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femme. ; elle était digne d’avoir de la barbe au menton. (Napol. Ier.) || Jour de barbe, Jour où l’on se rase, où l’on se fait raser :

Il est de certains jours de barbe, où, par ma foi,
Vous ne paraissez pas plus malade que moi.
               Regnard.

|| Dans sa barbe, En cachette, en soi-même : Il grommelait dans sa barbe. Un homme comme lui doit rire dans sa barbe, quand il touche cinq ou six traitements. (P.-L. Courier.) || À la barbe de, En présence, au su, au vu et en dépit de : Il s’est moqué de nous à notre barbe. La vieille Mademoiselle était au désespoir que ses sœurs cadettes, si gueuses au prix d’elle, se mariassent à sa barbe. (L’abbé de Choisy.) Une des plus vives jouissances du braconnier est de braconner à la barbe des gendarmes. (Toussenel.) Un seul, ancien marin, avait eu l’adresse de s’évader en perçant la voûte de son cachot et gagnant la forêt de Montech, à la barbe de la maréchaussée. (Mary Lafon.)

… Je m’en vais être homme à la barbe des gens.
            Molière.

Mais sois un peu toi-même, à la barbe des gens.
Et tu plairas bientôt, même aux moins indulgents.
            É. Augier.

                         … La belle adore
Un cavalier sans barbe et sans moustache encore,
Et reçoit tous les soirs, malgré les envieux,
Le jeune amant sans barbe à la barbe des vieux.
            V. Hugo.

— Prov. Faire barbe de paille à quelqu’un. Se moquer de lui, ne pas lui rendre ce qui lui est dû.

L’on trompa son prochain, la médisance eut lieu,
Et l’hypocrite fit barbe de paille à Dieu.
             Régnier.

Ce proverbe a pour origine la supercherie dont usaient certains paysans, qui payaient la dîme du curé en gerbes de paille, au lieu de donner des gerbes de blé.Barbe aurait été introduit par corruption du mot jarbe ou gerbe.

À barbe rousse et noirs cheveux
Ne te fie, si tu ne veux.

Proverbe peu sérieux, fait pour se moquer de la défiance qu’inspirent à certaines personnes les barbes rousses et les cheveux noirs. || Barbe bien étuvée, barbe à demi rasée, Affaire bien préparée, affaire à moitié faite.

— Par anal. Ensemble des poils qui poussent sous la mâchoire inférieure ou près du nez de certains mammifères : Barbe de bouc, de chèvre, de chat, de phoque, de singe. À son front orné de deux croissants, à sa barbe antique et limoneuse, vous le prendriez pour le dieu du fleuve. (Chateaub.)

Par ma barbe ! dit l’autre, il est bon, et je loue
          Les gens bien sensés comme toi.
               La Fontaine.

Si le ciel t’eût, dit-il, donné par excellence
Autant de jugement que de barbe au menton.
           Tu n’aurais pas à la légère
           Descendu dans ce puits…
                La Fontaine.

— Appendice qui pousse sous la mâchoire inférieure de certains animaux et qui a une ressemblance plus ou moins éloignée avec la barbe de l’homme. || Barbe de coq, Morceau de chair qui pend sous la mandibule inférieure des coqs. || Barbe de poisson, Sorte de cartilage, qui sert de nageoire aux soles et autres poissons analogues.

— Nom donné à divers objets qui offrent quelque ressemblance avec la barbe ou un bouquet de poils, comme dans les définitions suivantes : Bavures, filaments que l’on remarque sur les bords de certains objets, après qu’on les a coupés : Les barbes d’une pièce de métal, d’une feuille de papier. || Division filamenteuse de l’extrémité d’un fanon de baleine : L’Esquimau va prendre des peaux de loups marins, il les étend avec des barbes de baleine, il en forme un long canot. || Moisissures qui se produisent dans certaines substances alimentaires : Ce pain, ces fruits, ce fromage ont de la barbe. Le pâtissier aura beaucoup de bonheur si ses perdrix sont arrivées sans barbes, par le temps pourri que nous essuyons depuis un mois. (Volt.) Dans cette chambre se trouvaient… des coquillages, des poissons qui avaient de la barbe et dont les puanteurs faillirent m’asphyxier. (Balz.) || Filaments implantés de chaque côté d’une plume d’oiseau : Les barbes d’une plume. Les barbes de plumes sont hérissées de petits filaments, les uns roulés et les autres droits.

— Bot. Arête ou filet qu’on remarque sur certaines fleurs ou certains fruits. || Dans les graminées, Prolongement filiforme, roide et coriace, naissant brusquement sur le dos ou au sommet des valves de la glume, ou quelquefois simple prolongement d’une des nervures : La barbe est tantôt longue comme dans l’orge, tantôt courte comme dans certains froments ; elle est droite dans le seigle ; tordue en spirale à sa base dans l’avoine. L’orge éventail a l’épi court et les barbes étalées. (Math, de Dombasle.) || Selon H. Cassini, Appendices des poils qui composent l’aigrette dans le plus grand nombre des genres de la famille des synanthérées : Cassini distingue les barbes, les barbelles, les barbellules. || Barbe de bouc, Nom vulgaire du salsifis sauvage et de plusieurs champignons du genre clavaire, notamment de la clavaire corail. || Barbe de chèvre., Nom vulgaire de deux espèces de spirée (spirea aruncus et ulmaria) et d’une espèce de clavaire corail : La petite barbe de chèvre est la reine des prés. (V. de Bomare.) || Barbe de chêne, Nom vulgaire d’une espèce de spirée. || Barbe de Dieu, Nom donné aux graminées du genre andropogon ou barbon, à cause de l’arête longue et tortillée dont leur fleur est munie. || Barbe de Jupiter, Nom vulgaire d’une espèce d’anthyllide, de la joubarbe des toits et du fustet. || Barbe de moine, Nom vulgaire de la cuscute d’Europe. || Barbe de renard, Nom vulgaire du tragacanthe ou astragale adragant. || Barbe de vieillard. Nom donné aux géropogons, genre de la famille des composées, tribu des chicoracées, à cause des poils qui garnissent leur réceptacle. || Barbe espagnole, Nom vulgaire d’une broméliacée, la tillandsie usnéoïde. || Barbe de capucin, Nom vulgaire de la chicorée étiolée, qu’on mange en salade, de la nigelle de Damas et des usnées ou lichens barbus qui végètent sur les vieux arbres. Pour obtenir la salade ainsi nommée, on établit, dès les premières gelées, dans une cave, une couche de terre et de fumier sur laquelle on pose des racines de chicorée sauvage ; on recouvre le tout d’une couche, de quelques centimètres d’épaisseur ; de cette couche sortent bientôt de longues feuilles étiolées et sans couleur, que l’on coupe dès qu’elles sont suffisamment développées. Quelques amateurs se contentent de mettre les pieds de chicorée dans un tonneau percé de nombreux petits trous ; les feuilles ne tardent pas à sortir, blanches et tendres, par les ouvertures, et quand elles sont suffisamment longues, ont fait au tonneau une sorte de barbe, dont le produit fournit une salade recherchée de beaucoup de personnes.

On raconte, au sujet de cette chicorée étiolée, une anecdote qui met en relief, d’une manière piquante, l’intelligence dont dame censure a toujours fait preuve en France. — « Prenez un homme d’esprit, dit M. Th. Muret, dans son ouvrage l’Histoire par le théâtre ; faites-lui endosser les fonctions de censeur, et, préoccupé par la crainte étroite de laisser passer un mot à double entente, une idée suspecte, cet homme d’esprit deviendra… quelque chose de tout opposé, dans l’exercice de ses attributions. » Il n’est pas un gouvernement qui ait échappé à cette loi générale, et si l’Empire se montra rigoureux envers la liberté, la Restauration eut les scrupules les plus étranges. Au point de vue de la religion, surtout, la censure avait, à l’ombre du drapeau blanc, de singuliers raffinements, ou, si l’on aime mieux, de plaisantes naïvetés. Telle fut, dans un vaudeville, la proscription de la salade, alors fort à la mode, de barbe de capucin. Le censeur écrivit gravement, en marge du manuscrit : choisir une autre salade. On pourrait croire que c’est là une invention facétieuse ; mais le fait est authentique ; M. Muret en a eu la confirmation de la bouche de Coupart, qui était, lorsque la chose arriva, chef du bureau des théâtres. On s’est bien et longtemps moqué de cette salade, que la censure trouvait sans doute trop amère, à une époque où les capucinades de la cour de Charles X révoltaient les esprits sensés ; néanmoins, il s’est trouvé récemment un écrivain qui a proclamé la chose fort naturelle. « L’histoire est plaisante, dit sérieusement M. Hallays-Dabot dans son Histoire de la censure en France ; mais, si minutieuse que soit cette coupure (minutieuse est bien honnête !), nous avouerons ne l’avoir jamais trouvée aussi ridicule qu’on se plaît à le dire. » Le même écrivain ajoute : « … demandons-nous si l’auteur était aussi innocent que l’on veut bien le dire de toute pensée hostile, en citant la barbe de capucin comme étant la salade à la mode… » N’omettons pas de faire remarquer que c’est un censeur qui appuie ici la proscription de cette barbe subversive, qu’on ne digérera jamais dans le pays de Voltaire et de Beaumarchais ; non jamais, M. Prudhomme lui-même vînt-il nous jurer, sur la tête de son épouse, que cette salade, doucement purgative, est capable d’inspirer les plus grands crimes et de renverser le trône et l’autel.

— Ichthyol. Nom vulgaire d’une espèce de syngnathe.

— Entom. Poils qui garnissent le front et entourent la base de la trompe, chez certains diptères.

— Cost. Barbes, Certaines pièces de toile ou de dentelle, que les dames portaient jadis à leurs coiffures :

… Nos dames reprennent vite
        Les barbes et le caraco. Béranger.

|| Franges qu’on portait au loup ou masque : Les barbes du loup.

— Art vétér. Petites excroissances qui viennent au palais et sous la langue du cheval et du bœuf, et qui les empêchent de manger. On les appelle aussi barbillons.

— Manég. Chez le cheval, Point de réunion des deux branches du maxillaire situé en arrière de la houppe du menton, recouvert seulement par la peau, et recevant directement l’action de la gourmette, qui doit être plus ou moins large, suivant que la barbe est plus ou moins sensible : Le degré de sensibilité de la barbe est dû à la disposition de la branche maxillaire, contre laquelle la gourmette comprime la peau. Il est facile de concevoir que la surface osseuse tranchante causera plus de douleur pendant l’action du mors que si elle était arrondie. On est quelquefois obligé d’ajouter à la gourmette, même fortement élargie, un feutre qui en adoucit l’action sur la barbe.

— Jeux. Faire la barbe à milord, Nom d’une pénitence qui est quelquefois imposée aux hommes dans les petits jeux. Le pénitent, que l’on appelle milord, s’assied sur un fauteuil, au milieu de la société, et prie une dame de venir se placer sur ses genoux. Celle-ci accourt aussitôt, s’incline auprès de milord comme si elle était assise, puis, appelle un autre monsieur, à qui elle laisse prendre un baiser, et revient à sa place. Quelquefois, on fait la barbe au patient d’une autre manière : chaque joueur choisit une dame, l’assied sur les genoux de milord, l’embrasse et la ramène à sa place.

— Astr. Barbe d’une comète. Appendice lumineux qu’on voit parfois à la partie antérieure d’une comète, à l’opposite de la queue.

— Mar. Partie du bordage d’avant qui entre dans le bas de la rablure, à l’endroit où l’étrave s’assemble avec la quille. || Courbe qui, dans les petits navires, tient lieu de dauphin. || Barbe d’organeau, Dans le Levant, Bosse de bout. || Barbe de bitons, Dans les mêmes pays, serre-bosse. || Être en barbe, Être mouillé à l’avant et à peu de distance d’un autre navire : Nous étions en barbe du vaisseau anglais. || Appeler, venir en barbe, En parlant des câbles, Travailler ensemble.

— Fortif. et Artill. Batterie en barbe, Tirer en barbe. Syn. de Batterie à barbette, Tirer à barbette. Ne se dit plus. (V. Barbette.) || Pointer en barbe, Pointer par-dessus le parapet, et non par les embrasures.

— Techn. Bois qui dépasse l’arasement intérieur d’une traverse. || Chacune des parties saillantes de la queue du pêne, sur lesquelles agit le panneton de la clef.

— Épithètes. Épaisse, touffue, longue, négligée, hérissée, inculte, sale, poudreuse, limoneuse, légère, claire, jeune, naissante, blonde, cotonneuse, brune, noire, rousse, grisonnante, argentée, blanche, vénérable, magnifique, flottante, ondoyante.

— Encycl. Hist. La barbe est l’apanage du sexe fort ; elle peut être considérée comme l’ornement naturel d’un visage viril ; elle donne une expression particulière à la physionomie de l’homme ; elle accroît ou diminue les proportions du visage, en rétrécit ou élargit l’ovale, et contribue puissamment à imprimer une certaine majesté à la face humaine ; enfin, elle est favorable au développement de la beauté des lignes, en jetant des teintes sur les joues et sur la lèvre supérieure, et en protégeant la peau par ses ombres soyeuses. Aussi voyons-nous la barbe en honneur chez les différents peuples de l’antiquité, et les dieux du paganisme primitif toujours représentés avec une barbe majestueuse.

La manière de porter cet ornement du visage humain a considérablement varié suivant les temps et les lieux ; et les érudits n’ont pas épargné leurs peines, malgré la futilité du sujet, pour retrouver la trace des nombreuses modifications qu’elle a subies. Hotoman écrivit un traité spécialement consacré à la barbe, sous le titre de Pôgônias (ΠΩΓΩΝΙΑΣ). Il fut publié pour la première fois à Leyde, en 1586, et, à cause de son extrême rareté, réimprimé plus tard par Pitiscus dans son Lexicon. L’ouvrage le plus ancien dans lequel cette matière soit traitée est probablement le Lévitique, où le législateur des Hébreux (xix, 27) dit : « Tu ne couperas pas les pointes de ta barbe. » En général, les nations de l’Orient avaient conservé l’usage de laisser croître la barbe. Les Hébreux lui donnaient différentes formes en la taillant. Ils en prenaient grand soin, l’oignaient de substances odorantes, et la considéraient comme un des plus beaux ornements de l’homme (Ezéchiel, v, i), et comme la marque de sa puissance et de sa Virilité. Aussi était-ce faire à quelqu’un un affront sanglant que de lui raser la barbe. Il fallait un grand deuil, une grande calamité, pour que les hommes laissassent inculte et coupassent même leur barbe, en signe d’affliction. Il est curieux de remarquer que, dans ces circonstances, les Romains avaient une coutume exactement opposée, ils laissaient croître leur barbe (Tite-Live, xxvii, 34). On constate l’existence d’habitudes à peu près identiques à celles des Juifs, chez les peuples de l’Orient moderne, et principalement chez les nations musulmanes.

Les anciens philosophes de l’Inde, appelés gymnosophistes, étaient fort soigneux de leurs longues barbes, représentation symbolique de leur sagesse. Les Assyriens s’enorgueillissaient également de la longueur de cet appendice, et saint Chrysostome nous apprend que les rois de Perse portaient leur barbe tressée avec des fils d’or. Les figures des bas-reliefs assyriens sont ordinairement pourvues de barbes, et quelques-unes, celles de Persépolis, par exemple, sont travaillées avec un soin minutieux. Aaron Hill, dans sa description de l’empire ottoman, établit la distinction suivante entre les Perses et les Turcs : « Les Persans ne se rasent jamais la lèvre supérieure, et ils coupent la barbe sur leur menton, suivant les formes variées que peut leur suggérer leur fantaisie. Les Turcs, au contraire, laissent croître en liberté leur barbe, dont ils ont le plus grand soin, et considèrent la perte de cet ornement comme une marque d’esclavage et de servilité. Ainsi, les esclaves du sérail sont rasés, en signe de servitude. » Athénée, d’après le traité de Chrysippe De honesto et voluptata — fait la remarque que les Grecs portèrent la barbe jusqu’au temps d’Alexandre, « Le premier qui osa couper sa barbe à Athènes, dit le même auteur, fut pour cette raison surnommé χορσης, le rasé. » Plutarque, dans sa Vie de Thésée, rapporte, d’une manière incidente, qu’Alexandre fit couper la barbe des soldats macédoniens pour que, dans le combat, les ennemis ne pussent les saisir par cet appendice. Les Grecs continuèrent à se raser jusqu’au temps de Justinien, sous lequel les longues barbes revinrent à la mode, et elles furent portées jusqu’à la prise de Constantinople par les Turcs, en1453. Les philosophes grecs avaient fait, de la longueur de leur barbe, une sorte d’enseigne qui indiquait à tous la profession qu’ils cultivaient. Lucien, à ce propos, se moque avec infiniment d’esprit de ces hommes dont toute la sagesse était renfermée dans leur barbe. Varron (De Re rustica), et Pline (Histoire naturelle), disent que les Romains ne commencèrent à se couper la barbe qu’à partir de l’an de Rome 454, où Publius Ticinius Menas ramena des barbiers de Sicile. Les sénateurs romains se montraient si orgueilleux de leur barbe, que, lors de la prise de Rome par les Gaulois, le sénateur Papirius préféra mourir plutôt que de laisser impunie l’insulte faite à sa barbe. Scipion l’Africain, ajoute Pline, fut le premier, à Rome, qui se rasa chaque jour. Le jour où un jeune Romain se coupait pour la première fois la barbe était considéré comme le premier jour de sa virilité, et fêté avec autant d’éclat que celui de sa naissance ; on renfermait dans une boule creuse les vestiges de cette première barbe, et on les consacrait à quelque divinité : Juvénal, Stace, Martial et d’autres auteurs anciens font allusion, dans leurs écrits, à ces usages divers.

Adrien fut le premier des empereurs qui porta de la barbe, « pour cacher, dit Plutarque, les cicatrices dont son visage était couvert. » Il fut imité par ses successeurs, s’il faut en croire Pancirolle, dans ses Faits mémorables. D’autre part, Rasche, dans son Dictionnaire de numismatique, rappelle diverses occasions dans lesquelles on vit Auguste porter la barbe, principalement lorsqu’il prit le deuil de la mort de Jules César. Il ajoute que des médailles frappées à Aria vers cette époque (l’an de Rome 710), représentaient la figure d’Auguste avec une barbe. Dion Cassius rapporte qu’Auguste ne la fit disparaître que dix-sept ans après. Antonin le Pieux et Marc-Aurèle sont représentés barbus, comme de véritables philosophes, bien que l’on ait conservé des médailles et des bas-reliefs où ce dernier empereur est représenté jeune et imberbe. Les souverains de l’Afrique portaient également la barbe, comme semblent l’indiquer les médailles de Juba.

Les anciens Bretons, s’il faut s’en rapporter à César (De Bello gallico), ne portaient que la moustache. Il est probable qu’il n’a entendu parler que des Bretons, habitants du comté de Kent, ou de ceux des tribus qui les avoisinaient. Strabon parle également des barbes des habitants des Cassitérides ou îles Sorlingues. Tacite, en parlant des Cattes, antique peuple de la Germanie, dit qu’à partir de l’âge viril ils laissaient croître leurs cheveux et leur barbe. À leur arrivée en Bretagne, les Anglo-Saxons portaient la barbe. Dans les missels anglo-saxons, saint Dunstan est représenté portant barbe et moustaches ; et, sur le grand sceau d’Angleterre, Édouard le Confesseur est également pourvu de moustaches et d’une barbe en pointe.

Chez les Spartiates, la perte de la barbe était infligée à ceux des guerriers qui avaient fui dans un combat, et les druides rasaient leurs victimes humaines avant de les immoler dans leurs barbares sacrifices ; les Indiens punissaient également les grands criminels en les rasant, et les Crétois coupaient la barbe aux voleurs et aux incendiaires. Bref, nous voyons l’histoire ancienne nous montrer partout la barbe honorée et soigneusement cultivée : mais les plus fanatiques admirateurs de la barbe furent, sans contredit, les Tartares, qui firent de longues et sanglantes guerres aux Persans et aux Chinois, parce que ces deux peuples trouvaient bon, au lieu de porter, ainsi qu’eux, la moustache retroussée, de la laisser pendre.

Les peuples du Nord se montrèrent moins constamment attachés au culte de la barbe que les Orientaux, bien que quelques-uns y attachassent un grand prix, puisqu’en Russie on vit le czar Pierre le Grand risquer de perdre son trône, pour avoir voulu contraindre les Russes à couper leur barbe.

En France, la barbe joue aussi un grand rôle dans l’histoire, et nous voyons celui qui passe pour le premier de ses rois, Pharamond, porter sa barbe tout entière, ainsi que tous les Francs. Clodion n’était pas seulement un roi chevelu, mais un roi barbu, avec cette différence que ses cheveux étaient beaucoup plus longs que sa barbe, puisque les chroniques nous apprennent qu’il taillait sa barbe, et, par contre, laissait croître ses moustaches, de façon à donner à son visage une expression sévère. Cette mode dura jusqu’à Clovis, qui ramena l’usage des barbes longues. On sait que le héros de Tolbiac envoya des ambassadeurs au roi Alaric, pour le prier de venir lui toucher la barbe, comme signe de l’alliance qu’il dési-