Aller au contenu

Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Enfin, la lune reparut et la route s’éclaira.

— Est-ce loin encore, mon ami ? — demanda Jean.

Le gamin secoua la tête et, de plus belle, continua à se sucer les doigts. Après quelques pas, il s’arrêta devant la porte d’une remise ; sur un écriteau, on lisait, en lettres boiteuses :

AUBERGE
On loge à pied et à cheval

Pour chambre, ils eurent une espèce de galetas sordide, avec deux lits. Exténués, le ventre vide, ils s’assirent. Jean essaya de plaisanter. Louise boudait. On dévora en silence les victuailles apportées dans un panier. Rose et Paul furent ensuite couchés et s’endormirent aussitôt d’un sommeil lourd.

À peine au lit, Jean voulut embrasser Louise. Celle-ci le regarda d’un œil morne, plein de reproche, et ne lui rendit pas son baiser. La chandelle soufflée, elle lui tourna subitement le dos, le visage vers la ruelle. Bientôt, à son corps secoué, il comprit qu’elle pleurait. Il voulut la consoler. Elle le repoussa.

Jean se sentit malheureux ; c’était la première fois que Louise boudait si longtemps ; la première fois qu’elle ne lui rendait pas le baiser du soir.

C’est pourquoi, en dépit de ses membres courbaturés, il ne put s’endormir que difficilement lorsqu’à la respiration calme de sa femme, il fut assuré qu’elle dormait enfin. Mais avant de clore les yeux, il baisa doucement les cheveux de la chère et faible créature.