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PIERRE LASSERRE

(puisqu’elle enveloppe tout), elle est inépuisable et assure inévitablement l’originalité ?

On voit par quelle pente le romantisme, fruit d’une mauvaise métaphysique, inclinait à accaparer pour l’art l’objet de la métaphysique et de la religion, à nous donner un art théogonique, cosmogonique, à inonder l’époque moderne de conceptions du monde et de révélations, le tout — en raison de l’arrière-pensée qu’on a comprise et qui apparaît presque brutalement chez Rousseau, — pour aboutir à quelque mythologie sociale, à quelque idéalisation énorme de la morale des esclaves. Cette phraséologie aujourd’hui courante : que l’art, la philosophie, la religion expriment la même chose et accomplissent le même office en trois langues différentes, est pur romantisme. Pour de véritables artistes, l’art est l’art, et rien d’autre.

Dans le classicisme, les règles, signifiant les conditions sous lesquelles le public peut être artistiquement touché, imposent à l’expression une certaine tenue ; elles la resserrent dans certaines limites en dehors desquelles celle-ci peut émouvoir encore et très fortement même, mais non plus esthétiquement. Il est donc permis de dire que les règles indiquent la qualité de l’effet à produire, du plaisir à procurer, et, de plus, qu’elles la mettent à très haut prix. Mais le roman-