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NOUVELLE PRÉFACE

leur fait. Qu’un homme très sensible à ces inélégances ait passé sa jeunesse, l’âge des impressions vives, dans un milieu dévot qui en était marqué, et qu’il se soit ensuite affranchi de la foi religieuse, il tombera facilement dans l’erreur d’imputer à la dévotion ce qui était le fait des dévots eux-mêmes et ce qui eût très probablement, sans leur dévotion, atteint un degré plus désolant encore. Si pourtant la violence de ce premier dégoût ne lui a pas ôté la faculté d’observer, il s’apercevra que les mêmes misères sévissent, avec de légères différences de nuances, mais qui ne leur donnent rien de plus sympathique, dans les milieux où règnent les idées d’émancipation religieuse ; il lui arrivera de rencontrer la plus sincère piété chrétienne associée à une nature d’homme parfaitement vivante, ouverte, abondante et libérale. Il dira peut-être qu’elle doit ces qualités à ce qui subsiste en elle de la sagesse et de la civilisation antique. Mais, par cette interprétation même, il admettra que le christianisme fait très bon ménage avec la sagesse et la civilisation des païens.

Pas plus qu’il n’est responsable de la tristesse de certaines personnes chrétiennes, pas plus le christianisme ne l’est de la tristesse de certaines époques chrétiennes. En de telles époques, il paraît