Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 13, part. 3, Rech-Rhu.djvu/128

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des Grecs, qu’ils avaient lattéles uns contre —les autres aux champs Eléens, qu’ils habitaient des palais resplendissants sur le mont Olympe... Sujets aux pussions et aux faiblesses lies mortels, ils durent aussi être doués des formes humaines. L’opinion générale leur attribua surtout la beauté, car Us n’auraient pas été des dieux pour les Grecs si leurs corps n’eussent pas offert des modèles accomplis de force, de souplesse, de grandeur et de majesté. > Non-seulement on attribuait aux divinités les formes du corps humain, mais la religion avait déterminé le genre de beauté propre à chacune d’elles, relativement à leurs fonctions, à leurs inclinations et à leurs habitudes, lia religion favorisa ainsi le progrès des arts ; mais, loin d’exciter les artistes à chercher des modèles hors de la nature pour composer les figures des dieux, ce fut, au contraire, en les obligeant à étudier, à comparer ce que le corps de l’homme offre de plus accompli. Après 1’établissement de la théogonie d’Hésiode et d’Homère, les artistes grecs adoptèrent cette opinion importante que, dans les attributs donnés aux divinités, flans les accessoires placés auprès de leurs figures, dans leurs vêtements, dans l’arrangement de leurs cheveux, dans les formes’et les traits propres k chacune d’elles, tout devait être significatif. C’est parce qu’ils demeurèrent fidèles à cette règle ingénieuse, dit encore Emeric David, que, dans leurs ouvrages, tout parle à l’esprit, tout est poétique, tout a une vie, et qu’il ;» inspirent un si grand intérêt ; mais cette règle ne pouvait porter atteinte au principe fondamental de la ressemblance des dieux aveu le corps de l’homme ; il nés’agit jamais pour eux que de choisir ; la religion leur aurait défendu de créer, si le bon goût leur eût permis de le faire. La recherche de la beuutê les amena toutefois k composer des types en quelque sorte surhumains au moyen de traits empruntés à divers individus, et dont la réunion ne pouvait se rencontrer chez aucun mortel ; ils s’élevèrent ainsi jusqu’à un idéal qui attire, qui charme, qui possède le spectateur, qui est la marque particulière de leur génie et qu’aucune école n’a surpassée. Proudhon fait k ce sujet les réflexions suivantes dans son livre des Principes de l’art et de sa destination sociale : « L’art grec se donna pour mission de représenter les dieux, non plus seulement par des types inintelligibles à l’esprit, mais en personne, sous des traits visibles et véritables, c’est-a-dire que les Grecs aspirèrent à représenter la beauté surnaturelle, absolue. On dit le type grec pour dire la forme la plus régulière, la plus noble, la plus idéale du visage humain. On devrait dire le type divin ; car s’il y eut en Grèce, peut-être plus qu’ailleurs, de beaux hommes et de belles femmes, à coup sûr ils étaient loin, en masse, de ressemblera leurs dieux. Ce que l’art grec contenait de vérité venait donc bien moins de la fidélité au type ethnique que d’un certain besoin des âmes, tourmentées par l’idéal et qui voulaient dès cette vie contempler les dieux : comme Us étaient, face à face, siculi erant, facie ad faciem. Ce type divin une fois révêlé par la comparaison des plus beaux modèles, par l’élimination scrupuleuse de tout ce que la figure humaine peut conserver de la physionomie animale, par le renforcement de tous les traits que l’on considérait comme exprimant l’intelligence, le caractère, la noblesse, la volonté, la majesté, la justice, l’œuvre était accomplie ; il n’y avait plus qu’à en tirer des exemplaires ; les dieux immortels devaient régner à jamais sur le genre humain. •

Une des marques de la supériorité des artistes grecs, c est qu’ils surent concevoir la diversité dans la perfection ; leurs dieux ne se ressemblaient pas ; tous cependant devaient être d’une beauté accomplie. Jupiter n’était pas le même que Neptune ou Pluton, ses frères, ni qu’Hercule ou Apollon, ses enfants. De mêine, Minerve n avait rien de commun avec Vénus ni celle-ci avec Diane ou Junon. Il est juste de reconnaître que la poésie exerça sur l’art une influence considérable. Les artistes tenaient à honneur de chercher leurs inspirations dans Homère et dans Hésiode ; les traits vils et rapides dont ces poëtes se sont servis pour figurer les dieux étaient bien faits, d’ailleurs, pour frapper l’esprit et donner l’impression des images plastiques. Un autre caractère des plus intéressants et dès plus importants de l’art grec, c’est sou application constante à répondre aux aspirations nationales. • Avant tout^ dit encore Proudhon, il y eut ceci de vrai «ans i’art grec, malgré son idéalisme, c’est qu’il était tout à fait dans la donnée de son temps et qu’il répondait k un besoin de la race, dont il attestait l’excellence. Jusque vers l’époque d’Alexandre, qui est l’époque philosophique, la nation grecque est éminemment religieuse et peut-être encore plus amoureuse de la liberté. Autant elle témoignait de piété et de crainte envers les dieux, autant elle recherchait ce qui pouvait honorer l’homme. Le respect de la divinité et celui de la dignité humaine se balancent continuellement dans les manifestations de ce petit peuple. De là ce culte de la forme qui résume tout son être inoral... L’esprit philosophique s’étant éveillé, ia foi antique commença k faiblir ; le moyen de parier sans rire des aventures des immortels ? Chose qui prouve combien le seutiment religieux est indépendant du dogme : jusqu’à

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ce qu’arrivent les sophistes, les Grecs ne paraissent pas se douter de leurs fables, soutenues par la sincérité de leur conscience et ennoblies de toute la sublimité de leur id<-al. La croyance ébranlée, l’art demeura ; l’antique modestie lit place & l’ostentation ; d’héroïque qu’elle avait été, la nation devint tout entière artiste et dilettante. Alors commença la corruption idéaliste, suivie bientôt d’une décadence irréparable. L’art grec avait enfanté ses merveilles dans la religion et la justice ; il se réduisit de lui-même à l’impuissance dès qu’il les eut oubliées. ■ L’art grec finit avec le polythéisme, avec l’idôlatrte. A Rome, où il avait été transplanté, il servit à l’amusement d’une aristocratie corrompue et produisit surtout des œuvres d’une obscénité révoltante ; quant aux sujets religieux, il continua à les traiter, mais d’une façon presque machinale et inconsciente, c’est-à-dire sans conviction et partant sans inspiration. L’art chrétien, venu au monde dans le berceau mystérieux et sanglant des catacombes, remplaça l’idéalisme matérialiste et idolâtrique des Grecs par un idéalisme spiritualiste et ascétique ; peu soucieux de la beauté, en. tant qu’elle n’appartient qu’à la forme extérieure, au corps, il se préoccupa de rendre la beauté de l’âme. Toutefois, il ne put se soustraire du premier coup à l’influence des conceptions artistiques qui, depuis de longs siècles, jouissaient d’une popularité universelle. « Le Christ de ces premiers temps, dit Lamennais (De l’art et du beau), offrit comme une incarnation du Dieu d’Israël, dans la forme idéale créée par les Grecs, lorsqu’ils voulurent représenter leur divinité suprême, Pater Deum nominumque ; quelque chose du Zeus d’Homère et de Phidias, avec un mélange de la sombre gravité du caractère juif. Aussi ce qui domina dans ce type primitif, ce fut plutôt le sentiment d’une puissance formidable, de la justice sévère et terrible de Jéhovah que celui de la bonté compatissante et de la mansuétude de Jésus. Des mêmes formes dériva l’exemplaire typique de la Vierge. Elle attire bien moins qu’elle n’impose. La révérence qu’inspire cette face auguste, cette pensée mystérieuse réfléchie sur elle-même, cette austère sainteté, va presque jusqu’à la crainte, et la rudesse de 1 art renaissant augmente encore la forte impression qu’on éprouve k la vue de ces deux figures surhumaines... Au moyen âge se produisent des types nouveaux, les types purement chrétiens de l’Homme-Dieu et de sa mère, dégagés, quant à la forme, de l’élément grec et, quant à l’idée, de l’élément juif. Contemplez le Christ : en lui sans doute vous reconnaissez le Dieu, mais vous reconnaissez aussi l’homme, et même l’humanité est ce qui vous frappe, vous émeut le plus. C’est vraiment là le Verbe fait chair, devenu volontairement comme l’un de nous. Dans ses traits règne une expression de grandeur et de majesté calme, de pitié douce et triste, de bonté ineffable, encore cependant mêlée de sévérité, car il est Juge en même temps que Sauveur, mais d’une sévérité que tempère une miséricorde immense. La Vierge également s’est rapprochée de nous. Elle n’a plus cet aspect austère et formidable qui intimidait le regard. Une grâce interne et recueillie répand un charme tout-puissant sur cette figure d’une ’ candeur céleste. Ce n’est pas l’innocence qui s’ignore elle-même, la tendresse instinctive de la mère ; c’est la pureté inaltérable unie à la contemplation naïve et profonde, k un amour perpétuellement absorbé dans son objet. > Jacques Basnage a fait erreur lorsqu’il a prétendu que l’on n avait commencé à peindre la Vierge qu’après le concile d’Éphèse, qui eut lieu en 431. Elle est figurée dans plusieurs monuments antérieurs à cette époque, tantôt isolée, tantôt tenant l’Enfant Jésus sur ses genoux ou dans ses bras ; cette dernière représentation devint toutefois beaucoup plus fréquente depuis que le concile d’Éphèse eut condamné l’hérésie de Nestorius, affirmant qu’il y avait deux personnes en Jésus-Christ et refusant à Marie le titre do mère de Dieu. Les plus anciennes images de la Vierge, contrairement à ce qu’a cru Lamennais, ont un

caractère de jeunesse, de grâce et de pureté tout à fait charmantes ; ce fut assez longtemps après l’époque des persécutions, lors-2ue l’autorité ecclésiastique se fut emparée e la direction de l’art chrétien, que la figure céleste de Marié prit une expression de majesté un peu lourde et de tristesse sévère, telle qu’elle apparaît notamment dans les grandes mosaïques de certaines basiliques d’Italie. Quant au Christ, il est représenté dans plusieurs monuments des premiers siècles, notamment dans une fresque du cimetière deCalliste, avec des traits qui n’ont lieu que de régulier et de noble ; mais le plus souvent il est désigné par des figures emblématiques ou symboliques. La préférence des premiers chrétiens pour ce dernier genre de représentations s’explique aisément par l’horreur qu’ils avaient de tout ce qui pouvait ressembler à l’idolâtrie et par la crainte qu’ils éprouvaient d’exposer limage de leur Dieu aux railleries et aux profanations des païens. Les compositions retraçant les humiliations et les douleurs de la passion ne se produisirent que tardivement. Lorsque le concile quinisexte, tenu à Constantinople en 692, ordonna de préférer la réalité aux images et de montrer le Christ sur la croix, l’esprit d’allégorie, malgré ce décret, ne s’anéantit point entiè RELI

rement. Le génie des Grecs, dit Emeric David (Histoire de la peinture au moyen âge), semblait se refuser à peindre Jésus-Christ couronné d’épines, percé d’un coup de lance, épuisé par l’agonie. Les Latins eux-mêmes, qui connurent plus tôt que les Grecs ces peintures lugubres, paraissent ne les avoir adoptées quà regret ; longtemps encore, après avoir peint Jésus souffrant, ils le représentèrent sur la croix jeune, sans barbe, inaccessible à la douleur, coiffé d’un banneau royal, d’une mitre ou d’une tiare, et quelquefois même assis au milieu de ce bois mystérieux, comme sur un trône. Mais peu à peu les peintures chrétiennes s’approchèrent davantage du genre historique. Souvent l’allégorie se.confondit si bien avec l’histoire, qu’on ne la distingua presque plus. Cette grande révolution, qui devait enfin conduire l’art à un nouveau perfectionnement, ne servit pendant longtemps qu’à dégrader la figure du Christ. Les-peintres s’attachèrent à exprimer dans les traits du Sauveur crucifié les effets de ses souffrances, et, incapables d’apprécier les difficultés de ce genre d’imitation, ces dessinateurs ignorants enlaidirent de plus en plus l’Homme-Dieu, en croyant donnera son visage une expression vive et touchante. La tendance à représenter le Christ sous ces dehors misérables et vulgaires fut particulière aux peintres grecs du moyen âge, qui furent pour la plupart des moines de l’ordre fondé par saint Basile le Grand. Ce Père avait été un de ceux qui enseignèrent que, par humilité, Jésus-Christ s’était revêtu des formes d’un esclave, qu’il était laid, et même, selon saint Cyrille, le plus laid des enfants des hommes. Cette opinion trouva, surtout parmi les docteurs d’Occident, d’ardents adversaires qui soutinrent que le Christ surpassait les anges en beauté et qu’il avait charmé les hommes par son visage comme il avait su. les entraîner par les séductions de sa parole. D’autres prétendirent que sa beauté consistait principalement dans la douce et noble expression de ses traits. Ces divers systèmes trouvèrent des adeptes parmi les peintres. Les Byzantins, qui adoptèrent le premier, exercèrent durant plusieurs siècles une influence considérable sur la peinture re(tgieuse. Lorsque l’hérésie des iconoclastes vint les chasser de leur pays, ils se réfugièrent en Occident, où ils transportèrent les types monotones et les compositions traditionnelles que l’autorité ecclésiastique leur avait imposés.

Les opinions des premiers fidèles avaient beaucoup varié au sujet de l’usage et du culte des images, selon le caractère de chaque nation. Rome pencha toujours en faveur des beaux-arts et elle ne cessa jamais d’en favoriser le développement. En Afrique, Tertullien, saint Augustin, saint Clément d’Alexandrie furent hostiles à des représentations qu’ils considéraient comme un reste de l’idolâtrie païenne. Beaucoup d’autres Pères des Églises d’Orient et d’Occident déployèrent, au contraire, un zèle extrême pour la multi Ïilication des images religieuses. On vit dès e via siècle des églises entièrement revêtues à l’intérieur de peintures ou de mosaïques retraçant les figures du Christ, de la Vierge, des apôtres et des saints, des scènes emblématiques ou des sujets de l’Évangile. Quant aux peintures portatives représentant des sujets analogues, elles furent de bonne heure d’un usage très-répandu, non-seulement en Italie et en Grèce, mais dans les Gaules, en Allemagne et dans les autres contrées de l’ancien empire romain où la religion chrétienne s’était imposée aux barbares qui

étaient venus s’y établir. Depuis longtemps d’ailleurs l’art religieux était renfermé dans des conceptions fort limitées ; presque partout il reproduisait, en vertu non de la pure imitation, mais d’une même cause génératrice, des types identiques quant au fond. Quiconque a parcouru avec quelque attention, ne fût-ce que comme simple amateur, les monuments de l’antiquité chrétienne n’a pu manquer, dit M. l’abbé Martigny, d’être frappé de la constante uniformité qui existe, quant aux sujets représentés, entrd les produits des différentes branches de l’art. La fieinture murale retrace les mêmes histoires, es mêmes symboles que la peinture sur verre (fonds de coupe) ; la mosaïque s’en empare à son tour ; les sculptures des sarcophages et autres ne s’écartèrent pas davantage de ca cercle, lequel fut respecté même par la glyptique, autant du moins que le permit l’exiguïté de ses produits. Une telie régularité suppose nécessairement une règle uniforme, hiératique, tracée par l’autorité de l’Église et par la tradition et destinée à soustraire aux dangers de l’arbitraire une partie si essentielle du culte. Le magistère ecclésiastique avait sans aucun doute fixé la série de ce qu’on pourrait appeler les cycles historiques ou allégoriques, tant du Nouveau que de l’Ancien Testament, que les artistes devaient suivre religieusement. Et cette règle devait être d’autant plus inflexible, soit pour le choix des sujets, soit pour celui de leurs accessoires et la manière de les représenter, que, dans les vues de l’Église, les images constituaient un vaste système d’enseignement et formaient, suivant la belle expression d’un docteur, » le livre des illettrés. ■ La disciplina ecclésiastique eut beau se relâcher à l’égard de la composition des images religieuses, lorsque l’Église se fut emparée de la domination uni RELI

verselle des âmes, l’école byzantine^ répandue dans toute l’Europe, perpétua jusqu’au xme siècle, et même plus tard en certaines contrés, la reproduction servile et nous pourrions dire la fabrication’des mêmes types et des mêmes poncifs. Le sentiment religieux était pour bien peu de chose dans ces peintures insipides ; l’art n’y était pour rien.

Quelques maîtres italiens du xmo siècle cherchèrent à briser le cercle étroit dans lequel le byzantinisme avait enfermé l’art. De ce nombre furent Giunladt Pise, l’auteur du crucifix qui passe pour avoir stigmatisé sainte Catherine ; Fra Giacomo da Turrita, qui exécuta la grande mosaïque de Sainte-Marie-Majeure, à Rome ; Andréa Taffi et Gaddo

Gatidi, qui décorèrent de mosaïques le baptistère de Florence ; Cimabué, Margaritone d’Arezzo, etc. Mais celui qui émancipa véritablement la peinture, tant sous le rapport de la forme que sous le rapport du sentiment, fut Giotto, à qui l’art chrétien doit, entre autres œuvres considérables, les grandes fresques de la chapelle de l’Arena, à l’adoue, représentant douze sujets de la vie de la Vierge, vingt-quatre sujets de la vie de Jésus, dont plusieurs, la liésurrection de Lazare et la Déposition de croix, notamment, sont de la plus haute beauté ; un magnifique Jugement dernier et enfin les figures des Vertus et des Vices, qui surpassent tout le reste, Les fresques de l’église supérieure d’Assise, Consacrées à la Vie de saint François, montrent que Giotto avait le sentiment de la vie et du drame en même temps que celui de la poésie religieuse. Un écrivain anglais qui a fait une étude attentive des arts italiens au moyen âge, lord Lindsay, a insisté sur la ferveur vraie, sur la sincérité avec laquelle Giotto s’était voué à la peinture des sujets religieux ; il reconnaît, toutefois, qu’il y apporta plus de passion que de mysticisme, et, à ce sujet, il remarque que l’esprit de dévotion peut affecter diversement, ’ suivant qu’elles sont douées, les âmes où il règne sans partage. « Les uns, dit-il, conçoivent la piété sous son aspect belliqueux, militant, actif, dramatique ; les autres, comme une occasion de rêverie et de contemplation passives. Tel homme y trouve un motif de luttes orageuses ; tel autre, un prétexte à s’abstenir de tous les conflits humains et à se confiner dans les paisibles régions de la béatitude extatique. Cette différence se retrouve parmi les artistes. Chez les uns, la ferveur dévote sétraduit en drames sombres et violents ; chez les autres, en visions abstraites, immobiles, séraphiques. Les premiers rendront à merveille 1 expression de la passion, de la fougue religieuse ; les seconds ne quitteront jamais les domaines étoiles de la lumière suprême et ne descendront jamais sans danger de cette sphère où ils planent absorbés... Giotto peut être regardé comme le patriarche de la nombreuse famille des peintres dramatiques. Ses Madones sont bien moins empreintes de sensibilité que celles de quelques autres maîtres qui semblent avoir pour palette l’nr-en-ciel même dont s’entoure le trône du Très-Haut ; elles sont simples et modestes : c’est tout leur mérite. En revanche, dans mille occasions où lés peintres contemplatifs sont réduits au silence, il fait parler, et parler avec énergie, le langage du drame, il a pour la création tout entière un coup d’œil intelligent et sympathique ; il a étudié, il a compris tuut ce qu’il y a de sublime dans les phénomènes de la vie ; ses aspirations sont fraîches, vivifiantes, épurées comme le souffle du matin. C’est un homme qui vil au milieu du monde et qui aime le monde ; cœur robuste et sympathique dont les corruptions mondaines n’approchèrent pourtant jamais et qui fut, selon l’expression de Vasari, non mena buon cristiano che eccelenie piltore. »

Giotto exerça une grande et salutaire influence sur la direction des beaux-arts ; la peinture, loin d’être restée stationnaire pendant le demi-siècle qui suivit su mort, comme quelques auteurs l’ont prétendu, fut cultivée eu Toscane par des artistes du plus grand mérite, parmi lesquels il nous suffira de citer Taddeo Gaddi, Agnolo Gaddi, le Giottino, Buffalmacco, Amirea Orcagna, Spiuello Aretino, etc. L’art, k cette époque, était exclusivement chrétien. « Nous autres peintres, disait Buffalmacco, nous ne nous oeccupons d’autre chose que de faire des saints et des saintes sur les murs et les autels, afin que, par ce moyen, les hommes, au grand dépit des démons, soient plus portés à la vertu et k la piété. » Aussi les membres de la première académie de peinture dout l’histoire fasse mention, la confrérie de Saint-Luc, fondée en 1350, s’assemblèrent-ils, non pour se communiquer leurs découvertes ou délibérer sur l’adoption de nouvelles méthodes, mais tout simplementpourchanter les louanges de Dieu et lui rendre des actions de grâces. En même temps que l’école florentine affranchissait la peinture du joug byzantin, l’école siennoise participait k cette révolution en insistant sur le côté sentimental et expressif de l’art, en déployant dans les sujets religieux une foi candide et charmante. Guido di Graziano, Duccio di Bonïusegna, Pietroet Ambrogio Loreuzetti, Simone Meinuii furent les maîtres les plus illustres de cette école.

Au xve siècle, la peinture religieuse atteignit, dans les œuvres de Fra Giovanni (de Ëiesole), aux dernières limites de l’idéal mystique. Fra Giovanni fut un homme d’une piété