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toujours été durant ce voyage-ci, on acheva de chanter un opéra, dont le fils de Philidor, qui n’a pas vingt ans, a fuit toute lu musique. ■ Cependant, Amie Philidor, tout en continuant la carrière de la composition, renonça de bonne heure à écrire pour le théâtre. Ayant obtenu, en 1702, la double survivance de son père comme musicien de la chambre et de la grande écurie, il ht partie de la chapelle en qualité de hautbois dès 1704, et succéda réellement à son père en 17L2 pour la chambre, vers 1727 ou 1730 pour la’grande écurie. Les volumes de sa collection que celui-ci avait consacrés aux membres de sa famille renfermaient des trios et un grand nombre d’airs de danse de la composition d’Anne Philidor ; il écrivit aussi des marches, des retraites et des batteries pour tambours et timbales, composa un Te Deum k quatre voix et publia, en 1712, un Premier liore de pièces pour la flûte traversiez, flûte à bec, violons et hautbois.

Anne Philidor était dans les meilleures grâces de Louis XIV, qui aimait k l’entendre jouer du hautbois et qui même « daigna • chanter un.jour un duo avec lui. Il en fut de même de Louis XV, et Anne profita des bonnes dispositions du jeune monarque a son é^ard pour fonder une institution qui jouit d un grand éclat pendant plus de soixante ans. Nous voulons parler du laineux Concert spirituel, origine des grandes sociétés musicales constituées en dehors du théâtre, et qui fut inauguré aux Tuileries le 18 mars 1725. Philidor ne resta guère que trois ans a. la tète du Concert spirituel, car il donna sa démission de directeur en 1727. Selon Laborde, il devint surintendant de la musique du prince de Conti, emploi qu’il conserva sans doute jusqu’à sa in( ; rt, dont on ignore absolument la date. Anne Philidor doit être considéré comme l’un des artistes les plus intelligents et les plus distingués de son temps.

PflILIDOH (François Danican, dit), compositeur, frère du précédent, né à Paris en 1089, mort vers 1718. Il devint, en 1708, basse de cromorne et trompette-marine de la chapelle loyale, et succéda, en 1716, à Nicolas Mercier de Villeneuve comme taille de hautbois et basse de violon de ta chambre et de la grande écurie. « François, dit M. Er. Thoinan, jouait de la flûte avec talent et a laissé deux livres de pièces pour cet instrument. Le second de ces livres, publié en 1718 et portant au titre ces mots : « Pur feu M. Phi■ lidor, > indique qu’il mourut cette même année ou la précédente. « Ou a de lui : Pièces pour la flûte traversière, qui peuvent aussi se jouer sur le violon (Pans, 1716, in-4<> obi., imprimé) ; Pièces pour ta flûte traversière et pour k violon (Paris, 1718, in-4o obi., imprimé).

PHILIDOR (François-André Danican, dit), célèbre compositeur français, Je premier joueur d’échecs de son temps, frère consanguin des précédents, né k Dreux en 1726, mort à Londres en 1795. Il fut le plus célèbre de tous les Philidor et l’un des fondateurs, avec Duni, Monsigny et Grétry, de l’opéracomiq ne français, qui lui doit un grand nombre d ouvrages charmants, dont quelques-uns sont des chefs-d’œuvre. Admis, dès l’âge de six ans ot probablement en faveur des longs services rendus déjà par sa famille, au nombre des enfants de la chapelle de Louis XV, il y fit ses études sous la direction d’André Cotnpra, musicien lui-même fort distingué et le seul maître français qui, avant Rameau, ait obtenu des succès nombreux et durables sur notre première scène lyrique. C’est au service de cette chapelle qu’il contracta, avec celle de la musique, la passion des échecs, qui devait tenir une grande place dans son existence. Nous en trouvons la preuve dans l’anecdote suivante, rapportée par M. Arthur Pougiu dans une étude très-coniplete sur Philidor, publiée eu 1859 par la Bévue et gazette musicale ; « Les musiciens du roi avaient l’habitude, en attendant l’heure de la messe de Sa Majesté, de se réunir dans une salle où se trouvait une longue table dans laquelle étaient incrustes six é^hiquieis ; ils prenaient ainsi patience en exerçant leurs forces a ce jeu difficile et compliqué. Philidor, qui avait pour les échecs une inclination naturelle, les regardait faire silencieusement et portait aux coups la plus grande attention. Un jour, il avait environ dix ans, un vieux musicien, arrivé avant l’heure accoutumée, maugréait devant lui de ce que ses camarades n’avaient point imité son exemple, ce qui le privait de faire sa chère partie. L’enfant n’osait trop, mais cependant, tout hésitant, proposa au bonhomme de lui servir de joueur. Le vieillard partit d’abord d’un éclat de rire, puis unit par accepter. Mais son étonnement fut grand lorsque, au lieu d’un élève auquel il pensait devoir prodiguer les conseils, il s’aperçut qu’il avait affaire à un rival redoutable ; le dépit s’en mêla quand, la partie avançant, il vil son adversaire au moment de prendre le dessus-, sa mauvaise humeur redoubla alors, et il eut fallu voir la mine à la fois piteuse et maligne du bambin, trop tier de son prochain succès pour l’abandonner, mais redoutant de payer son triomphe par quelque taloche que 1 amour-propre froissé du bonhomme semblait lui faire pressentir. A chaque instant, il regardait la porte d’un œil suppliant, comme pour l’engager k se rapprocher de lui aliu de favoriser sa fuite lorsque le moment en serait venu ; cependant, petit à petit et sans donner d’inquiétude à son

rival, trop fortement absorbé par son jeu, il était parvenu à se glisser à l’extrémité de son banc ; sûr alors de son salut, il presse l’issue de la partie, avance victorieusement la pièce décisive et, lançant à son adversaire un mat sardonique et retentissant, s’enfuit de tou»« la vitesse de ses petites jambes, afin d’échapper à une poursuite qui eût pu lui devenir fatale. Après une telle aventure, ce fut à qui des musiciens de la chapelle ferait la partie avec le petit Philidor, et bientôt il ne se trouva plus un seul de ses collègues qui pût se mesurer avec lui. »

Cette passion naissante, ne faisait pus négliger à Philidor ses études musicales et, à peine âgé de douze ans, il faisait exécuter à la chapelle un morceau de sa composition, un motet avec chœurs, dont Louis XV fut si ■ charmé qu’il l’en félicita hautement et lui fit remettre une gratification de dix louis. Après avoir terminé son éducation musicale et reçu sou congé, il vint se fixer à Paris, où, ayant perdu son père, il se vit obligé pour vivre de donner des leçons de musique & vil prix et même de copier de la musique. Ce fut alors qu’il fit la connaissance de plusieurs grands joueurs d’échecs, M. de Légal, l’abbé Chenard et quelques autres, avec lesquels il fit, au grand étonnement dos amateurs, plusieurs parties sans voir l’échiquier. Cependant, sa position précaire l’avait obligé à contracter des dettes, et il dut s’expatrier pour échapper aux poursuites de ses créanciers. Il alla d’abord en Hollande, où il se mesura avec les premiers joueurs du pays, notamment le fameux Staimna, puis en Allemagne (1748), où il rédigea son célèbre Traité des échecs. Il se rendit ensuite au cainp de l’armée anglaise, prés de Maestricht, et joua avec le duc de Cumberland, grâce auquel il put l’année suivante, à l’aide de souscriptions recueillies par ce personnage, publier cet ouvrage sous le titre d’Analyse (fu ieu des échecs.

C’est pendant l’époque de son séjour en Angleterre, qui se prolongea jusqu’en 1754, qu’il mit en musique l’ode fameuse de Dryden sur le Pouvoir de l’harmonie, et c’est alors aussi qu’il exécuta un tour de force extraordinaire, en faisant, au Club des échecs, sans voir les échiquiers, trois parties simultanées qu’il mena de front avec un talent sans égal ; ses trois adversaires étaient : son ami intime, le comte de Brulb, M. Bowdler, considérés tous les deux comme les plus forts joueurs de Londres, et M. Mazères. M. de Brulh fut vaincu en une heure vingt minutes, M, Mazères en deux heures, et, au bout d’une heure trois quarts, la partie avec M. Bowdlar était déclarée égale. Ces combats extraordinaires n’étaient pas sans porter de rudes atteintes atix facultés intellectuelles de Philidor, qui, d’ailleurs, s’y préparait par une abstinence presque complète. Diderot lui écrivit à ce sujet une lettre affectueuse, pleine de bons conseils, dans laquelle il le suppliait de renoncer à un tel genre de vie.

De fait, Philidor revint à Paris au mois de novembre 1754, avec l’intention bien arrêtée de se remettre sérieusement à la composition musicale. Après avoir vainement tenté d’obtenir la surintendance de la musique du roi, qui était vacante en ce moment, il tourna ses efforts du côté du théâtre, et, après une attente de quatre longues années, il débuta par un triomphe, le 9 mars 1759, en donnant k rOpéra-Connque (foire Saint-Laurent), un acte charmant, Biaise le savetier, dont Sedaine lui avait fourni les paroles, et qui établit du premier coup sa réputation. Six mois après, le 18 septembre, il donnait au même théâtre l’JSuitre et les plaideurs.

L’année suivante (la février 1760), il épousait Mlle Angélique-Henriette-Eiisabeth Richer, sœur du célèbre chanteur de ce nom, chanteuse elle-même, qui se fit souvent applaudir au Concert spirituel et dont il eut, outre deux enfants morts en bas âge, une fille et quatre fils, dont l’aîné et dernier survivant est mort en 1845,

On peut dire qu’en ce qui concerne sa carrière théâtrale, Philidor marcha de succès en succès ; car la plupart des nombreux ouvrages qu’il donna k l’Opéra-Comique, à la Comédie-Italienne et à l’Opéra furent accueillis chaleureusement par le public, et ceux qui furent l’objet d’une moindre faveur le durent généralement aux défauts des poèmes sur lesquels ils étaient écrits. Voici la liste complète de ces ouvrages, dont quelques-uns ont été omis par M. Fetis : Biaise le savetier, un acte, paroles de Sedaine (Opéra-Comique, 9 mars 1759) ; VHuître et les plaideurs ou lo Tribunal de la chicane, un acte, de Sedaine (Opéra-Comique, 17 septembre 1759) ; le Quiproquo ou le Volage fixé, deux actes, de Moustou (Comédie-Italienne, 6 mars 17C0) ; le Soldat magicien, un acte, d’Auseaume (Opéra-Comique, 14 août 1760) ; le Jardinier et son seigneur, un acte, de Sedaine (Opera-Comique, 17 février 1761) ; le Maréchal ferrant, un acte, de Quêtant (Opéra-Comique, 22 août 1761), succès de deux cents représentations, rare assurément à cette époque et justifié par la fraîcheur, la grâce et l’abondance mélodique de la partition ; Saneào Pança dans son isle, un acte, de Poinsinet (Comédie-Italienne, 8 juillet 1762) ; le Bûcheron, un acte, de Guichard (Comédie-Italienne, 2S février 1763), énorme suceps ; les Fêtes de la Paix, un acte, de Favart {Comédie-Italienne, 4 juillet 1763) ; le Sorcier, un acte, de Poinsinet (Comédio-Italienne, 2 janvier 17C4), succès

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retentissant ; Tom Jones, trois actes, de Poinsinet (Comédie-Italienne, 27 février 1765) ; Ernetinde, princesse de Norvège, trois actes, de Poinsinet (Opéra, 24 novembre 1767), Uamense succès, qui se renouvela en 1773 lorsque l’ouvrage fut remis en cinq actes ; le Jardinier de Sidon, deux actes, de Pleinchéne (Comédie-Italienne, 18 juillet 1768) ; VAmant déguisé ou le Jardinier supposé, un acte, de Favart (Comédie-Italienne, 2 septembre 1769) ; la Nouvelle école des femmes, trois actes, de Moissy (Comédie-Italienne, 21 janvier 1770) ; le Bon fils, un acte, de Lemonnier (Comédie-Italienne, 11 janvier 1773) ; Zémire et Mélide, deux actes, de Fenouillot de Falbaire (théâtre de la cour, k Fontainebleau, octobre 1773) ; les Femmes vengées, un acte, de Sedaine (Comédie-Italienne, 20 mars 1775) ; Persée, de Quinault, remis en trois actes par Marmontel (Opéra, 27 octobre 1780) ; Y Amitié au village, trois actes, de Desforges (Comédie-Italienne, 31 octobre 1785) ; Thémistocle, trois actes, de More ! (Opéra, 23 mai 1786) ; Bélisaire, trois actes, de d’Antilly (théâtre Favart, octobre 1796), ouvrage posthume, Philidor étant mort en 1795. À cette liste déjà nombreuse, il faut ajouter encore trois ouvrages : le Puits d’amour ou les Amours de Pierre Lelong et de Blanche Bazu, pièce en langue romance, de Landris, représentée par les petits comédiens du bois de Boulogne, le le* mai 1779 » (v. les Mémoires de Bachaumont) ; la Belle esclave, un acte, de Dumaniant (théâtre des Beaujolais, 18 septembre 1787) ; le Mari comme il tes faudrait tous, un acte [théâtre des Beaujolais, 178S). Enfin, à tout ceci il faut joindre encore un certain nombre de compositions religieuses, un Te Deum, un Lauda Jérusalem et un ouvrage extrêmement important, sorte d’oratorio en action, le Carmen sssculare, rais en musique par Philidor sur le texte latin d’Horace et dont le succès fut un véritable événement lorsqu’on l’exécuta en 1780. Tel est le bagage à la fois considérable et remarquable de cet artiste, trop oublié aujourd’hui et qui fut un compositeur du premier ordre, k mettre en ligne auprès de Grétry et de Monsigny, ses émuies, qu’il surpassait de beaucoup au point de vue du savoir technique et auxquels il ne le cédait point sous la rapport de l’inspiration. « Philidor fut un talent fécond, original et neuf, » dit M. Pougin. Nous appuyons sur ce dernier mot parce qu’on lui a souvent, et à tort, reproché de piller les compositeurs ses contemporains ; de plus, on a dit de lui qu’il manquait toujours de mélodie, et nous, qui nous sommes donné la peine de 1 étudier avant d’eu parler, ce que d’autres n’ont peut-être pas fait, nous avons été à même de vérifier la valeur de ces assertions et d’en reconnaître toute la fausseté.

Honnête, bon, serviable et obligeant, Philidor n’était pas moins estimable comme homme que remarquable comme artiste et comme joueur d’échecs. Pensionné par la Comédie-Italienne, en raison des services qu’il

avait rendus à ce théâtre et des succès qu’il y avait remportés, il abandonna la composition musicale vers 1788, pour se livrer sans contrainte k sa passion pour les échecs. On a prétendu k tort qu’il avait émigré pendant la Révolution et s’était réfugié k Londres. Tous les renseignements donnés par sa famille établissent qu’il n’était pas indifférent aux affaires publiques, et plusieurs lettres que nous avons sous les yeux prouvent qu’il considérait la Révolution comme un grand bienfait pour son pays. Ce n’est donc point comme émigré qu’il se rendit à Londres k la fin de 1792, mais bien comme membre du Club des échecs, qui, depuis son dernier voyage, lui avait accordé une pension k la condition qu’il irait tous les ans y passer quatre mois. Il demanda donc et obtint du comité de Salut public un passe-port k l’aide duquel il se rendit en Angleterre. La guerre I empêcha ensuite de rentrer dans son pays, et lorsqu’il allait revenir, dans les premiers mois de 1795, les lois sur l’émigration l’en empêchèrent do nouveau. Sa famille alors s’adressa k tous les comités et fit toutes les démarches nécessaires pour en obtenir un sauf-conduit, résultat auquel elle était enfin à grand’peine parvenue, lorsque la nouvelle de la mort de Philidor vint la frapper douloureusement au milieu de sa joie. Il avait succombé à une attaque de goutte. Il avait soixante-neuf ans.

PHILIDOR (Pierre Danican, dit), compositeur, fils de Jacques, dit le cadet, né k Paris en 1681. Il montra pour la musique des dispositions très-précoces. Élève de son père, il fit des progrès très-rapides et fit représenter en 1897, ■ devant Monseigneur, » k Marly, le 3 août, et k Versailles, devant le roi, le 3 septembre, une Pastorale dont il avait composé la musique. Déjà, k cette époque, il avait la survivance de son père comme hautboïste de la grande écurie, place dont il ne devint titulaire qu’k la mort de celui-ci, en 1708, alors que depuis 1704 il était dessus de hautbois de la chapelle. Enfin, en 1712, il fut reçu flûtiste et dessus de hautbois de la chambre et se vit nommer, le lo janvier 1716, joueur de viole de la cour. Habile flûtiste, Pierre a laissé trois livres de duos et de pièces diverses pour flûte, hautbois et violon, lesquels ont été réunis en un seul volume dans une seconde édition. L’époque de sa mort est restée inconnue. Voici les litres de ses œuvres publiées : Premier oeuvre, contenant trois suites à deux /lûtes traversières seules, avec trois suites dessus et basses pour les hautb’iis, flûlesf violons, etc. (Paris, Foucault, 1717, in-4o obigravé) ; Deuxième œuvre, contenant deux suites à deux flûtes traversières seules, avec deux autres suites dessus et -basses pour les liambois, etc. (Paris, 1718, in-4o oU., gravé) ; Troisième œuvre, contenant une suite à deux flûtes traversières seules, et l’autre suite dessus et basses pour les hautbois, etc. (Paris, 1718, in-4o obi., gravé) ; Trio, premier œuvre, contenant six suites (Paris, chez MM, Philidor, sans date, in-4<> obi., gravé).

PHILIEUL (Vnsquin), littérateur français, né k Carpentras en 1522, mort vers 1582. Il se fit recevoir docteur en droit, puis devint chanoine de Notre-Dame-des-Doms et jugo de la cour temporelle d’Avignon. On lui doit : Laure d’Avignon (Paris, 1518, in-S°) ; Joutes les œuvres vulgaires de François Pétrarque, contenans quatre livres de Jï/me Lettre, sa maîtresse, en vers (Avignon, 1555, in-8o) ; les Statuts de la comté de Venaissin (Avhjnon, 1558, in-4o), trad. française d’un ouvrage latin de son père, publié en.1511. On lui doit diverses autres traductions.

PHILIN s. m. (fi-lain). Moll. Espèce de volute.


PHILINTE s. m. (fi-lain-te — nom d’un personnage du Misanthrope). Homme d’un caractère souple, approuvant tout par complaisance ou par politesse mondaine : Les Alcestes deviennent des Philintes, les caractères se détrempent, les talents s’abâtardissent. (Balz.)


PHILINTE, personnage du Misanthrope de Molière, dont le caractère forme contraste avec celui d’Alceste. Philinte est le philosophe indulgent, l’homme sociable par excellence, l’ami du genre humain, comme l’appelle Alceste dans son ironie misanthropique. Il veut que l’on sacrifie quelquefois les intérêts de la vérité aux bienséances et aux usages du monde ; il montre de la complaisance pour les défauts des autres et dissimule ses sentiments sous les dehors de la politesse ; toutes choses qui mettent Alceste en fureur. « Il est constant, dit M. Taschereau dans son Histoire de Molière, que celui-ci avait donné à son Philinte plus d’un trait de son propre caractère, et précisément cette tolérance qui en était l’ornement et qui a excité l’indignation de l’intolérant Rousseau. » Dans la pensée de Molière, Philinte n’est ni un égoïste ni un modèle de vertu, mais un type de sociabilité et de savoir-vivre dans le monde, où les rapports ne sont possibles qu’à la condition de transiger. L’intention du poëte était de faire voir ce qu’il faut accorder aux défauts des hommes si l’on veut vivre avec eux ; et si Philinte pousse un peu loin la complaisance, pour plus de sûreté, il est clair qu’Alceste montre trop de rudesse et qu’avec un caractère tel que le sien il faut tôt ou tard quitter la partie.

En littérature, le nom de Philinte est resté le synonyme d’homme aimable, poli, indulgent, et les allusions que l’on fait à ce personnage le mettent le plus souvent en opposition avec Alceste :

« On a prétendu qu’il n’y avait que deux sortes de critiques : la critique à bras ouverts et la critique à poings fermés. Parmi nos juges littéraires, les uns sont de la race
de Philinte, indifférents par nature, toujours portés à l’indulgence et doués d’une bienveillance universelle. Les autres, qui descendent d’Alceste, se gendarment envers et
contre tous, prennent les airs indignés de M. Veuillot ou prétendent à sonner le tocsin et à brandir le glaive comme M. de Cassagnac. »
                        Ch. Henry.

« La vie semble plus commode et plus douce avec ces formes aimables qui paraissent prouver le cas qu’on fait de vous et la
peur qu’on a de vous déplaire. Ce n’est pas du mensonge, mais de la politesse : on aime à se bercer au bruit de cette musique louangeuse ; on se passe avec grâce et discrétion l’encensoir, et les Philintes ont prévalu sur les Alcestes dans la société actuelle. »
                     Hipp. Lucas.

Philinte de Molière (LE) ou la Suite du Misanthrope, comédie en cinq actes et en vers, de Fabre d’Églantine (théâtre de la Nation [Odéon], 22 février 1790). En essayant de continuer, dans une action spéciale, le type créé par Molière, Fabre d’Églantine a été obligé de l’accentuer davantage et il l’a exagéré à la façon dont le comprenait J.-J. Rousseau. « Ce Philinte, disait le philosophe, est un de ces honnêtes gens du grand monde dont les manières ressemblent beaucoup à celles des fripons ; de ces gens si doux, si modérés qui trouvent toujours que tout va bien parce qu’ils ont intérêt à ce que rien n’aille mieux ; qui sont toujours contents de tout le monde parce qu’ils ne se soucient de personne ; qui, autour d’une bonne table, soutiennent qu’il n’est pas vrai que le peuple ait faim ; qui, legous set bien garni, trouvent fort mauvais qu’on déclame en faveur des pauvres ; qui,