Page:Lasserre - La Morale de Nietzsche.djvu/59

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Il y a quelques années, lorsque le nom de Nietzsche fut devenu trop célèbre pour que des écrivains qui, comme M. de Wyzewa ou feu Valbert, apportent aux lecteurs de nos grandes revues les nouvelles philosophiques de l’étranger, gardassent plus longtemps le droit de s’en taire, on vit une singulière aventure. Je devrais plutôt dire qu’elle arriva, mais qu’on ne la vit point. L’auteur du Zarathustra fut présenté à la France comme le type le plus radical d’anarchiste, de nihiliste, de démolisseur universel, que l’idéologie allemande eût jamais enfanté. Réputation fâcheuse, bien propre à faire exclure Nietzsche sans plus d’examen du nombre des esprits supérieurs. Car qu’y a-t-il, à la fin du XIXe siècle, de plus rebattu que l’anarchisme, de plus simplet, de plus à la portée de tout le monde que le nihilisme, de plus inoffensif enfin que les « audaces » d’un idéologue germanique ? Ces renseignements suffirent pour détourner de Nietzsche l’attention des personnes pondérées. La question était donc entendue. Et les informateurs un peu hâtifs dont je parlais avaient réglé leur compte avec le météore nouveau.