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public, avec une richesse si remarquable. D’autres talents, contemporains de Picard, l’ont emporté sur lui par d’autres avantages ; d’autres ont eu ou plus de profondeur, ou plus de noblesse, ou plus de finesse, nul n’a été plus véritablement gai ; et comme la gaieté véritable ne saurait être le fruit d’aucune combinaison, d’aucun calcul, nul n’a été plus naturel. Sous ce rapport, ses productions se rapprochent plus de la vieille et bonne comédie que la plupart de celles qui leur ont disputé, de nos jours, les suffrages du public ; elles ont même je ne sais quelle physionomie un peu antique ; elles ne se ressentent ni du goût de notre temps ni du ton du jour ; ce sont des tableaux dont quelques-uns représentent bien ce qui s’est passé sous nos yeux, mais où l’on ne retrouve point la manière de l’école moderne. Content de faire éclater ce rire franc qu’ambitionnaient surtout nos anciens comiques et que leurs successeurs ont paru trop dédaigner, Picard n’a point prétendu à cette espèce de délicatesse qui dégénère trop facilement en froideur et en afféterie et qui, d’ailleurs, n’entrait pas du tout dans le caractère de son talent et dans son tour d’esprit... Une chose fort remarquable, c’est que cet écrivain, qui s’est pour ainsi dire prodigué, n’a cependant jamais été accusé d’aucun emprunt ; il a toujours tiré tous ses moyens de son propre fonds ; il n’a point offert à l’envie cette consolation qu’elle cherche avec tant d’inquiétude et qu’elle saisit avec tant d’avidité ; elle n’eut point le bonheur de lui faire ces mêmes chicanes qu’elle fit à des génies du premier ordre, aux Molière, aux Corneille, aux Voltaire ; aucune de ses pièces n’a été l’occasion d’un scandale ; l’invention et l’originalité sont au nombre des principaux mérites de Picard, et, quand elles se joignent à la multiplicité des créations, le prix de ces qualités s’en augmente. »


PICARD (Louis-Joseph-Ernest), avocat et homme politique français, né à Paris te 24 décembre 1821. Lorsqu’il eut terminé ses études, il fit son droit, fut reçu licencié en 1S44, prit deux ans plus tard le grade de docteur et se fit alors inscrire comme avocat au barreau de Paris. Liouville, qui le prit en amitié et lui donna quelques années plus tard sa fille en mariage, facilita ses débuts. Doué d’une parole facile, d’un talent très-souple, M. Picard ne devait pas tarder a se faire une clientèle importante et a acquérir la fortune. Sous la république de 1848 et pendant les premières années de l’Empire, dont son frère Arthur était l’un des fonctionnaires les plus zélés, il se tint à l’écart de la politique active. D’un esprit très-fin, très-déiié, libéral & la façon des bourgeois du temps de Louis-Philippe, tous ses sentiments, toutes ses idées, tous ses goûts le rattachaient à cette partie de la société qui, tout en affirmant ses prédilections pour ce que M. Thiers devait ap» peler les libertés nécessaires, craint, fuit les masses et n’a qu’un goût médiocre pour la démocratie. L’Empire, avec son brutal et sanglant despotisme, avec son système de compression a outrance et de bâillonnement, lui inspira une vive répugnance. Il devint un des actionnaires du Siècle qui, sous la direction de M. Havin, faisait au pouvoir issu du guet-apens du S décembre Une opposition timide, mais non sans efficacité, et bientôt il fit partie du conseil de surveillance de ce journul. Mis par cette situation même en relation avec les hommes connus par leur hostilité a l’Empire, il devint, en 1858, membre du comité qui se constitua à Paris pour choisir des candidats de l’opposition au Corps législatif à l’occusion des élections complémentaires du 27 avril. M. Peyrat ayant décliné la candidature qu’on lui offrait, le nom de M. Picard fut prononcé. « Ses amis, dit M. Taxile Delord, le poussaient vivement à se mettre sur les rangs ; il résistait par modestie : « Je ne suis pas assez connu, disait-il ; > ma candidature va paraître ridicule. » Mais comme il se sentait assez de talent pour justifier bientôt les prétentions de ses amis pour lui, ceux-ci n’eurent pas de peine à triompher de ses scrupules. Le conseil de surveillance du Siècle, ayant déclaré à l’unanimité la candidature du directeur politique du journal périlleuse pour ses intérêts, ne trouvait pas non plus que la candidature d’un de ses membres fût sans danger. Le jeune candidat ne crut pus devoir s’arrêter devant les observations de ses collègues. Le Siècle publia cependant son nom, en même temps que celui des autres candidats de l’opposition, en tête de ses colonnes, mais M. Picard donna sa démission après l’élection. > Au scrutin du 27 avril, aucun des candidats de la rv^ circonscription, dans laquelle se portait M. Picard, ne fut élu ; mais à un second tour de scrutin, le 10 mai, il l’emporta sur le candidat du gouvernement et alla compléter au Corps législatif le peut groupe des cinq.

Inconnu la veille, le nouveau député de Paris devint en peu de temps un des hommes qui attirèrent le plus l’attention de la Chambre et du pays. Il fut le tirailleur de l’opposition et il mit dans sa guerre d’escarmouenes contre le pouvoir un entrain piquant, une verve mordante, une désinvolture frondeuse, un acharnement spirituel, un dédain charmant, qui rirent tressaillir d’aise les Parisiens. A partir de ce moment, on ne l’appela plus autrement que • le spirituel député de la Seine, » et 1 on doit convenir que cette ap PICA

pellation, qui passa k l’état dé cliché, était on ne peut mieux justifiée. Il rattacha dans ses discours à traiter particulièrement les questions relatives aux finances, a l’administration de Paris, parla contre l’annexion de la banlieue à la capitale (1859], et, lors des élections générales de 1863, il fut réélu député par 17,044 voix, malgré tous les efforts du gouvernement. M. Picard continua a être sans cesse sur la brèche, à cribler de traits acérés M. Haussmann et son administration, réclama pour Paris un conseil municipal élu demanda l’abrogation de la loi qui bâiilonnaii

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la presse et se "sépara de M. Emile Ollivier lorsque celui-ci commença k opérer sa scandaleuse évolution (1864). Le 28 mars de cette même année, le marquis d’Havrincourt ayant osé dire a la tribune que tout le pays attendait le 2 décembre, M. Picard répliqua vivement : « Le 2 décembre est un crime ! » Mais ces paroles, qui soulevèrent les clameurs indignées d’une majorité servile, furent supprimées dans le compte rendu officiel de la séance. Parmi les discours les plus remarquables qu’il prononça depuis, nous citerons : ceux du 6 avril 1865, sur le choix des maires parmi les conseillers municipaux et sur l’administration financière du préfet de la Seine ; du 2 juillet 1867, sur la politique de l’Empire ; du 18 mars 1868, sur le droit de réunion ; du 22 février 1869, sur le budget et les transformations de Paris, etc. La réputation

d’homme d’esprit et d’enfant terrible que M. Picard s’était faite dès ses débuts avait nui à son autorité sur la Chambre et même sur le public. Il l’avait compris, car dans, les discours que nous venons de citer, sans rien perdre de sa verve, il s’était attaché visiblement à lester sa légèreté native, k l’équilibrer et k remplacer ses flèches pointues par de vraies balles.

Au mois de juin 1868, M. Picard devint un des fondateurs du journal hebdomadaire 1Electeur libre, dont son frère Arthur fut rédacteur en chef et qui eut peu de succès. Cette feuille avait été créée principalement en vue des élections générales de mai 1869. À cette époque, M. Picard était arrivé à l’apogée de sa carrière politique. Les démocrates n’avaient point une entière confiance dans la fermeté de ses opinions républicaines ; mais tout ce qui se rattachait k l’opposition lui savait gré de ses brillantes campagnes contre le pouvoir, et nul ne pouvait méconnaître que, par cela seul, il avait rendu d’importants services à la cause de la liberté. Député d’un des arrondissements les plus commerçants de Paris, il représentait parfaitement l opposition telle que la comprenait la grande majorité de ses commettants ; aussi sa réélection était-elle d’avance assurée. Au mois de mal, il fut nommé député à Paris par 24,444 voix, tandis que le candidat officiel n’en obtenait que 7,729 voix. En même temps, l’opposition démocratique posait sa candidature dans la ire circonscription de l’Hérault, et, après un second tour de scrutin, il l’emportait de 2,000 voix sur le candidat du gouvernement. Il opta pour ce département afin de laisser un membre de l’opposition passer a sa place k Paris.

Dans la nouvelle Chambre, M, Picard vit diminuer le rôle qu’il avait joué jusque-là. L’opposition, accrue en 1863, disloquée l’année suivante par la défection de MM. Ollivier et Darimon, se présentait à la Chambre, en ;1869, singulièrement augmentée et fortifiée par des hommes nouveaux, k la tête desquels se trouvait M. Gambetta. Le Corps législatif se trouva alors divisé en plusieurs groupes : l’ancienne majorité gouvernementale ; le tiers parti, composé d’un certain nombre de membres do cette majorité et des nouveaux députés, dits indépendants, qui prirent pour chef M. Ollivier, converti a l’Empire et convoitant ardemment le pouvoir ; enfin, l’opposition proprement dite. Mais l’opposition elle-même ne tarda pas à se partager en deux courants opposés : l’un qui se déclara l’ennemi irréconciliable de l’Empire et reconnut pour chefs MM. Grévy et Gambetta ; l’autre qui, selon l’expression de M. Picard, voulut rester « l’aile droite de la gauche, » admît la possibilité de s’accommoder de l’Empire, se plaça 3ur le terrain de l’opposition constitutionnelle et se qualifia de ■ gauche ouverte » par opposition au parti irréconciliable, qu’elle appela la « gauche fermée. » Cette dissidence de l’opposition ne se produisit qu’après l’avénement au pouvoir de M. Ollivier, et ce fut M. Ernest Picard qui se mit k la tête des dissidents, au nombre de dix-sept. Comme on le voit, entre M. Ollivier et lui ce n’était plus qu’une question de nuance. Cette dissidence, d’abord k l’état latent, ne se produisit ouvertement qu’à l’occasion du plébiscite au mois d’avril 1870. La gauche ayant décidé, dans une de ses réunions de la rue de la Sourdière, de délibérer avec les délégués de la presse sur la conduite à tenir et de signer avec eux un manifeste collectif, M. Picard et son groupe protestèrent, en déclarant qu’ils ne voulaient partager avec personne leur mandat et leur responsabilité, et, tout en prétendant qu’ils ne se séparaient pas de la gauche, ils se réunirent à part pour délibérer. Cette scission fit grand bruit. M. Picard, accusé d’aspirer k remplacer à un moment donné M. Ollivier au ministère, repoussa ces insinuations et essaya d’expliquer sa conduite d’abord dans un manifeste fort obscur, publié le 1er juin 1870 dans l’Electeur libre, puis

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dans une lettre publiée, le même mois, dans la Liberté de l’Hérault : « Ma politique, y disait-il, est celle de l’Union libérale qui, pour renverser le pouvoir personnel, accepte les alliances qui m’ont fait nommer à Montpellier et réserve à chacun sa foi politique. Je suis pour la république acceptée contre la république de droit divin, et, comme vous le pensez bien, nullement disposé h suivre l’exemple d’Ollivier. Je ne veux pas fonder une gauche constitutionnelle, c’est-a-dire dynastique, mais bien une opposition qui ne soit dynastique ni pour l’Empire ni même pour la république. » Cette politique peu intelligible n’eut pas le succès qu’en espérait son inventeur, et, du reste, l’attention publique en fut presque aussitôt détournée par les événements. Dans cette session de 1870, M, Picard présenta.un amendement important k la loi sur la responsabilité des fonctionnaires(23 mai), prononça, le 23 et le 27 juin, des discours pour demander la nomination des maires par les conseillers municipaux, le droit commun pour les municipalités de Paris et de Lyon, demanda la dissolution de la Chambre, « issue de candidatures officielles ne représentant pus l’opinion du pays, » et vota contra la déclaration de guerre k la Prusse.

Le i septembre 1870, l’Empire s’effondrait sous le poids de ses fautes et M. Picard, comme député de Paris, devenait membre du gouvernement de la Défense nationale. Le 5, il prenait le portefeuille des finances. Ce jour même, le gouvernement abolissait l’impôt du timbre sur les journaux et les publications périodiques. M. Picard signait le décret, mais après avoir protesté a au nom des intérêts du pouvoir, » D’après le rapport de M. Chaper sur le gouvernement de la Défense, 1« 6 septembre, une discussion s’étant engagée au sujet des maires de Paris nommés sur la proposition de M. Étienne Arago, M. Picard critiqua la liste des nouveaux maires et se prononça pour qu’on maintînt les maires nommés par l’Empire. Le 7, il proposa de convoquer les conseils généraux de l’Empire ; le 21, il se plaignit que l’allocation de 1 fr. 50 par jour à tous les gardes nationaux qui en taisaient la demande devenait une mesure ruineuse qu’il importait de modifier ; le 29, il se prononça contre l’acquisition par l’Etutde tous les grains et farines, etc. Comme le général Trochu, à qui il s’en rapporta alors aveuglément, M. Picard ne voyait dans la résistance de Paris qu’une < héroïque folie, » et il ne paraît pas s’être beaucoup préoccupé de la

Erolonger. Lorsque, le 31 octobre, les memres du gouvernement furent retenus prisonniers à l’Hôtel de ville par les chefs du mouvement qui voulaient les renverser, M. Picard parvint dès le début à s’esquiver, se rendit au ministère de la guerre, donna des ordres immédiats pour empêcher l’envahissement de la préfecture de police, du télégraphe, des bureaux du Journal officiel, organisa la résistance et contribua puissamment a la délivrance de ses collègues. Le 25 janvier 1871, il accompagna à Versailles M. Jules Favre, chargé de la douloureuse mission d’aller traiter de la capitulation avec M. de Bismarck. Après la signature de cet acte néfaste, il s’occupa activement d’obtenir des banquiers de Paris 200 millions exigés de la ville par le vainqueur comme contribution de guerre.

Lors des élections pour l’Assemblée nationale, le 8 février 1871, sur 323,970 votants, 39,193 électeurs parisiens seulement donnèrent leur voix à M. Picard ; mais il fut nommé député dans le département de Seine-et-Oise par 20,739 voix et dans celui de la Meuse par 19,914. Arrivé à Bordeaux, où se réunissait l’Assemblée, il opta pour la Meuse et donna sa démission de ministre, en même temps que ses collègues du gouvernement de la Défense. M. Thiers, nommé chef du pouvoir exécutif, appela M. Picard à l’intérieur dans le premier cabinet qu’il constitua (19 février 1871). Dans le remaniement préfectoral qui eut lieu alors sous sa direction, le nouveau ministre fit la plus large part k l’élément réactionnaire et n’hésita point à remplacer un grand nombre de républicains par des hommes notoirement connus pour leur attachement aux idées monarchiques. Après le mouvement du 18 mars à Paris, il prie une part active aux mesures quleurent pour objet d’empêcher l’insurrection de s’étendre dans les départements et écrivit une circulaire pour interdire la réunion projetée d’un congrès des délégués municipaux en province dans le but d’intervenir entre le gouvernement et la Commune. Pendant qu’un décret de la Commune de Paris confisquait les biens qu’il possédait dans cette ville, M. Picard se voyait, lorsqu’il montait à la tribune de l’Assemblée, l’objet des plus vives attaques de la part du parti monarchique, et il dut défendre À plusieurs reprises, notamment le 30 mai, !a révolution et le gouvernement du 4 septembre. Criblé de traits à la fois par les journaux réactionnaires, qui le traitaient de révolutionnaire, et par les journaux républicains, qui l’accusaient, non sans raison, de se faire trop aisément l’instrument de la réaction, M. Picard comprit que sa position n’était plus tenable. Dès que la Commune de Paris eut été écrasée, il donna sa démission et fut remplacé au ministère de l’intérieur par M. Lambrecht (31 mai). Le 5 juin suivant, M. Thiers le nomma gouverneur de la Banque de France, à la place de M. Roulaild. Mais, en présence des vives critiques dont cette nomination était l’objet,

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M. Picard refusa d’accepter ces fonctions, en déclarant, dans une lettre adressée à M. Thiers le 9 juin, que, « après avoir tenu le ministère des finances pendant la guerre et le ministère de l’intérieur pendant l’insurrection, il avait acquis le droit de se consacrer, dans les circonstances actuelles, k ses devoirs de député. »

Pendant son passage au ministère, M. Picard avait présenté, entre autres projets de loi, un projet relatif au rétablissement du cautionnement. Après avoir revendiqué énergiquement, sous l’Empire, les libertés publiques et particulièrement la liberté de la presse, il n’avait point hésité à proposer lui-même d’astreindre la presse à une mesure restrictive qu’avait fait disparaître la révolution du 4 septembre. Le 3 juillet 1871, M. Picard monta à la tribune pour défendre son projet et justifier son changement d’opinion. Après avoir déclaré que toute liberté est sujette à une restriction légale, il fit cet étrange aveu, que l’opinion jugea avec une juste sévérité : s On nous dit que le gouvernement du 4 septembre avait supprimé le cautionnement. Messieurs, veuillez vous reporter à ce jour-là et aux circonstances sous 1 empire desquelles nous avons agi. Veuillez considérer, en outre, que le décret en question réservait soigneusement le principe. Nous avons si peu supprimé le cautionnement, que nous avons conservé celui déjà versé par les journaux existants, rendant ainsi un hommage implicite au principe du cautionnement. ■

En quittant le ministère, M. Picard s’était fait inscrire parmi les membres du centre gauche. Il appuya constamment de ses votes la politique de M. Thiers, et, bien que sa parole eût perdu toute autorité sur l’Assemblée» il continua, en 1871, à prendre part à diverses reprises aux discussions de la Chambre. Lors des débats relatifs à la loi des conseils généraux, il se prononça contre l’extension qu’on voulait donner aux attributions de ces conseils et déclara, k cette occasion, « que la république nouvelle est le meilleur des gouvernements » (8 juillet 1871). À propos de la proposition Rivet, il prononça, le 31 août suivant, un discours dans lequel i ! appuya le projet de ce député et lu nomination de M. Thiers comme président de la république. « Je crois, dit-il, qu’aujourd’hui nous avons un devoir supérieur à tout, c’est de nous donner la main vers ce but auquel nous devons tendre : la réorganisation de la France, le reconstitution du pays. »

Nommé ministre plénipotentiaire de France en Belgique le 10 novembre 1871, M. Picard quitta fréquemment son poste pour venir assisteràVersailles aux séances de l’Assemblée.

Toutefois, pendant toute l’année 1572, il ne prit aucune part aux débats publics. Il se borna à présenter à la réunion dont il faisait partie une proposition ayant pour objet la proclamation de la république comme gouvernement définitif, le renouvellement par tiers de l’Assemblée et la création d’une seconde Chambre (janvier 1872) jamais le centra gauche pensa que le moment n’était pas verni de soumettre cette proposition à la Chambre. Le 29 novembre de la même année, dans une réunion de ce même groupe, il prononça ces mots : « Le centre gauche représente la classe moyenne, avec des éléments conservateurs. Il doit prendre l’initiative et surtout une force gouvernementale.... Formons un parti uni, tolérant, mais compacte ; ne faisons rien, absolument rien pour obtenir les votes de l’extrême gauche. »

En 1873, M. Picard accourut de Bruxelles à Paris pour soutenir la proposition faite par M. Thiers à l’Assemblée de constituer définitivement la république conservatrice. La coalition des partis monarchiques ayant renversé le président de la république le 24 mai, M. Picard donna sa démission de ministre plénipotentiaire à Bruxelles et fut remplacé, le 9 juin, par le baron Bande. Au mois d’août, il fut élu membre du conseil général pour le canton do Montiers-sur-Saulx, dans la Meuse. Hostile a la politique du duc de Broglie, il vota presque constamment contre le fameux ministère de a l’ordre moral, » parla contre l’urgence de la loi des maires (8 janvier 1874), attaqua vivement les agissements du cahiuet (8 janvier) et contribua à sa chute. Sous le ministère Cissey-Fourtou, M. Picard prononça un bon discours (12 juin 1874), dans lequel il signala la complaisance avec laquelle le ministre de l’intérieur laissait se produire les menées et les menaces des bonapartistes ; puis.au mois de juillet suivant.il vota la proposition Casimir Périer relative k la constitution delà république, et celle de M. deMaleville, demandant la dissolution do la Chambre. Nous croyons inutile de porter un jugement sur M. Picard, homme politique. Nous bornant à notre rôle de biographe fidèle, nous laisserons le lecteur tirer lui-même les conclusions. Aussi bien ne voudrions-nous poiçt être trop sévère pour l’ancien « spirituel député de la Seine, » qui fut un des plus vaillants des cinq et combattit sous l’Empire le bon combat. Comme orateur, c’est avunt tout un improvisateur élégant et faeilej qui ne parle jamais mieux que lorsqu’il ne s est point préparé. Il est difficile d’avoir plus de légèreté que lui dans la riposte comme dans l’attaque. Son triomphe, ce ne sont pas les longs discours, c’est l’interruption, la repartie, le trait qui part à l’aventure. On cite de lui quelques mots charmants. Comme il attaquait