Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 13, part. 3, Rech-Rhu.djvu/129

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parfaite, d’une humilité, d’une charité, d’une fui sans bornes ; il fut surnommé VAiigelico et mérita d’êire béatifié."L’art de peindre ne fut jamais pour Jui que le moyen d’exprimer son amour ardent pour son iJieu et [jour tes hommes, Ses semblables. Il chercha toujours la gloire de l’un et le bien des autres. Chaque jour, avant de travailler, îl se mettait en prière, et, chaque fois qu’il avait à peindre une crucifixion, il pleurait à chaudes larmes. Toute qualité, tout travail qui ne devaient pas servir ou ne servaient que secondairement ses pieuses intentions furent par lui volontairement dédaignés. Il ne voulut jamais plaire uniquement aux yeux, intéresser uniquement 1 esprit. Il se servit de ses couleurs et de ses lignes comme David de sa harpe, non pour plaire, mais pour louer. À la sainteté des intentions, il joignit une imagination fervente, une invention facile, une infatigable activité. Nul n’a su comme lui faire abstraction des choses terrestres et revêtir ses personnages d’une splendeur immatérielle. Ses tableaux nous donnent l’idée la plus exacte des visions qu’une imagination dévote peut évoquer lorsqu’elle se met en rapport, en s’isolant de tout le reste, avec le peuple rêvé des mondes célestes. Toute émotion pure et sainte, Fra Angelico la traduit en artiste supérieur : le geste de la main, les mouvements du bras, de l’épaule et du co : i, les plis du vêtement, les ondulations de la chevelure, tout concourt alors à l’expression. Mais s’agit-il de reproduire des passions grossières, des sentiments bas, des agitations équivoques, sa maladresse est extrême, ses erreurs sont puériles. Ce grand artiste chrétien eut pour disciple Benozzo Gozzoli, qui a peint tout Un côté du Campo-Suato de Pise et qui, dans cette œuvre gigantesque, a retracé des scènes patriarcales d’une grâce, d’uneirgénuité etd une beauté merveilleuses. Gentile da Fabriano, autre élève de Kra Angelico, sema dans toute-l’Italie des chefsd’œuvre de peinture vraiment mystique et

jouit d’une popularité immense. Ce fut le premier des peintres de l’école ombrienne, à laquelle la suprématie de l’art chrétien fut dévolue pendunt la seconde moitié du xv« siècle. ■ La gloire de l’école ombrienne, dit M. Rio, est d’avoir poursuivi sans relâche le but transcendantat de l’art chrétien, sans se laisser séduire par l’exemple ni distraire par les clameurs ; il semblerait qu’une bénédiction spéciale fut attachée aux lieux particulibrement sanctifiés par saint François d’Assise et que le parfum de sa sainteté préservât les beaux-arts de la corruption dans le voisinage de la montagne où tant de peintres pieux avaient contribué l’un après 1 autre à décorer son tombeau. De là s’étaient élevées, comme un encens suave vers le ciel, des prières dont la ferveur et la pureté assuraient l’efficacité ; de 1k aussi étaient jadis descendues, comme^une rosée bienfaisante, sur les villes les plus corrompues de la plaine, des inspirations de pénitence qui avaient gagné de proche en prochéle reste de l’Italie. L’heureuse influence exercée sur la peinture faisait partie de cette mission de purification, et nous voyons le Pérugin, qui fut le grand missionnaire de l’école ombrienne, en étendre les ramifications d’un bout à l’autre de l’Italie.» Le grand mérite du Purugin est d’avoir su effectuer ltt conciliation, si difficile alors surtout, de progrès immenses dans le coloris et le dessin avec la pureté et la profondeur des traditions mystiques. Ce maître forma un grand nombre de disciples, dont les deux plus illustres furent le Pinturicchio et Raphaël. Avant de parler dé ce dernier, qui, dans sa première manière, se montra si pénétré de l’idéal chrétien et qui fut ensuite un des plus puissants restaurateurs de l’idéal païen, nous signalerons quelques autres peintres du xve siècle qui peignirent avec succès, avec conviction des sujets reliyieux : Taddeo di Burtolo et Ansano di Pietro, de Sienne ; Lorenzo Bicci, qui travailla à Florence ; Jacopo Aranzi, dont on voit d’admirables fresques à Padoue ; Lippo Dalinasio, qui ne voulait jamais peindre que des images de la Vierge et n’y mettait jamais la main sans s’y être préparé la veille par un jeûne austère ; Francesco Francia, l’astre rayonnant de la primitive école bolonaise ; Lorenzo Costa et Mazzolini, de Ferrare ; les Vivarini, Giovanni Bellini, Marco Basaïti, Cima da Conégliano et Curpaccio, qui illustrèrent l’école de Venise ; Boccacio Uoccacini, qui fut à Crémone le digne représentant de l’école péru^inesque ; Luca Signorelli, qui termina à Orvieto un Jugement dernier commencé par Fra Angelico et Benozzo, etc. Ces divers maîtres firent plus ou moins prédominer dans leurs œuvres l’élément mystique. D’autres grands peintres de la même période s’inspirèrent davantage de la nature, de la réalité pour la composition de leurs tableaux religieux et firent ainsi tes ’ premiers pas dans une voie où l’idéal chrétien devait périr. On trouve des symptômes manifestes de cette transformation profane chez Paolo Uccello, qui ne voyait dans la peinture d’autre beauté que la perspective et à qui les Médicis firent peindre des animaux dans leurs palais. Masolino da Panicale et Mas&ecio exécutèrent dans une chapelle de la Madonnadel-Carmine, à Florence, d’admirables fresques où triomphe un naturalisme savant et fier. Le moine Filippo Lippi, le plus ardent imitateur de Masaccio, ne craignit pas de prendre sa maitresse pour modèle de ses Vter

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ges. Trois autres peintres florentins, Cosiroo Roselli, Botticelli et Domenico Ghirlandajo, ont laissé à la chapelle Sixtine et dans divers édifices de leur ville natale des peintures empreintes d’une certaine élévation religieuse ; mais ils ne négligèrent ni l’étude des œuvres de l’antiquité ni l’observation directe de la nature, et ils n’ont pas craint d’altérer le caractère des scènes sacrées en donnant à leurs personnages les traits de leurs amis ou de leurs protecteurs. Antonio Pollaiuolo contribua, à son tour, à la décadence de l’art chrétien en introduisant dans la peinture l’élément des études anatomiques. Cet élément nouveau, l’application des lois rigoureuses de la fierspective, une meilleure combinaison de a lumière et des ombres, la vérité et la fraîcheur des paysages ajoutaient assurément à l’illusion et au charme de la peinture, mais ne pouvaient qu’amoindrir l’impression religieuse. Certains sujets traditionnels et mystiques, tels que le Couronnement de la Vierge, incompatibles avec le nouveau développement, tombèrent en désuétude et finirent par disparaître du répertoire de l’art. Le naturalisme ne pouvait profiter qu’au genre historique ; aussi les livres de 1 Ancien Testament furent exploités plus volontiers que l’Evangile, et bientôt l’histoire de la Grèce et de Rome le fut préférablementà, l’histoire sainte. « Les inspirations païennes, dit M. Rio, venaient à l’art de deux côtés a la fois : des ruines majestueuses de l’antique Rome et de la cour des Médicis. Le paganisme des Médicis était né de la corruption des mœurs autant que des progrès de I érudition... Que demandait Laurent de Médicis aux premiers

artistes de Florence quand il voulait exercerà leur égard ce patronage si éclairé dont il est fait tant de bruit dans l’histoire ? À Pollaiuolo, il demandait les Douze travaux d’Hercule ; li Ghirlandajo, l’histoire si édifiante des malheurs de Vulcain ; à Luca Signorelli, des dieux et des déesses avec tous les charmes de la nudité, et, par compensation, une chaste Pallas à Botticelli, qui, malgré la pureté naturelle de son imagination, fut en outre obligé de peindre une Vénus pour Côme de Médicis et de répéter plusieurs fois le même sujet avec des variantes suggérées par san savant protecteur. » Les ducs, Tes papes et les cardinaux de la famille des Médicis ne furent pas les seuls à demander aux artistes des compositions profanes, des nudités païennes ; le goût de ce genre de sujets devint bientôt général, et il nous suffira de constater que les gens d’Église en furent particulièrement atteints.

Ce fut pour un prince du sacré collège, pour le cardinal Bibbiena, que Raphaël composases plus voluptueuses figures, et ce fut au Vatican même, dans lu chambre de bain de ce prélat, qu’il les exécuta. Les modernes zélateurs de l’art chrétien ne peuvent pardonner à Sanzio d’être tombé dans les impuretés du paganisme, après avoir donné des marques si délicates et si exquises de son intelligence de l’idéal catholique. « Il est certain, dit Montalembert, que nul n’a réuni.à un aussi haut point que RaphuBl toutes les qualités les plus variées pendant les premières années de sa carrière ; mais c’est justement parce qu’il a •le mieux conçu et le mieux pratiqué la sainte et vraie beauté qu’il est plus coupable d’y uvoir plus tard volontairement dérogé. Quoique les tableaux de sa première manière soient les plus beaux du monde, on ne doit pas dire qu’il a été le plus grand des peintres, pas plus qu’on ne pourrait dire qu Adam a été le plus saint des hommes parce qu’il a été sans péché dans le paradis. » Le Sposalizio et la Dispute du saint sacrement sont regardés comme les deux termes extrêmes du génie chrétien de Raphaël et comptent, en effet, parmi les plus merveilleuses productions de la peinture ; les ouvrages de sa seconde manière, la Transfiguration, par-exempte, ne respirent pas la même foi naïve : la composition en est plus savante, plus importante peut-être, mais elle touche moins.

Michel-Ange ne pouvait trouver grâce devant les enthousiastes de l’école mystique ; le fougueux naturaliste qui ne trouva rien de mieux que de représenter des saints et même des saintes dans un état de nudité complète parmi les élus de son Jugement dernier, et qui donna au Christ de cette même composition l’attitude et le geste d’un Jupiter tonnant, n’a assurément rien de la candeur et de l’onction du tendre Angelico. Si Léonard de Vinci a. su exprimer, dans plusieurs des figures de la Cène, des caractères d’une noblesse, d’une grandeur et d’une poésie merveilleuses, si ses Madones ont’une grâce délicieuse, on ne peut nier que l’imitation de la nature ne perce dans tous les ouvrages de ce maître et qu’ils ne donnent avant tout l’impression de la beauté humaine. Le Corrége, dans ses figures de Vierges et de saintes, a des grâces, des mollesses toutes païennes. Fra Bartolommeo a une sérénité et une pureté de style qui en font un maître à part.’Andrea del Sarto a trouvé parfois des inspirations bien chrétiennes, mais souvent aussi il s’est abandonné au courant matérialiste, par exemple lorsqu’il prenait sa femme, la volage Lucrezia, pour typa de ses Madones. Le Titien et le Giorgione font moins penser au ciel qu’aux splendeurs de la terre. Le Véronôse a fait asseoir le Grand Turc à la table du Christ ; après une pareille irrévérence, il n’y a plus qu’à tirer l’échelle... L’art chrétien est mort. Prendrat-on pour des œuvres catholiques ces Ptetà sinistres et mélodramatiques, des Carrache, du Caravage, de SchTdone, de Ribéra ? ces Martyres, où l’école bolonaise et l’école espagnole n’ont vu que des occasions de mouvements violents, des prétexies à montrer leur science de l’anatomie ? ces Vierges miaudières et ces Christs bellâtres du Baroche, de Sassoferrato, de Carlo Dolci ? ces • Madeleines si bien portantes et si décolletées de l’Albane et du Guide ? Quelques peintres de cette période de décadence, le Guerchin, par exemple, dans sa Communion de saint Jérôme, et le Guide lui-même, dans sa Motionna délia Pietà, de la pinacothèque de Bologne, ont réussi, malgré leur profond naturalisme, à donner ù leurs figures des expressions élevées et un caractère religieux ; mais, outre que de pareils ouvrages nous sont rarement offerts par l’école italienne à partir du xvto siècle, on peut dire que la préoccupation de la " forme matérielle sy fait sentir aussi vivement au moins que la préoccupation du sentiment interne et de Vidée. L’art religieux ■ avait décliné peu à peu en des voies nouvelles ; à l’idéal chrétien, placé au-dessus de —la sphère des sens, s’était substitué l’idéal antique de la forme. « Des hauteurs du spiritualisme, dit Lamennais, à travers des réfions élevées encore, par une pente seméeaspects ravissants, on était descendu vers les lieux bas où l’horizon se rétrécit et où l’art se perd. »

En Espagne, la peinture religieuse offrit la

Îjlupare des caractères de la’décadenoe itaienne. Elle se distingua, toutefois, par l’énergie avec laquelle elle rendit les types ascétiques et les vertus monacales, l’exaltation enthousiaste, l’ardeur entraînante de l’amour divin, l’extase de là contemplation, les rudes combats de la pénitence. Zurbaran et Ribera lui-même ont produit en ce genre dés œuvres étonnantes. L’école espagnole s’est particulièrement complu à peindre, avec une fidélité hideuse, les plus atroces détails du supplice des martyrs. Murillo a trouvé des accents vraiment poétiques et religieux dans quelques-unes de ses compositions, de celles qui appartiennent à ce qu’on est convenu d’appeler son genre vaporeux et son genre chaud ; mais c’est moins pur le caractère des figures que par le prestige d’une lumière vraiment céleste qu’il frappe et émeut.

Si, de l’Espagne, nou3 passons dans les Pays-Bas et en Allemagne, nous y voyons la peinture religieuse s’astreignant dès l’origine à l’imitation de la réalité. À dire vrai, les maîtres primitifs apportent à cette imitation tant de naïveté et de délicatesse, ils expriment si ingénument ce qu’ils sentent, qu’on ne peut se défendre, en contemplant leurs œuvres, d’une douce émotion. Quelques vieux maîtres de l’école de Cologne ont même atteint parfois à un certain idéal reliyieux. Il y a une poésie charmante dans la plupart des compositions de Memling : la célèbre Châsse de Sainte Ursule offre des types d’une délicatesse, d’une grâce, d’une candeur qui n’ont rien d’humain. Mais, en général, les peintres des écoles du Nord sont des réalistes qui n’entendent absolument rien au vague idéal du mysticisme catholique. Albert ’Durer a su donner des attitudes majestueuses et des physionomies sévères à ses Apàtres de la galerie de Munich ; il y a de la grandeur et de la pompe dans son Adoration de la Trinité, du Belvédère de Vienne ; mais ces œuvres font penser bien plus à la science de l’artiste qu’au sujet représenté. L’école flamande compta au xvme siècle des peintres religieux, Rubans, Van Dyck, Crayer, Leghers, qui ne laissèrent pas d’avoir des inspirations éle.vées, mais chez qui le sentiment chrétien est dominé, sinon étouffé, par le goût des puissants effets de couleur et des expressions passionnées. En Hollande, Rembrandt fut, seul ou presque seul de son temps, à. demander des sujets de tableaux à la religion ; mais, ^’inspirant d’un sentiment tout humain, s’affranchissant des prescriptions et des conventions de l’orthodoxie catholique, ce maître fit des saintes Écritures les traductions les plus libres, les plus originales, les plus saisissantes. «Rembrandt se place eu dehors de toute tradition, a dit G. Planche ; il supprime, ajoute, invente, comme il lui plaît, tels et tels personnages", prête à ceux-ci des attitudes, à ceux-là des costumes souvent grotesques, toujours de fantaisie. Lo spectateur est dérouté. Qu’a-t-it devant les yeux ? Ce petit homme souffreteux, d’un type si misérable, d’une expression si basse, estce donc le divin Sauveur ? Ces rustres, ces bohémiens déguenillés, sont-ce les saints apôtres ? Et faut-il voir le groupe des saintes femmes dans ces disgracieuses commères ? Ne vous rebutez pas : sous ces travestissements, il y a je ne sais quoi de touchant, de profond, d’onctueux et de tendre ? Que ce Samaritain est charitable 1 Que cet enfant prodigue est repentantl Que ce père lui ouvre bien son cœurl Que de compassion, que de larmes dans ces gestes, dans ces mouvements I... Dirons-nous pour cela de Rembrandt, comme quelques-uns de ses admirateurs, qu’aucun peintre avant lui n’avait compris le christianisme, qu’il l’exprime et le sent mieux que tous les grands maîtres de la catholique Italie, que seul il a trouvé le Christ véritable, le Christ des humbles misères ? À quoi bon comparer ? Notre enthousiasme est plus modeste. Sans détrôner per

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•sonne, nous laissons & chacun sa part. — Celle , de Rembrandt est immense. Pour, peu qu’on vpénètre au delà de cette ccorce inculte, presque difforme, qui trop souvent.nous cache •ses pensées, . on découvre en lui la ptiis-sance et parfois les éclairs d’un Shafespenre. Si, dans les sujets religieux, il trouble nos habitudes, s’il déconcerte nos souvenirs en . s’abaissant au trivial, que de fois il s’élance et nous entraîne au pathétique ! Seulement, c’est toujours son grand moyen d’effet, c’est-à-dire la lumière, qui produit chez lui l’expression. Prenez ses Descentes de Croix, ses Résurrections de Lazare, ses l)isciptes d’Emmnùs, son Abraham averti par l’ange et tant d’autres chefs-d’œuvre ; supprimez-en par la pensée les combinaisons lumineuses, ces clartés presque inexplicables qui, au milieu d’un « fond obscur, vont frapper certains visages ou certains points, du tableau ; n’en conservez que ce qu’il faut pour éclairer la scène, à.peu près comme en plein midi par un jour ordinaire ; que vous restera-t-il ? Le plus terne et ’ le moins.émouvant des spectacles. Le principal agent de l’émotion est donc ici un certain luxe combiné d’obscurité et de lumière. Voilà pourquoi Rembrandt ne pouvait se passer.de sujets religieux, et pourquoi son, instinct l’y ramenait sans cesse. Eux seuls lui fournissaient un prétexte plausible à ces il|uminutions magiques sans lesquelles il. perdait une partie de sa puissance. » S’il est vrai que les scènes évangéliques ou bibliques étaient avant tout pour Rembrandt des thèmes à effets lumineux, on ne saurait méconnaître qu’il y eut chez ce grand peintre un profond sentiment des passions et des misères humaines,

L’école française s’est constamment modelée sur l’école italienne pour la peinture des sujets religieux. Poussin et Le Sueur méritent d’être cités hors ligne, l’un pour la profondeur de ses pensées et la, noblesse de Bes types, l’antre pour la tendresse et la pureté de ses inspirations. Les Sept sacrements du premier et la Vie de saint Bruno du second sont des œuvres que l’idéalisme catholique ne peut qu’approuver. Au xviu° siècle, la peinture religieuse était tombée en Franco au dernier degré de l’afféterie ; des scènes gracieuses de l’Évangile ou de l’hagiographie étaient traitées.du même pinceau que les fables du pagauisme ; les sujets qui exigeaient de la vigueur, de la passion, n’inspiraient que de plats mélodramej. Diderot, qui avait du goût pour le dramatique, écrivait : à Qu’on nie dise que notre mythologie prête moins à la peinture, que celle des anciens ! Peut-être la Fable offre-trelle plus de sujets doux et agréables ; peut-être n’avons-nous rien à. comparer en ce genre au Jugement de Paris ; mais le sang que la croix a fait couler de tous côtés est bien d’une autre ressource pour le pinceau tragique. Il y a, sans doute, de la sublimité dans une tête de Jupiter ; il n fallu du génie pour trouver le caractère d’une Euraénide, tel que les anciens nous l’ont laissé ; mais qu’est-ce que ces figures isolées, en comparaison de ces scènes où il s’agit de montrer l’aliénation d’esprit ou la fermeté religieuse, l’atrocité de l’intolérance, un autel fumant d’encens devant une idole, un prêtre aiguisant froidement ses couteaux, un préteur faisant déchirer de sang-froid son semblable, à coups de fouet ; un fou s’offrant avecjoieà tous les tourments qu’on lui montre et déliant ses bourreaux ; un peuple effrayé, des enfants qui détournent la vue et se renversent sur le sein de leurs inères ; des licteurs écartant la foule ; eu un mot, tous les incidents-de ces sortes de spectacles ? Les crimes que la folie, au nom du Christ, a commis et fait commettre sont autant de grands drames et d’une bien autre difficulté que la descente d’Orphée aux enfers, les charmes de l’Élysée, les supplices du Ténare

et les délices du Paphos Sans contredit,

j’aime mieux voir la croupe, la gorge et les beaux bras de Vénus que le triangle mystérieux ; mais où est là-dedans le sujet tragique que je cherche ?...» La foule raisonnait comme Diderot ; elle voulait être amusée, remuée, passionnée, mais elle ne s’inquiétait plus des idées religieuses.

Il y a quelques années, des hommes de conviction et de talent, à la tête desquels s’étaient placés Overbeck, Ary Schefier, Orsel, Flandnn, ont tenté de ressusciter l’idéal chrétien du moyen âge ; tous leurs efforts devaient échouer devant la profonde indifférence de la société actuelle pour les mythes et les symboles dont elle ne possède plus le sens. L’imitation des vieux maîtres du xivc siècle et du xve siècle ne saurait aboutir, malgré tout le talent de ceux qui peuvent s’y adonner, qu’à des pastiches froids et vir des. L’humanité infatigable n’a pas plus consenti à s’immobiliser dans le christianisme mystique que dans le sensualisme, païen. «L’histoire, dit Thoré (Salon do. 1844), n’est qu’une procession aventureuse et opiniâtre, qui marche sans repos vers des. horizons inconnus, tournant parfois la tête vers ce qui n’est plus qu’un souvenir, mais éternellement amoureuse de ce qui n’est encore qu’une es* pérance. • Un peintre ne doit pas plus songer à faire rétrograder -l’art qu’à redevenir enfant. La foi, l’innocence ne se retrouvent pas comme des traditions perdues. Le charme de l’ignorance naïve n’existe plus dans l’ignorance volontaire et prétentieuse. La nature doit être consultée avant tout, et (’unique lu-