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mettre en jugement avec quelque solennité et de le faire condamner à mort, lorsque lui-même passa de vie à trépas. Les portes de la prison s’ouvrirent pour le captif qui, avec son imagination orientale, vit dans sa délivrance quelque chose de miraculeux ; il raconta que, pendant une de ses extases, un ange était venu le délivrer après avoir frappé ses gardes d’un sommeil invincible. Pierre était encore à Jérusalem lors du second voyage de Paul et il assista à cette réunion appelée concile des apôtres, où fut agitée, sans être résolue, la grave question de savoir si l’on pouvait être damné en conservant son prépuce (58a « près J.-C). Paul relate encore une entrevue qu’il eut avec Pierre à Antioche, peu de temps après, où il résista en face à ses prétentions d’isolement, aux conditions restrictives qu’il mettait à la publication de l’Évangile : Cum autem venisset Cephas Antiochiam, dit Paul, in faciem ei restiti, quia reprehensibilis erat. Il s’agissait encore de la circoncision ; Pierre, prenant un moyen terme, admettait au baptême les gentils, et en cela il s’écartait des orthodoxes purs, mais il les forçait à se faire circoncire ; c’est ce que Paul trouvait répréhensible. Les chrétiens qu’il baptisa sous cette condition prirent, ainsi que leurs descendants, le nom de nazaréens, et cette secte subsista jusqu’au Ve siècle. Saint Augustin appelle les nazaréens des « hérétiques nés de l’erreur que professait Pierre avant qu’il eût été rappelé à son devoir par Paul. » Il accuse donc Pierre d’avoir été le fondateur d’une hérésie. « La dispute entre saint Pierre et saint Paul sur une erreur manifeste du premier, comme le prouve très-catholiquement saint Augustin, dispute qui semble n’avoir eu lieu que pour former le premier anneau de la formidable chaîne d’arguments contre l’infaillibilité des papes, a beaucoup embarrassé les Pères de l’Église. La plupart d’entre eux ont employé toute l’adresse dont ils étaient pourvus pour mettre l’un et l’autre de ces apôtres à l’abri de tout reproche, ce qui, certes, n’était pas facile… Rien de plus curieux que de voir le cardinal Baronius se débattre vainement pour échapper à un dilemme qu’il se pose à lui-même. « Il faut nécessairement, dit-il, que Pierre fût coupable si Paul avait raison de le trouver répréhensible, ou que Paul le fût s’il le reprenait à tort ; il faut que saint Pierre ait péché ou que saint Paul ait menti. » (De Potter, Hist. du christianisme, I, 67.)

À partir de cette rencontre de Pierre et de Paul à Antioche, on n’a plus aucun renseignement sur Pierre. Cependant les écrivains ecclésiastiques des siècles postérieurs, saint Justin, saint Irénée, Eusèbe, Tertullien, saint Jérôme admettent tous comme certain qu’il vint à Rome une première fois sous le règne de Claude, c’est-à-dire entre 41 et 54, qu’il s’y rencontra avec Simon le Magicien, dont il surpassa, par de véritables miracles, les surprenants sortilèges, rencontre qui est devenue le point de départ de légendes absurdes ; puis qu’il revint à Rome sous Néron (54-68) pour y subir le martyre avec Paul. Ces affirmations ne reposent sur rien. Les Actes des apôtres, après avoir parlé de sa sortie de prison, en 44, disent que, de là, il se rendit « dans un autre lieu, » et egressus abiit in alium locum (XII, 17) ; c’est la dernière mention qu’ils font de lui. Cela n’empêche pas les auteurs de s’étayer de ce témoignage en disant que cet « autre lieu » c’est Rome, évidemment. Clément, qui passe pour avoir succédé à Pierre sur le siège épiscopal de Rome, et qui, en tout cas, ayant secondé Paul dans une de ses missions en Macédoine était bien informé du destin des premiers apôtres, accorde à Pierre cette courte mention : 0 IUtçoî Sià EtjV.ov â » ov, oùjt ïva, oùîèoûo àWà nXtlovaç Int^vt^Xfi rôvou :  ;, xaï où-wû (lap-cupT)(iaî ticopéuOij « ; xov ôsp(tXoljuvov tôhov xr^ SôÇqç. « Pierre, victime d’une injuste jalousie, fut soumis non une fois, ni deux fois, mais plusieurs fois à de grandes fatigues et, ayant ainsi porté témoignage, parvint au séjour de gloire qu’il avait bien mérité. » (Ire Lettre aux Corinthiens, ch. V.) Cette mention d’un témoin que Baur nomme le plus ancien et le plus digne de foi constate seulement que Pierre avait mérité le royaume de Dieu par un long et pénible apostolat, et il semble déraisonnable d’en conclure autre chose. Les théologiens s’en étayent cependant pour prouver leur thèse favorite ; ils traduisent v.&- ïous par tortures, (lapxup^aorç par ayant souffert le martyre, et disent que, de toute nécessité, Clément a sous-entendu lv’Parut— Comme ceiaf on a toujours raison. Eniin, ils s’appuient encore sur les chroniqueurs arméniens et arabes comme Samuel d’Ani, Aboulfaradj et autres, qui, se copiant mutuellement, affirment que Pierre vint k Rome et y rfbcupa vingt-sept ans, suivant le premier, vingt-cinq ans, suivant le second, le siège épiscopal. Ils feignent de ne pas s’apercevoir que ce séjour de vingt-sept ou même vingt-cinq ans est insoutenable, soit qu’on le place à partir de l’année 44, sous Claude, puisque saint Pierre était" k Jérusalem en 58, lors de ce qu’on a appelé le concile des apôtres, soit qu’on le place après sa rencontre avec Paul k Antioche, vers 53 ou 55, puisqu’on lui fait souffrir le martyre en 66. Enfin le silence de Paul, en dehors de toute preuve contraire, est concluant ; Paul, arrivant k Rome en 61, dit bien qu’il y trouva une petite communauté chrétienne déjà établie ; comment n’eût-il

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pas parlé de son fondateur si c’eût été le premier des apôtres et surtout si, comme l’affirment les historiens ecclésiastiques, ils s’étaient rencontrés à Rome pour coopérer k l’établissement de la religion nouvelle ?

Parmi les livres reconnus comme canoniques figurent deux Épîtres de saint Pierre ; leur authenticité est douteuse ; la seconde même est abandonnée, comme apocryphe, par quelques théologiens. La première est adressée aux Églises de Pont, de Galatie, de Cappadoue, d’Asie et de Bithynie ; on en a conclu que Pierre avait évangélisé ces régions si vaguement désignées. Elle se termine . ainsi:à L’Église coélue, — qui est dans Babylone, et mon fils Marc vous saluent. » Si l’on prend le mot Babylone k la lettre, Pierre aurait écrit cette épître de Babylone ; mais les docteurs prétendent qu’il faut entendre la grande Babylone modernej Rome. Les protestants (v. de Potter, Histoire du christianisme), rapprochant au contraire cette indication du genre de supplice que la tradition catholique affirme avoir été celui do Pierre, concluent qu’il s’agit bien réellement de Babylone, la vieille capitale de l’Orient, car ce genre de supplice, le crucifiement la tête en bas, usité chez les Parthes, était inconnu aux Romains. Ils croient donc que Pierre est mort à Babylone. En réalité, ce n’est là encore qu’une conjecture, et l’on ignore absolument l’endroit où saint Pierre est mort, comme le genre de supplice qu’il a subi, si toutefois même il a été supplicié. La question du séjour et de la mort de Pierre à Rome, qui a de l’importance à certains points de vue, puisqu’elle intéresse l’origine même de la papauté romaine, a été débattue une dernière fois dans un congrès historique tenu à Rome entre catholiques et protestants, les 9 et 10 février 1872. Les orateurs des deux partis ont de nouveau produit toutes les preuves pour et contre, sans arriver k aucun résultat; le résumé des discussions se trouve dans le Resoconio autentico delta disputa intorno alla venuta di san Pietro in îioma (Rome, 1872), l’ouvrage le plus complet qui oxiste sur ce problème historico-religieux. L’argumentation des catholiques se réduit à ceci:Nous avons pour nous la tradition la plus ancienne ; les textes dont nous l’appuyons sont vagues, il est vrai ; il faut les interpréter pour leur’faire dire ce que nous y voyons, mais on n’en trouve pas qui dise expressément le contraire ; de plus, nous vous montrons le tombeau de saint Pierre, nous vous montrons ses reliques, une partie de ses vêtements, la chaire où il a prêché, etc. . Vous ne pouvez en faire autant, à Si saint Pierre n’est pas mort k Rome, dit l’abbé Fèvre (la Semaine du clergé, 9 septembre 1874), il est mort quelque part ; si saint Pierre est mort quelque part, on doit retrouver son tombeau, — Montrez-nous le tombeau t « Voilà une argumentation pressante ; mais c’est k celui qui affirme un fait à en apporter la preuve et non pas aux adversaireskprouver le contraire ; or, ni le tombeau ni les reliques fabriquées en vue de la solution de la question ne peuvent passer pour des preuves, en l’absence d’un témoignage certain.

Tout ce qui reste aux catholiques, c’est la tradition. On n’en trouve pas de trace antérieurement au lie siècle. Saint Justin (ne siècle) raconte la lutte de saint Pierre et de Simon le Magicien k Rome ; mais ce n’est là qu’une légende qu’il faut rayer des discussions historiques. Il se trompe, d’ailleurs, lourdement en affirmant qu’une statue avait été élevée k Rome à Simon; il en rapporte l’inscription:simoni. dko. sancto ; or, cette inscription existe encore, elle est au Vatican, et Justin l’avait mal lue ; c’est celle du dieu sabin Semo Sancus, sbmoki. deo. SANCO; cela fait voir quelle est la valeur des témoignages des Pères de l’Église, quand on ne peut pas les contrôler. Cet épisode fantastique de la vie de saint Pierre prête, d’ailleurs, k d’autres interprétations. On peut suivre, dans le3 auteurs du r=r et du ne siècle, les traces, laissées dans tous les esprits par la dispute de Pierre et de Paul au sujet de la circoncision, l’antagonisme déclaré des deux écoles, antagonisme poussé au point que, d’après les Actes des apôtres, une contre-mission confiée k l’apôtre Jacques fut

attachée aux pas de Paul, le suivit en Galatie, en Bithynie, dans les villes qu’il évangélisait, pour contrecarrer ses prédications et défaire son œuvre. C’est dans le même ordre d’idées que, Paul ayant été k Rome, la légende imagina d’y faire transporter aussi Pierre, dans le même but que Jacques en Galatie. Au m et au lira siècle, lorsqu’on fut convenu de déclarer, malgré l’évidence des textes, que Pierre et Paul avaient toujours été d’accord, qu’ils évangélisaient de concert, cette légende devenait gênante : on la transforma en celle de la lutte de saint Pierre avec Simon le Magicien. Ainsi, saint Justin représente l’apôtre attaché aux pas du thaumaturge, le suivant dans les villes qu’il fascinait de ses miracles et en opérant de meilleurs. Au me siècle seulement, avec Origène et Tertullien, la légende se compléta en ce qui regarde la mort de Pierre. Denys de Corinthe (mort en 178) avait dit seulement : « Il fut crucifié k Rome ; » Origène ajoute : « Crucifié la tête en bas. » Tertullien, Lactance, Augustin, Eusèbe* saint Jérôme (w « , ive, et vo siècle) suivirent la même opinion ; leurs allusions prouvent l’existence de la lé PIER

gende concernant le séjour de Pierreà Rome, la croyance générale qu’elle obtenait, mais non pas la réalité de ce séjour. Enfin, lorsque Constantin fit bâtir la première basilique de Saint-Pierre, autour de la grotte qui passait cour renfermer le corps du martyr et que l’on montre encore dans la crypte de l’église actuelle (v. l’article ci-après), la tradition était complète ; mais il est impossible de déterminer k quelle époque ce prétendu tombeau commença à être en vénération chez les premiers chrétiens.

Il a été répandu, sous le nom de Pierre, une foule de récits apocryphes : un Évangile de saint Pierre, une Apocalypse de saint Pierre, une Proclamation (mipu-fiia) de saint Pierre, les Gestes de saint Pierre (upoÇus FU-Tfiou), etc. ; ces livres furent composés par des Juifs hellénistes du 11= et du me siècle. Les bollandistes ont tiré de manuscrits du vc siècle les éléments d’une Vitasancti Pétri, placée par eux au volume de juin (l’Église célèbre la fête de saint Pierre le 29 juin) et quLest absolument apocryphe. Le plus curieux des anciens documents à consulter sur saint Pierre est le recueil connu sous le titre de Homélies de saint Clément ou Clémentines, édité pour la première fois par Cotelier, Patres sévi apostoli&i (Paris, 1672, 2 vol. in-go) et qui était auparavant un des plus rares de l’antiquité chrétienne. L’auteur da ce livre, le pseudo-Clément, vivait incontestablement k la fin du ne siècle et il attribua par supercherie ses propres élucubrations à Clément de Rome, premier ou troisième successeur de saint Pierre, suivant les diverses supputations ecclésiastiques ; mais cette supercherie n’empêche pas qu’on ne puise chez lui des renseignements certains. Il suppose que le pape Clément rend compte k l’Église de Jérusalem des progrès de la communauté de Rome et transmet à saint Jacques des Extraits des

prédications de Pierre durant ses missions. Ces extraits, au nombre de dix-neuf, constituent autant d’homélies dont l’ensemble forme le roman du christianisme k son origine ; c’est là que se trouve développée toute la légende de Pierre et de Simon le Magicien et la réfutation des doctrines du thaumaturge par l’apôtre. Baur, qui a fait de ce roman une étude approfondie, a parfaitement mis en lumière (les Clémentines critiquées, par le docteur Baur [Hambourg, 1844, in-8 » ], et Église chrétienne des premiers siècles [1S53, in-soj) que les doctrines de Simon ne sont autres que celles de Paul, que Simon est probablement un personnage imaginaire dans lequel on a incarné les tendances pauliniennes. C’est k lui que revient l’honneur de cet aperçu qui démêle une foule de choses restées obscures dans l’histoire de l’établisse ’ment du christianisme. V. Clémentines.

— Le reniement de saint Pierre, dont nous avons parlé plus haut, a donné lieu k quelques allusions :

t.

« II est des vices et des vertus de circonstance. Nos dernières épreuves étaient au-dessus de toutes les forces humaines I Et puis, j’ai été plutôt abandonné que trahi ; il y a eu plus de faiblesse autour de moi que de perfidie : c’est le reniement de saint Pierre ; le repentir— et les larmes peuvent être k la porte. »

(Mémorial de Sainte-Hélène.) Il voulait votre épée au lieu de vos discours, Lorsque sa royauté, mourante de faiblesse, Au perron de Saînt-Cloud convoquait la noblesse. Mais, timides amis, loin du royal château. Vous versiez dans ces jours vos pleurs incognito, De » mt une servante, on vous eut vu peut-être Au premier chant du coq renier votre maître.

Barthélémy.

« L’inventeur du régime de la communauté venait d’être élevé au rang d’un dieu quand la mort l’enleva. Peut-être y eut-il dans cette éclipse profit pour sa mémoire. Sous un jour vaporeux, ses idées acquirent plus de crédit, prirent plus d’empire. Il se survivait dans des apôtres zélés, mais qui pour cela n’en étaient pas moins prudents ; plus d’un, en effet, renia te maître avant le premier citant du coq. C’est l’histoire de toutes les révélations. »

Louis Reybaud.

Pierre (saint), par M. Hippolyte Rodrigues (1873, ia-8 « ). Ce volume, qui ne traite pas de toute la vie de saint Pierre et n’embrasse qu’un très-court espace de temps, de l’an 29 k l’an 38, forme la.seconde partie da l’Histoire des chrétiens, de l’an -6 à l’an 38, dont la première partie a pour titre le Moi des Juifs (1873, in-^S0). On y assiste k la première éclosion de la petite Église qui se groupa autour du chef des apôtres dès le lendemain de la mort de Jésus ; on en suit les tendances principales, fort différentes, comme on sait, de celles qui prévalurent par la suite. L’auteur a bien saisi la physionomie de cette association qui continuait les véritables traditions de Jésus, k laquelle les femmes apportèrent leur dévouement exalté, leurs tendresses mystiques, qui avait pour principale condition la vie en commun et présentait par conséquent, d’une façon tranchée, ce caractère communiste remarqué par Lucien dans son Peregrinus. C’est l’histoire de l’ébionisme et nou celle du catholicisme qu’on semble ra PIER

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conter ; mais, de l’an 29 à l’an 38, jusqu’à ce que Paul se fasse l’Apôtre des gentils et que ses idées pénètrent même le petit cénacle de Jérusalem, l’ébionisme est tout le catholicisme, quitte k passer ensuite pour une détestable hérésie. Avec la connaissance profonde qu’il a des mœurs juives, l’auteur a donné k son récit de la couleur, une grande précision de détails ; k ce point de vue, son ouvrage est intéressant : il plaît comme tout livre qui replace les hommes et les choses do. l’antiquité dans leur vrai milieu.

M. Rodriçues ne s’attache pas, comme M. Renan, a faire une discussion critique des textes, k établir des hypothèses k l’aide de rapprochements et d’inductions ; il procède plutôt comme l’auteur dramatique ou le romancier qui devinent une situation SOU3 deux phrases d’un historien et prennent quelques mots pour point de départ de toute une scène. C’est par scènes détachées, par dialogues, qu’il présente l’histoire de ces neuf années du christianisme ; on voit d’abord la fuite des disciples après le supplice dutnaitre, puis une scène entre Pilate et Caïphe le soir du supplice, le retour des disciples k Jérusalem aux fêtes de Pâques de l’année suivante, l’arrestation de Pierre, sa confrontation devant le sanhédrin, la mort d’Ananias et de Zaphira, la lapidation de saint Étienne, enfin la vocation du diacre Philippe et la conversion de Paul. Sauf une petite dissertation sur ce qu’on a appelé le don des langues (v. don, dans le Dictionnaire ; nos conclusions sont k peu près les mêmes que celles de M. Rodrigues), une autre sur l’hellénisme et une note étendue sur l’esprit et la date des Actes des apôtres, tout est revêtu d’une forme dramatique qui donne du relief aux faits, mais en leur enlevant une partie de leur certitude.

M. Rodrigues explique très-bien la suite des idées qui rendaient inévitable la croyance en la résurrection de Jésus ; nulle part Pierre et les apôtres n’affirment ce miracle comme un fait, mais comme une déduction nécessaire : Jésus ne pouvait être resté au sépulcre, ce principe de vie étant incompatible avec la mort. Si Jésus n’était pas ressuscité, il fût resté inférieur aux prophètes, à Élie, k Moïse, qui « n’ont point connu la mort, » suivant l’expression biblique ; àRomulus, dont le corps a disparu ; à Adonis mémo qui, lui aussi, ressuscita le troisième jour, etc. ; pour le narrateur, les apôtres et les disciples se sont enfuis de Jérusalem le lendemain même de la mort de Jésus, effrayés de ce coup de force, et n’ont plus osé reparaître qu’un ou après. Mais les scènes qui suivent, la conversation de Caïphe et de Pilate, l’interrogatoire de Pierre par Caïphe lorsque l’apôtre rut revenu k Jérusalem, etc., ne peuvent être données que comme de simples fantaisies historiques ; elles ne reposent sur rien, pas même sur ces quelques mots d’un historien qui peuvent servir de point de départ k un développement dramatique.

Un autre point de vue de l’auteur qu’il nous est difficile d’accepter, c’est la continuelle ingérence des Romains et de Pilate, non-seulement dans le procès de Jésus, mais dans les premiers conciliabules d’où sortit le christianisme. S’autorisant du mot cohors employé par Jean seul pour désigner la troupe qui arrête Jésus, tandis que les trois autres évangélistes parlent d’une multitude armée de bâtons et d’épées envoyée par les prêtres, M. Rodrigues voit dans cette troupe une cohorte romaine forte de 600 hommes et envoyée par Pilate. Mais comment expliquer alors que Pilate, lorsqu’on lui amène Jésus, dise : « Remmenez cet homme ; jugez-le suivant votre loi » (Jean, xvm, 31), si c’est lui qui l’a fait arrêter ? Le même point de vue conduit l’auteur k supposer que Pierre a été inquiété par Pilate après la guérison du boiteux ; que le procurateur l’a fait appeler, lui a reproché de vouloir continuer la sédition de Jésus pour se l’aire roi des Juifs, toutes choses dont il n’y a pas trace dans les Actes. Il n’y est question que des réclamations des Juifs orthodoxes, et, en effet, ces querelles se débattaient entre sectaires juifs, sans que les Romains eussent seulement l’idée de s ! en mêler. L’auteur fait de même acquiescer Pilate au jugement du sanhédrin qui renvoie Pierre absous ; il pense aussi que le procurateur devait autoriser, les conciliabules des premiers chrétiens et qu’il leur permettait d’user sur leurs frères du droit de vie et de mort, comme en témoigne l’affaire d’Ananias et de Zaphira pour laquelle Pierre ne fut pas inquiété. C’est 1k une conclusion bien exagérée ; cette odieuse affaire d’Ananias, en dehors du miracle qui ressort de ces deux morts subites, n’est pas assez avérée pour qu’on en tire une induction quelconque. Pilate ne la connut pas plus que la guérison du boiteux, par la raison qu’on n’a jamais parlé d’un miracle qu’un siècle ou deux après sa date.

Pierre (saint). Iconogr. Suivant Nicéphoro Calliste, écrivain grec du xive siècle, saint Pierre avait la taille droite et haute, la tête et le menton fournis d’un poil épais et crépu, mais court, le visage rond et les traits un peu vulgaires, les sourcils arqués, le nez long et aplati à l’extrémité. Ce portrait, dont Nicépnore a peut-être puisé les indications dans d’anciens auteurs que lui fournit la riche bibliothèque de Constantinople, s’accorde parfaitement avea les images que les artistes chrétiens des premiers siècles nous ont lais-