation et sans indulgence les excès des conquérants, ramassis d aventuriers qui se souillèrent de toutes sortes d’excès et de crimes. Il a décrit admirablement le mélange de fanatisme religieux, de sentiments héroïques et de passions honteuses qui se confondaient chez ces hommes de sang : ils croyaient, selon l’expression de Navajiero, conquérir au roi des terres infinies et à Dieu une infinité d’âmes. C’est le zèle religieux qui les a poussés à. détruire tous les monuments de l’idolâtrie mexicaine, pertes irréparables pour l’histoire.

Mexique ancien et moderne (LE), par M. Michel Chevalier (1863, in-18). Ce livre fort remarquable, plein de faits et d’idées, touchant aux plus hautes questions de l’histoire, de. l’ethnographie, de l’économie politique et sociale, parut d’abord par fragments dans la Revue des Deux-Mondes. Il avait pour but de corroborer le fameux rapport du député Corta, envo3’é au Mexique pour y étudier la situation du pays, et qui en revint avec tant d’éblouissements dans les yeux. Ce rapport, qui faisait entrevoir un mirage de richesses incalculables, décida le Corps législatif à voter l’expédition où s’engloutirent les ressources militaires de la France ; l’ouvrage de M, Michel Chevalier, beaucoup plus sérieux, tenta de ramener l’opinion publique, toujours rebelle à cette aventure, et n’y réussit aucunement.

Les origines des populations aztèques, les descriptions géographiques de leurs territoires, leur gouvernement, leurs mœurs, leurs religions, enfin l’expédition de Cortez occupent la première partie du livre, la meilleure sans contredit. Les renseignements sont puisés à de bonnes sources historiques, et les