Page:Lasserre - La Morale de Nietzsche.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
NOUVELLE PRÉFACE

Il s’est trouvé, à certaines époques peu éloignées de nous, d’éloquents sophistes pour prêter à l’anarchisme de réelles séductions. Ils n’y seraient point parvenus cependant s’ils n’avaient été servis par le manque de foi en elles-mêmes dont souffraient les autorités régnantes à ce moment-là. Un gouvernement qui gouverne sans que son droit de gouverner soit pour lui l’objet de la certitude la plus forte, des éducateurs qui éduquent sans avoir l’esprit vigoureusement fixé sur la meilleure orientation à imprimer aux sentiments de la jeunesse, sur les qualités constitutives du meilleur type d’homme à former, un professeur qui enseigne sans doctrine sur ce qu’il enseigne, un critique dont le goût est asservi à tout ce qu’il lit, tous ces dirigeants mal assurés de leur propre direction, ou incertains même s’il est nécessaire d’en avoir une quand on dirige, sont les premiers fauteurs de l’anarchie. Immédiatement après eux viennent les écrivains et les orateurs qui combattent l’anarchisme en plaidant pour l’autorité les circonstances atténuantes, en la représentant comme un pis-aller inglorieux, mais indispensable, pour lequel l’indulgence des têtes libres, des hommes à tempérament et des personnes d’esprit est humblement sollicitée. Ceux-là font à l’anarchisme la part très belle et,