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PIERRE LASSERRE

objets religieux de son premier idéalisme, elle les rendra responsables des inquiétudes et des exagérations qui la tourmentent ; elle les accusera de lui en avoir inoculé le germe empoisonné. Elle imaginera le « virus chrétien ». Et, dans ses théories, elle abusera des facilités spécieuses qu’offrent l’histoire et la psychologie et que nous avons essayé d’indiquer, à qui prétend définir le christianisme par les excès moraux qui se sont produits sous son nom, par les misères morales qui ont projeté sur lui leurs reflets. Mais cette interprétation anti-chrétienne devra se comprendre au fond comme un fanatisme chrétien retourné. Voilà, me semble-t-il, l’histoire de Nietzsche. Je dois répéter que, dans le tissu de sa pensée et de ses doctrines, si l’anti-christianisme fait une tache éclatante, il n’occupe cependant qu’une place limitée.

Un autre point de ces théories, qui ne me paraît pas impliquer comme celui-ci une erreur de fond, mais qui reçoit de la brutalité tendancieuse et je dirai presque de la fureur du vocabulaire, une apparence de violence injurieuse et repoussante, c’est sa fameuse distinction entre « la morale des maîtres » et « la morale des esclaves ». Une étude attentive de la pensée de Nietzsche, dégagée de