Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 11, part. 1, Mémoire-Moli.djvu/4

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MÉMOIRE s. f. (mé-moi-re. — V. l’étym. à la partie encycl.). Faculté par laquelle l’esprit conserve d’une manière durable le sentiment des impressions antérieures : Avoir peu de mémoire. À voir la mémoire sûre. S’en rapporter à sa mémoire. La mémoire est l’étui de la science. (Montaigne.) Tout le monde se plaint de sa mémoire et personne ne se plaint de son jugement. (La Rochef.) Si la mémoire nourrie et exercée est la source de toute imagination, cette même mémoire surchargée la fait périr. (Volt.) Il faut avoir de la mémoire dans la proportion de son esprit. (Vauven.) L’imagination est une mémoire qui n’est point à nos ordres. (Rivarol.) L’intelligence sans la mémoire est un crible. (Boiste.) Notre vie est si vaine, qu’elle n’est qu’un reflet de notre mémoire. (Chateaub.) C’est la mémoire qui nous apprend que nous durons. (Royer-Collard.) La mémoire est la permanence ou le réveil des impressions de l’âme. (Latena.) L’attention est le burin de la mémoire. (Lévis.) Quand il s’agit de la douleur morale, le plus inexorable des bourreaux est la mémoire. (Réveillé-Parise.) La mémoire se fortifie par l’attention et par l’exercice. (Géruzez.) La volupté engendre la paresse, et la paresse tue ou blesse la mémoire. (Le P. Félix.) La mémoire est la conséquence de la faculté de connaître, et l’imagination celle de la mémoire. (Damiron.) Le premier amour qui entre dans le cœur est le dernier qui sorte de la mémoire. (Petit-Senn.) La mémoire est un moyen de perfectionnement ; sans elle, on ne saurait rien imiter. (Alibert.)

Il faut bonne mémoire après qu’on a menti.
                                   Corneille.
On n’aime que la gloire absente ;
La mémoire est reconnaissante.
Les yeux sont ingrats et jaloux.
                    Le Brun.

|| Faculté spéciale de conserver l’impression de certains objets : Mémoire locale ou des lieux. Mémoire des chiffres. Mémoire des dates. Les yeux à fleur de tête indiquent la mémoire des mots. (A. Thoré.)

— Souvenir : On ne vit dans la mémoire du monde que par des travaux pour le monde. (Chateaub.) À Rome, on entourait du respect la femme qui restait fidèle à la mémoire de son mari. (A. Garnier.) Rien n’est plus beau que les hommages à la mémoire des hommes qui ont honoré leur temps. (Guizot.) Virgile est dans toutes les mémoires et dans toutes les âmes : son seul nom le définit. (Ste-Beuve.)

Comme dans une lampe une flamme fidèle,
Au fond du Parthénon le marbre inhabité
Garde de Phidias la mémoire éternelle.
                         A. de Musset.

|| Réputation qu’on laisse après sa mort : C’était un guerrier illustre ; mais quelques actes de cruauté ont terni sa mémoire. Ne vous reposez pas sur vos descendants pour le soin de votre mémoire. (La Bruy.) Par les égarements trop réels de sa vie, Mirabeau est un peu coupable, même des calomnies inventées contre sa mémoire. (Villem.) Les mémoires historiques les plus sacrifiées sont celles des souverains qui se sont faits les persécuteurs des mouvements religieux. (Renan.)

— Reconnaissance ; ressentiment ; souvenir du bien reçu ou du mal éprouvé : Les rois n’ont pas de mémoire. (Chateaub.) La mémoire du cœur est l’une des qualités que la femme possède à un haut degré, (Serrurier.) Les femmes ont deux mémoires : celle des anges et celle des démons. (Balz.)

Mémoire artificielle, Moyen employé pour aider la mémoire.

— Poétiq. Fastes de Mémoire, Temple de Mémoire, Souvenir que garde la postérité :

… Que d’auteurs ont cru leur nom
Inscrit au Temple de Mémoire.
Qui n’ont recueilli qu’un chardon
Au lieu des palmes de la gloire !
                  Dubos.

|| Les Filles de Mémoire, Les Muses :

Généreux favoris des Filles de Mémoire,
Vous cueillez en martyrs les palmes de la gloire.
                 Desportes.

|| Le Temple de Mémoire, Temple dans lequel une fiction poétique prétend que sont conservés les noms des personnages dignes de passer à la postérité.

De mémoire, En s’aidant de sa mémoire seule, sans avoir le texte sous les yeux : Dire de mémoire une fable de La Fontaine.

Habiller la fable en histoire,
Et, causant toujours de mémoire,
Propos sur propos enfiler.
C’est impuissance de se taire.
            J.-B. Rousseau.

|| Avec une épithète, Formule louangeuse à l’adresse de quelque haut personnage défunt, ou ironique à l’adresse de quelqu’un qui a laissé un souvenir bizarre ou détesté : Le roi Henri IV, de glorieuse mémoire. Feu votre femme, de quinteuse mémoire.

Votre père Henri, de mémoire royale,
N’eût pas ainsi livré sa noblesse loyale,
Lui dont plus d’une balle a troué le pourpoint.
                     V. Hugo.

De mémoire d’homme, Depuis très-longtemps, du plus loin qu’on se souvienne : De mémoire d’homme il n’a fait aussi froid que cet hiver. Le diable est déchaîné en cette ville ; de mémoire d’homme on n’a point vu de temps si affreux. (Mme de Sév.)

En mémoire de, Pour perpétuer le souvenir de : Un monument élevé en mémoire d’une victoire.

À la mémoire de, En l’honneur de, comme souvenir de. Formule qu’on place souvent en tête des épitaphes.

Avoir mémoire, Se souvenir : Je n’ai pas mémoire de ce fait.

— Si j’ai bonne mémoire, Si mes souvenirs ne me trompent pas :

Un meunier et son fils, non pas des plus petits,
Mais garçon de quinze ans, si j’ai bonne mémoire,
Allaient vendre leur âne un certain jour de foire.
                      La Fontaine.