Aller au contenu

Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps, dans chaque village, font, de nos jours, de l’instituteur et du curé, représentant des idées hostiles, deux adversaires qui se boudent sinon deux ennemis irréconciliables, — bien que la partie ne soit pas égale du côté de l’instituteur plus faible. Certes, Coste n’avait aucune conviction religieuse ; mais s’il était en matière de croyance d’une indifférence très grande, il n’avait pas non plus de prévention. Par ailleurs, le prêtre, homme de paix et de bonne volonté, n’épousait guère les querelles qui divisaient ses paroissiens et ne s’occupait que de son église, ce qui expliquait le respect et l’affection dont on l’entourait. Ce n’était donc pas en cela que résidait la cause de l’abstention que l’instituteur avait gardée à l’égard du curé, mais en ce que, trop surchargé de travail et trop misérable, il quittait peu son chez-soi et ne désirait, par amour-propre, nouer aucune relation suivie avec qui que ce fût. Il se bornait, comme tout le monde d’ailleurs sans exception, à saluer poliment l’abbé Clozel, lorsque le hasard le plaçait sur sa route. De son côté, le vieux prêtre respectait le quant-à-soi et l’isolement volontaire de Coste, dont il connaissait, par Mlle Bonniol, familière de la cure, le dévouement silencieux et la vie humble et difficile, tous mérites qui n’étaient pas faits pour aliéner à l’instituteur la sympathie secrète du simple et charitable curé.

C’est pourquoi l’entrevue des deux hommes fut, dès l’abord, très cordiale. En entrant, Coste exposa le but de sa visite. La main tendue et avec un bon sourire qui atténuait la franchise brusque de ses paroles, l’abbé répondit :

— Oh ! ça ne presse guère, mon ami… Prenez, je vous prie, un siège… Vous me payerez quand il vous plaira, je sais attendre… Les instituteurs de même que les prêtres de campagne doivent se contenter de peu et ne disposent guère de grosses sommes… Allez, je ne suis pas bien riche moi-même et c’est pour cela que je comprends les embarras de mes ouailles et que je compatis mieux à leurs souffrances…