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dont les filaments soient propres à être tissés. Là, on fait des étoffes et des cordages avec l’abacca, le cocotier, le pitre, le chanvre, L’ananas et une foule d’autres plantes arborescentes ou herbacées. Le pitre et le fil d’ananas, combinés avec la soie, produisent des étoffes d’une fraîcheur et d’une finesse admirables, et l’on fait avec les feuilles du nipa des parasols, des éventails, des chapeaux de prix, des nattes magnifiques et des étuis à cigares d’un travail exquis. Les forêts des Philippines ne recèlent point d’animaux gigantesques et féroces, mais beaucoup de sangliers, de cerfs, de daims, de singes et de chats sauvages. Des buffles, grands et robustes, très-dangereux dans l’état sauvage et fort doux lorsqu’on les a accoutumés au joug, peuplent les lieux marécageux. Les bœufs, les moutons et les cochons sont assez communs. Quant aux chevaux, ils sont tellement nombreux, qu’on en compte, dans certains districts, trois pour un habitant. La famille des serpents y est encore mieux représentée qu’à Java. Le venin d’un de ces ophidiens donne la mort instantanément et, parmi eux, figurent le python et le boa. Les insectes incommodes et nuisibles et les oiseaux de la Sonde se retrouvent aux Philippines. L’écaille de tortue, les perles, la nacre, l’ambre, les nids de salanganes et le tripang figurent parmi les exportations de cet archipel.

Le chiffre que nous avons donné plus haut comme indiquant la population de l’archipel ne doit être considéré que comme une approximation plus ou moins exacte, ce qui se comprend du reste facilement quand on sait que bon nombre de tribus vivent indépendantes dans l’intérieur de Luçon et des autres îles principales. Si l’on se voit forcé de renoncer à obtenir des renseignements positifs à cet égard, on peut cependant affirmer que le sol n’est pas habité en proportion de son étendue et qu’il pourrait nourrir une population beaucoup plus considérable. Il n’y a guère dans les Philippines plus de 4, 000 Espagnols nés en Europe ; si l’on ajoute à ce chiffre environ 2, 000 étrangers, établis pour la plupart à Manille, on a le contingent de la population européenne de l’archipel. Un certain nombre de créoles espagnols, nés dans le pays, conservant l’orgueil de leur origine castillane et formant une sorte de caste à part, peuvent également figurer dans ce dénombrement. En résumé, la race blanche ne concourt jusqu’ici que pour une très-faible part au peuplement de ces îles. Parmi les Indiens naturels, on remarque la race des Papous, possesseurs primitifs du pays ; ils sont noirs et ont tous les traits des nègres ; ils vivent, dans les montagnes et les plus épaisses forêts, de la chasse, de fruits et de miel, et n’ont pour vêtement qu’une ceinture faite d’écorce d’arbre ; on les dit d’un caractère doux, mais ils sont peu connus ; cette race forme plusieurs tribus, dont la principale est celle des Ygarrotes. Une race très-distincte de celle-ci paraît descendre des Malais et est aussi divisée en plusieurs tribus, qui parlent des idiomes différents, et dont les principales sont celles des Tagals et des Bissayas : les premières vivent sur les côtes, sont chrétiennes et spécialement occupées à la culture des terres ; les autres vivent dans l’intérieur et sont indépendantes. Tous ces Indiens sont en général doux et humains ; leur caractère tient plus de celui des indigènes des îles les plus orientales que de celui des Malais proprement dits et de celui des cruels Bottas ; la corruption n’y règne que dans les classes inférieures. Les Philippines méridionales sont habitées par des Maures ou par des Indiens mahométans, indépendants, ennemis héréditaires et implacables des Espagnols, auxquels ils font une guerre de piraterie continuelle, en dévastant les côtes habitées par les Indiens convertis.

Les Chinois ont été en nombre beaucoup plus considérable dans ces îles ; mais, soit jalousie, soit crainte de révolutions, ils en ont été chassés à différentes époques, et notamment en 1759 ; ceux qui y sont demeurés se sont faits en grande partie chrétiens pour vivre tranquilles, et le plus grand nombre font le commerce pour retourner dans leur patrie après avoir fait fortune ; les autres cultivent les terres. Les métis et créoles détestent la domination espagnole ; ils ont le caractère inquiet et remuant et travaillent peu. Ce sont eux qui, en 1823, se soulevèrent dans le but d’obtenir un gouvernement plus libéral ; l’Espagne réprima ce mouvement et fit exécuter le capitaine Novales, créole, et plusieurs de ses amis, qui réclamaient l’indépendance des îles. Les Indiens convertis étant en assez grand nombre dans ces îles, c’est d’eux que les Espagnols tirent de puissants moyens de domination, malgré la disproportion qui existe entre ceux-ci et les autres naturels, qu’on regarde comme les plus braves et les plus belliqueux de l’archipel asiatique. En droit, l’indigène ne peut être propriétaire, mais il conserve la jouissance du domaine qu’il cultive. Les colons espagnols peuvent obtenir des concessions de terres moyennant le payement d’une faible rente ; ces concessions sont rarement demandées, les Espagnols étant, comme on l’a vu, fort peu nombreux dans la colonie et appartenant, pour la plupart, aux professions libérales ou faisant le commerce. Les couvents et les corporations religieuses possèdent, comme dans tous les pays espagnols, d’immenses propriétés. L’esclavage est inconnu aux Philippines ; il n’existait pas avant la conquête, et les Espagnols ne l’ont ni importé ni toléré dans leurs possessions asiatiques. On n’y voit même pas ce système de travail réglementé ou forcé qui est en vigueur dans d’autres colonies européennes, et qui n’est souvent qu’un esclavage déguisé. Sans remonter aux premiers temps de la conquête, où la colonie n’entretenait de rapports qu’avec la Nouvelle-Espagne (Mexique) au moyen du fameux galion d’Acapulco, nous ne voyons, pendant le cours du XVIIe et du XVIIIe siècle, que des règlements restrictifs, prohibitifs, entravant les échanges et étouffant dans leur germe les éléments de prospérité que renfermaient ces belles contrées. En 1785, le commerce fut livré à une compagnie privilégiée. Le privilège de la compagnie expira en 1834 et ne fut pas renouvelé. En 1855 seulement, le gouvernement espagnol jugea que le moment était venu d’accorder plus de latitude au commerce étranger et il ouvrit trois nouveaux ports : Sual, dans l’île Luçon ; Hoïlo, dans l’Île Panay, et Zamboanga, dans l’Île Mindanao. Ainsi, jusqu’en 1855, les échanges de tout l’archipel avec l’étranger étaient exclusivement concentrés à Manille. La prospérité des îles Philippines s’est beaucoup accrue depuis vingt ans ; le produit de la vente des tabacs, qui ne dépassait pas 2 millions de piastres, s’est élevé, en 1859, à plus de 6 millions de piastres. L’exportation du sucre, qui n’atteignait pas 84, 000 piculs (le picul de Manille vaut 63, 250 gr.) en 1840, a dépassé 400, 000 piculs en 1858. La valeur des importations et des exportations réunies était, en 1840, de 5 millions de piastres ; en 1860, elle s’est élevée à 22 millions de piastres. Les caboteurs de l’archipel étaient au nombre de 614 en 1841 ; en 1853, on en comptait 3, 847, et, en 1860, les navires immatriculés à la capitainerie du port de Manille s’élevaient à 6, 730, comptant 50, 000 marins et jaugeant 150, 000 tonneaux.

La partie espagnole des Philippines, jointe aux Mariannes, forme une capitainerie générale, dite des Philippines ou de Manille ; elle est divisée en 43 provinces (corregimientos ou alcadias). Un capitaine général, nommé par l’Espagne, en est le chef politique. Son mandat, qui expire au bout de six années, est presque toujours renouvelé. Lorsqu’il a été remplacé, il est tenu d’habiter la colonie pendant six mois, pour répondre des actes de son administration, s’il y a lieu, si des plaintes sont portées contre lui. Le plus important personnage de la colonie après lui est un lieutenant général, nommé également par l’Espagne, lequel commande la force armée, peut le suppléer en toutes choses et lui succède provisoirement en cas de décès. Vient ensuite le conseil colonial, composé d’un régent et de quatre auditeurs, et que le capitaine général ou son second préside, flanqué d’un assesseur et d’un agent fiscal ayant droit de contrôle : puis le corrégidor, chef de la police, l’alcade de Manille et ceux des provinces, les chefs de villages, les percepteurs, etc. Le chef spirituel, tout à fait indépendant des autorités politiques, est un archevêque qui réside à Manille et a sous ses ordres quatre évêques et un chapitre de douze chanoines avec leur doyen. Les villes épiscopales sont : Nueva-Segovia, dans l’alcadie de Cagayan ; Vigan, chef-lieu de l’alcadie de Hocos ; Nueva-Cacerès, dans la province de Camarines, et Zébu, dans l’Île de ce nom. Il y avait autrefois un grand inquisiteur, chef des commissaires du saint office, qui a disparu après la chute de l’inquisition en Espagne. Quatre ordres religieux dominent, qui fournissent des curés à presque toutes les paroisses de l’archipel, et ces curés, cumulant les fonctions de pasteur, de maire, de commissaire de police, comme ceux de Rome, capitaines lorsque le cas l’exige, dirigent les masses à leur fantaisie. La plupart d’entre eux sont métis ou tagals ; la couleur de leur peau les empêche de parvenir aux grandes dignités ecclésiastiques ; et qui sait si, lassés de prêcher que le diable est noir, ce qui est peu flatteur pour eux, ils ne se réveilleront pas un beau matin avec l’envie de soutenir qu’il est blanc ? Ce jour-là, c’en sera fait de la domination espagnole aux Philippines ; mais gare la férule monacale ! Le bas clergé est médiocrement estimable et très-ignorant, tandis que les princes et barons de l’Église, les Européens à qui reviennent de droit les postes les plus lucratifs, les plus grosses prébendes, sont pour eux de vrais tyrans. Ils sont fort riches et d’une moralité toute coloniale. Le budget des recettes aux Philippines s’élève à près de 60 millions de francs, provenant des monopoles, en tête desquels figure le tabac ; de l’impôt direct que payent, sous forme de capitation, les indigènes, les métis et les Chinois ; de la douane, des loteries. Avec ce revenu, la colonie paye toutes ses dépenses, son armée de 15, 000 hommes, composée presque entièrement de troupes tagales ; sa marine, qui est peu considérable, les fonctionnaires civils, etc. Il reste environ 6 millions qu’elle verse dans le trésor de la métropole. Les îles Philippines furent découvertes en 1521 par Magellan, qui mourut, la même année, de blessures reçues dans un combat contre les indigènes de Zebu. Plusieurs expéditions partirent successivement des rives américaines de la Nouvelle Espagne pour continuer l’œuvre de conquête commencée par le célèbre navigateur. En 1564, Legaspi fut le premier investi du titre de gouverneur général, et, après avoir solidement établi la domination espagnole dans l’Île de Zébu, il passa à Luçon et fonda Manille, qui ne tarda pas à devenir la capitale des Philippines et le siège du gouvernement. Tels furent les débuts de la puissance espagnole en Asie : débuts pénibles et glorieux, car en ce moment les Portugais tenaient la mer, et si Magellan tomba sous la massue des indigènes, ses successeurs eurent à lutter d’audace et de ruse contre les héritiers de Gama. C’était dans les eaux des Mariannes, des Philippines et des Moluques que se heurtaient les deux grandes nations maritimes du XVIe siècle, se disputant l’empire du nouveau monde, que ni l’une ni l’autre ne devait garder. Les expéditions espagnoles avaient à traverser les croisières du Portugal avant d’aborder dans ces régions qu’elles venaient soumettre, et la marine portugaise était alors maîtresse de l’océan Indien. L’Amérique garda, pour ainsi dire, toutes les violences de la conquête espagnole. L’Asie fut abordée plus humainement ; elle vit descendre sur ses rives des héros moins impitoyables et des prêtres moins fanatiques ; la domination européenne s’y montre, dès le premier jour, plus modérée et la religion plus douce. À une telle distance de la mère patrie, dans ce pays perdu et sous la menace continuelle des Portugais, l’Espagnol, que n’éblouissait plus la vue du précieux métal, comprit qu’il devait ménager les tribus indiennes, et que la mansuétude lui gagnerait plus facilement des sujets. De là le caractère particulier de la domination espagnole aux Philippines, caractère qu’elle a gardé depuis trois siècles et qui la distingue essentiellement des autres entreprises coloniales. Pendant les premiers temps, l’archipel fut exposé aux attaques des pirates chinois et japonais. Fatigué de ces incursions, un gouverneur général, Francisco de Saude, eut l’idée d’aller simplement à la conquête de la Chine. En ce temps-là, un hidalgo ne doutait de rien. La cour de Madrid retint ce fonctionnaire impétueux en lui enjoignant de vivre en paix avec ses voisins. Dans le cours du XVIIe siècle, les Chinois, établis en grand nombre sur le sol de Luçon, se mirent plusieurs fois en révolte contre l’autorité espagnole ; chacune de ces insurrections fut écrasée et noyée dans des flots de sang. En 1762, une escadre anglaise s’empara de Manille. Le moine Andra souleva les Indiens et chassa les Anglais ; l’Île revint aux Espagnols en 1764. Dans la période contemporaine, nous n’avons à signaler que les expéditions contre les sultans de Soulou et contre les pirates de la Malaisie. L’histoire extérieure des Îles Philippines est donc peu féconde en incidents. L’Espagne a gardé l’archipel tel qu’elle le possédait au lendemain de la conquête ; elle n’a point subi la déchéance qui a frappé le Portugal ; elle ne s’est point trouvée mêlée aux querelles de territoire qui, dans les pays asiatiques, ont fréquemment divisé l’Angleterre et la Hollande ; aucune rivalité européenne n’est venue la troubler dans la jouissance de cette magnifique possession, qu’elle doit au génie de Magellan. Mais cette tranquillité parfaite n’a point toujours régné dans le gouvernement intérieur de la colonie. Là se trouvaient en présence, avec d’égales prétentions à la suprématie, deux autorités qu’il n’a jamais été facile de concilier : le gouverneur général et l’archevêque, le soldat et le moine étaient souvent en désaccord, et, à cette distance de l’Europe, les luttes du temporel et du spirituel s’engageaient avec une ardeur que ne pouvait tempérer aucun arbitrage. Tantôt le gouverneur général mettait l’archevêque en prison, tantôt l’archevêque excommuniait le gouverneur et prêchait la révolte. Comme il ne fallait pas moins de deux ou trois ans pour que les correspondances pussent s’échanger de Madrid et Rome à Manille, et vice versa, les décisions du roi et du pape arrivaient quand la querelle était terminée et au moment où il en naissait une autre. Que l’on ajoute à ces luttes d’autorité les discussions qui surviennent parfois entre les divers ordres religieux, plus ou moins jaloux les uns des autres, et l’on aura une idée de l’état presque perpétuel d’agitation dans lequel vivait cette colonie, grâce à l’influence exagérée que le gouvernement espagnol laissait prendre aux moines et à leurs chefs.


PHILIPPIQUE s. f. (fi-li-pi-ke — allus. aux Philippiques de Démosthène et de Cicéron). Satire violente : Prononcer une philippique. Lancer une philippique.


Philippiques (les), discours politiques de Démosthène, classés parmi les plus grands chefs-d’œuvre de l’éloquence. Ces discours, dirigés contre le roi de Macédoine, sont au nombre de quatre. Le premier fut prononcé en 352 av. J.-C. Philippe, après s’être emparé d’Amphipolis, de Pydna et de Méthone, avait essayé, l’année précédente, de passer les Thermopyles, sous prétexte de se venger des Phocidiens ; repoussé par le général athénien Nausicies, il résolut de faire oublier son audacieuse tentative en se renfermant dans Pydna, où il s’entoura de peintres, de sculpteurs, de comédiens et fit semblant de ne plus s’occuper que d’arts et de plaisirs. La première Philippique eut pour objet de démasquer ces menées hypocrites et de réveiller le peuple athénien, endormi sur la foi de trompeuses promesses. « Allez-vous donc toujours, dit-il à ses concitoyens, tourner autour les uns des autres sur la place publique, vous questionnant, vous demandant : « Eh bien ! qu’y a-t-il de nouveau ? » Et que peut-il y avoir de plus nouveau que de voir un Macédonien lutter contre Athènes et être maître de la Grèce ? Philippe est-il mort ? Non, mais il est malade… Que vous importe à vous ? Viendrait-il à mourir, ne vous créerez-vous pas à vous-mêmes aussitôt un autre Philippe, si vous continuez à apporter à vos affaires la même négligence, car cet homme a grandi de la sorte, moins par ses propres forces que par votre incurie. Considérez encore ceci : viendrait-il à mourir, serions-nous favorisés par la fortune, qui s’est toujours occupée de nos affaires beaucoup plus que nous-mêmes, ce ne serait, rappelez-le-vous, qu’en vous mettant à la tête de toutes les affaires aujourd’hui en désarroi que vous parviendriez à les diriger à votre guise. Mais, agissant comme vous le faites aujourd’hui, lors même que l’occasion vous rendrait Amphipolis, n’y étant disposés ni de fait ni d’esprit, vous ne pourriez en profiter. »

Démosthène énumère ensuite les forces de Philippe et montre qu’Athènes peut lui en opposer d’aussi formidables ; il fait le compte des soldats, des vaisseaux, indique comment pourvoir aux dépenses, le tout sommairement, mais avec une vigueur et une lucidité qui ne laissent point de place à la réplique ; il a tout prévu, en patriote et en homme d’État. Il sait cependant qu’on ne fera rien et qu’on se contentera de se lamenter, à mesure que la situation empirera, au lieu de frapper un grand coup et d’arrêter Philippe en portant la guerre en Macédoine. « Vous, dit-il, Athéniens, bien que vous possédiez les forces les plus imposantes en vaisseaux, en grosso infanterie, en cavalerie, en revenus, vous n’avez jamais jusqu’à ce jour, tout en vous agitant beaucoup, tiré profit d’aucun de ces avantages. Votre manière de combattre Philippe ressemble tout à fait au pugilat des barbares. L’un d’eux est-il frappé, il ne pense qu’au coup qu’il vient de recevoir ; le frappe-t-on ailleurs, il y porte aussitôt la main ; mais parer les coups et en porter à son tour, il ne le sait et n’en est pas capable. Ainsi de vous ; apprenez-vous que Philippe est dans la Chersonèse, décret pour secourir la Chersonèse ; aux Thermopyles, décret pour les Thermopyles ; sur quelque autre point, vous courez, vous montez, vous descendez à sa suite. Oui, vous manœuvrez sous ses ordres, n’arrêtant vous-mêmes aucune mesure militaire importante, ne prévoyant absolument rien, attendant la nouvelle du désastre d’hier ou d’aujourd’hui. Autrefois, peut-être, vous pouviez vous conduite ainsi, mais la crise approche et exige une autre manière d’agir. »

Continuant de railler en maître et non sans quelque amertume, Démosthène explique à ses concitoyens comment il se fait qu’ils montrent tant d’ordre et de prévoyance dans les solennités publiques, les fêtes religieuses, et si peu dans les campagnes militaires : « Songez que la fête des panathénées, la fête des dionysiaques ont toujours lieu à l’époque fixée, quel que soit le plus ou moins de capacité de ceux auxquels vous en confiez le soin. Et pourtant vous y dépensez plus d’argent que dans aucune de vos expéditions maritimes, et l’embarras de leurs préparatifs est tel que je ne sache pas qu’il en soit fait de pareils chez aucun autre peuple de la Grèce. Vos expéditions, au contraire, sont en retard dans toutes les circonstances, par exemple celle de Méthone, celle de Pagase, celle de Potidée. C’est que les premières sont dans tous leurs détails réglementées par une loi ; c’est que longtemps d’avance on sait qui sera le chorège et qui sera le gymnasiarque, de qui et quand il percevra les fonds et comment il les emploiera. Là, rien dont on ait négligé l’ordonnance ou qui ne soit défini. Pour ce qui regarde la guerre et ses préparatifs, partout règnent le désordre et l’incurie ; rien qui ne soit indéterminé. » Ce discours est admirable de dialectique, de logique pressante,

La deuxième Philippique ne fut prononcée que huit ans après, en 344. Dans l’intervalle, Démosthène avait prononcé ses Olynthiennes qui étaient aussi dirigées contre Philippe, mais dont le but était spécial : décider les Athéniens à secourir Olynthe contre le roi de Macédoine. Il échoua ; Olynthe tomba au pouvoir de l’ennemi, qui franchit les Thermopyles, mit fin à la guerre sacrée et, convoquant les amphictyons, obtint la présidence de cette assemblée. Athènes appela toute la Grèce aux armes et Philippe rentra en Macédoine. C’est à cette occasion que Démosthène prononça la deuxième Philippique; ne consultant que l’intérêt de sa patrie qui allait entreprendre la guerre sur un mauvais terrain, ayant contre elle le conseil des amphictyons, vendu à Philippe il est vrai, mais dont l’autorité entraînerait le reste de la Grèce, il se prononça nettement pour la paix. Sa harangue est destinée surtout à prouver que cette présidence suprême, qui excite toutes les défiances des Athéniens, n’est rien en elle-même, qu’elle n’ajoute rien à la puissance de Philippe et que ce n’est pas pour lui disputer un vain honneur, une ombre de pouvoir, qu’il faut risquer une si grande partie.

Malgré l’état de paix subsistant, Diopèthe,