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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/171

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— Mais c’est la misère, — s’écria-t-il, — pour ce pauvre diable… songez donc qu’il a quatre enfants en bas âge et une femme malade… Non, vous ne serez pas si méchants !

Le paysan fut piqué par ces derniers mots qui n’étaient pourtant que le cri d’un cœur compatissant aux misères d’autrui. Au surplus, lui et ses amis étaient enchantés de pouvoir enfin se venger sur un de ceux qui avaient contribué à faire condamner son cousin. Gustou tenait à être secrétaire et ce dédommagement lui était bien dû. C’est pourquoi, redressant sa petite taille et fronçant les sourcils, le maire déclara nettement, d’une voix aigrelette :

— Je le regrette, mais c’est impossible… N’insistez pas…

Puis, voulant donner une leçon à ce curé auquel on ne pardonnait pas son abstention totale, lors des élections dernières, il ajouta un peu railleur :

— Permettez-moi même, monsieur le curé, une petite remarque respectueuse. Je suis étonné que vous plaidiez la cause d’un enragé comme Coste, lequel a tout fait pour porter préjudice à ceux qui sont les plus dévoués de vos paroissiens… Vraiment, vous ne faites pas assez de différence entre républicains et conservateurs, entre les ennemis et les amis de la religion… A vouloir être trop bon, on est souvent dupe… Beaucoup de prêtres ne font pas comme vous et…

L’abbé Clozel interrompit le paysan finaud et simplement repartit :

— Monsieur Pioch, j’agis d’après ma conscience et mon devoir… Je suis, moi, un homme de paix… Les querelles qui vous divisent m’importent peu et je les comprends mal… Les uns et les autres, vous êtes mes chères ouailles et je dois, en bon pasteur, mes soins aux brebis fidèles comme à celles qui s’écartent du troupeau et risquent de s’égarer tout à fait… Votre cousin peut fort bien se passer du secrétariat de la mairie… Ce serait au contraire une mauvaise action que d’enlever le pain de cet homme chargé de famille… Allons,