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LA MORALE DE NIETZSCHE

Mais la morale s’établit par des voies et des inspirations bien différentes, selon que ce fondamental vouloir de primauté jouit de la puissance effective nécessaire pour réaliser ses desseins, tout au moins pour les poursuivre au grand jour — ou bien qu’il est paralysé par la débilité et le malheur.


Le premier cas est, par exemple, celui d’un peuple militaire et organisateur comme les Romains. C’est encore, au sein d’un peuple, le privilège d’une classe conquérante ou mieux douée qui s’empare du pouvoir et, en usant avec sagesse, le garde des siècles. La morale alors s’organise d’elle-même et elle n’est, pour ainsi dire, que la sanction du fait. Les aptitudes guerrières et politiques, la vigueur et le talent de commander, le courage d’obéir, le mépris de la vie, le civisme, l’esprit patriotique, l’esprit de caste et généralement toutes les tendances créatrices, organisatrices, conservatrices, sont mises au premier rang des vertus. De même la véracité — les forts n’ont que faire de mentir ; la générosité et la magnanimité, ce « luxe de la puissance », interdit au faible. Toutes les façons générales de penser qui tournent à la défense et à la consécration de l’ordre établi forment les bons principes. La petitesse d’âme, la ruse, la peur des responsabilités, l’incapacité de