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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/170

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me mets en retard ?… J’ai compté sur vous, intercédez pour moi ; dites que, si je me suis mêlé des élections, je n’étais guidé que par la pensée de conserver ces deux cent cinquante francs qui me sont indispensables… Je n’ai de rancune contre personne… Mais qu’on me laisse vivre, oh ! oui, qu’on ne m’enlève pas ce morceau de pain dont j’ai besoin pour les miens…

Coste suppliait, les mains jointes, pleurant à grosses larmes. Le curé contenait à grand’peine son émotion. Il regardait le pauvre homme et compatissait à ses angoisses et à sa détresse.

— Mon ami, — dit-il, — comptez sur moi… le peu d’influence que je puis avoir, je l’emploierai pour vous… Je souhaite ardemment qu’on m’écoute… je plaiderai votre cause avec mon cœur et j’espère que Dieu me fera la grâce de pouvoir persuader vos adversaires… Votre sort est digne de pitié… Il faudrait avoir un cœur de roc pour ne pas être attendri…

Et comme Coste, abîmé dans sa douleur et son humilité, faisait un nouveau geste de prière, l’abbé Clozel ajouta :

— Dès demain, j’irai trouver M. Pioch… Ce serait une iniquité !… On m’écoutera… Allons, courage, mon ami !…

L’instituteur s’en alla un peu réconforté. Le curé tint parole. Mais sa démarche fut vaine. On lui répondit que la place était promise et que ce serait mécontenter tous les conservateurs que de revenir sur une décision prise en réunion intime. L’abbé Clozel eut beau faire appel aux sentiments d’humanité qui plaidaient en faveur de son protégé et prêcher l’oubli des injures, ce premier devoir d’un chrétien sincère, Piochou, avec son entêtement de paysan retors, s’aheurta dans son idée. Il regrettait, certes, mais c’était impossible ; on en avait décidé ainsi et il ne pouvait rien changer.

Le curé perdit un peu patience devant ce manque de pitié et ce parti-pris de haine :