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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/176

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renvoyer la femme de ménage, ce qui était autant de gagné. Jean, libre du matin au soir, la remplaça et s’occupa à tenir la maison propre et à soigner les bébés…

Avec la faiblesse de Louise, faiblesse que compliquait le chagrin de la vie précaire où ils étaient retombés, ses palpitations de cœur si douloureuses étaient revenues la tourmenter fréquemment. La moindre marche la fatiguait, la laissait essoufflée et sans courage. Par ces nuits orageuses, elle dormait mal, en proie à l’insomnie et à la fièvre.

Elle avait ensuite des étouffements et, pleine d’anxiété, les yeux égarés, presque révulsés, elle demandait l’air qui semblait lui manquer. En vain, Jean ouvrait largement les fenêtres ; l’oppression persistait, et, assise sur son séant, Louise haletait, une boule à la gorge l’empêchant de respirer. Tout tournoyait, se déformait autour d’elle, dans la chambre ; ses oreilles tintaient atrocement ; elle entendait des clameurs de vagues énormes déferlant à grand fracas. Les veines du cou et des tempes battaient fiévreusement à coups sourds, et le bruit très perceptible de ces battements violents et irréguliers impressionnait péniblement la malade qui s’écriait, éperdue, la voix suffoquée d’angoisse et de sanglots :

— Jean… de l’air… j’étouffe… mon Dieu, je vais… mourir… de l’air… Jean… de l’air.

Puis soudain elle ne sentait plus son cœur qui s’arrêtait, et, défaillante, elle s’abattait sur son lit, dans un affaissement total de l’être, qui la laissait, le visage d’une pâleur de marbre, les mains exsangues, les yeux blancs, les extrémités froides, les membres couverts d’une sueur glacée, en une syncope qui ressemblait presque à la mort, tant la poitrine respirait faiblement. Louise sortait de ces crises comme idiote, sans force. Certes, brève était la durée de ces accès toujours suivis de pâmoison, mais ils se renouvelèrent avec une telle fréquence que Jean dut encore avoir recours au médecin.