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PIERRE LASSERRE

vation et l’appliquant aux origines mêmes du christianisme, soutenir que les doctrines de l’Évangile et de saint Paul ont dû relâcher beaucoup de leur rigueur, consentir à bien des diminutions et des compromis pour se rendre acceptables à la société romaine et au pouvoir impérial. Cette thèse même (que je repousse d’ailleurs) prouverait que l’hostilité contre le christianisme manque de base. En se rendant acceptable, la religion de l’Évangile s’est rendue viable, et ce compromis, ce medius terminus, c’est le christianisme, tel qu’il a été, tel qu’il a duré, tel qu’il a vécu et agi dans les sociétés humaines. Or, quand on parle ou écrit pour ou contre le christianisme, la chose n’est intéressante et sérieuse que s’il s’agit de ce christianisme là, du christianisme tel qu’il a été dans l’histoire et non tel que le construit et le déduit, d’après des documents littéraires lointains, à tous égards, l’esprit raffiné, l’imagination morale subtile d’un homme de lettres.

La même distinction s’impose à l’égard d’autres malentendus. Les personnes qui pratiquent le christianisme avec dévotion ne sont pas plus exemptes que les autres des petitesses et des disgrâces morales de la nature. La mesquinerie d’esprit, le manque de générosité dans les sentiments, la niaiserie et la parcimonie peuvent être