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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/155

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lui cette élection, dont l’issue pouvait de nouveau le jeter en pleine misère, qu’il se prodigua davantage et fit tant et tant que le mécontentement assez vif de M. Rastel dura peu. Mais si le maire ne tint pas rigueur longtemps, cependant, sa froideur tombée, il ne souffla jamais mot de ce qui s’était passé et encore moins de ce qui se mijotait à cette heure. Aussi, les élections approchant, Coste, qui n’était plus tenu au courant des événements et des décisions prises en petit comité, commença-t-il à concevoir des craintes devant les allures mystérieuses du maire et les réponses évasives qu’il en obtenait pour tous renseignements. À tel point que, sans rien regretter de sa première résolution, il en arriva à se dire égoïstement que, pourvu qu’on ne le mêlât à aucun tripatouillage, M. Rastel aurait raison après tout de parer à toutes les éventualités possibles, et que l’animosité menaçante et tapageuse des réactionnaires excluait toute courtoisie et excusait bien des choses. Cette pensée ne laissa pas de le tranquilliser sur le résultat final de la lutte et il envisagea l’avenir avec confiance.

M. Rastel ne restait pas inactif. Toute la journée on le voyait déambuler sur la grand’route, grimpant chez l’un ou l’autre de ses partisans, tel un général avant la bataille, et ne s’arrêtant que pour respirer et éponger son front en sueur, avec le mouchoir à carreaux rouges qu’il brandissait constamment dans sa main. Même il n’allait plus désormais passer la matinée, pas une heure seulement, à son mas, où il eût été si bon de flânoter en fumant la pipe, au lieu de courir dans le grand soleil qui éclairait crûment les rues de Maleval.

Les chaleurs commençaient, en effet. On était à la mi-mai. Les verdures graciles de l’avril s’étaient développées et s’étalaient en végétations luxuriantes. Le feuillage clairsemé des arbres s’était arrondi en masse touffue et verte, aux fraîches épaisseurs, et projetait sur le sol une ombre com-