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LA MORALE DE NIETZSCHE

longue de la morale elle-même viennent accroître et compliquer le contenu de la conscience humaine, l’homme se dérobe de plus en plus aux prises : il en sait, il en veut, il en rêve trop. L’établissement de disciplines à la fois puissantes et adaptées est alors l’entreprise la plus difficile. Nietzsche remarque que les grandes ou plutôt les grosses systématisations de la morale accréditées aujourd’hui (kantisme, utilitarisme, etc.) se rapportent en fait à une humanité psychologiquement fort rudimentaire (toute théorique et abstraite au surplus), et que tous les vrais éléments de moralité, c’est-à-dire les nuances et les finesses d’appréciation morale, qui se sont développés d’eux-mêmes dans nos civilisations, n’ont rien à voir avec ces lourdes machines. Et il est certain que, si ces fameux doctrinaires des mœurs sont ingénieux, puissants même, puissants à vide, dans la déduction des principes généraux, ils se montrent, Kant notamment, dans l’exposé des préceptes pratiques, d’une lourdeur, d’une vulgarité ; d’un ridicule difficiles à accorder avec ce qu’on sait parfois de leur tact personnel.

Le problème pour l’homme moderne ne serait-il pas de joindre à sa précieuse complexité l’énergie du barbare ? Ce problème ne sera pas résolu par des formules, mais par des individus…

Dans l’âge barbare, la morale en faveur est