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PIERRE LASSERRE

Celui-ci, heureusement, a reparu. La traduction des œuvres de Nietzsche publiée par la Société du Mercure de France et qui honore tant son auteur principal et initiateur, M. Henri Albert, est maintenant presque complète. Elle a au moins dissipé ces méprises grossières. Non seulement Nietzsche n’est pas anarchiste ; mais il serait à peu près aussi juste de lui appliquer cette épithète ou toute autre exprimant un état d’esprit enfantin et sauvage, que d’appeler Joseph de Maistre un jacobin, ou Michelet jésuite. Il est curieux qu’on lui ait prêté ce qu’il exècre le plus.


Il existe une erreur, erreur méchante, louche, souterraine, destructrice secrète de tout ordre et de toute beauté, ver rongeur des plus nobles œuvres humaines, que Nietzsche hait en effet de toute la vivacité de son goût pour la face brillante du monde civilisé. Il serait bien près de l’appeler l’Erreur, la Négation, la Malfaisance en soi. Et c’est à peu près en ces termes — on s’en souvient — que Méphistophélès se définit lui-même dans le Faust de Gœthe. Mais le fléau profond et subtil auquel en a Nietzsche n’est rien moins, certes, que méphistophélique. Le cynisme cavalier est tout ce qu’il y a de plus opposé à ses allures. Il faudrait plutôt l’imaginer