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NOUVELLE PRÉFACE

Voici, je crois, comment cette illusion se forme dans un esprit. Les idées chrétiennes, comme toutes les idées religieuses ou morales imaginables d’ailleurs, prêtent à des interprétations, à des applications qui portent des marques de difformité, de laideur, de disgrâce, de désordre, et contre lesquelles le bon sens, la saine nature protestent. Mais il n’est pas besoin de posséder la théologie et le dogme pour savoir que ces manières de comprendre et de mettre en pratique le christianisme ne peuvent compter que comme des déviations, des abus, des excentricités. Si elles avaient répondu aux exigences réelles de la doctrine, si elles avaient été dans le sens du grand courant, jamais le christianisme ne fût parvenu à s’entendre avec l’Empire, non plus qu’avec aucun gouvernement civil, jamais il n’eût pu coexister avec la civilisation ; il y a longtemps qu’il eût péri comme tant d’autres sectes éphémères qui portaient à leur base quelque injure au sens commun. Il a pu advenir que des aberrations, qui se paraient du nom du christianisme, s’établissent et prévalussent un instant dans certains milieux chrétiens ; mais jamais, nulle part, les autorités religieuses n’ont failli à les désavouer, à les condamner. Un non chrétien pourra, étendant la portée de cette obser-