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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/49

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que rarement, pour la lessive et encore ! Aussi, outre son labeur professionnel, l’instituteur profitait-il de ses loisirs pour mettre tout en ordre dans la maison ; il nettoyait, balayait, cuisinait tant bien que mal ; c’était lui qui lavait, couchait et soignait les enfants ; lui que le soir, une fois tout son petit monde au lit, on aurait pu voir, si les volets n’eussent été clos, un tablier de cuisine ceignant les reins, essanger du linge ou laver la vaisselle. Après quoi, il se, couchait, harassé ; mais, malgré sa maigreur, il avait reçu de ses ancêtres paysans une robuste constitution et dormait les poings fermés jusqu’à l’aube, à moins que Louise ne réclamât quelques menus soins pendant la nuit. Le matin, il se réveillait dispos, plein de courage, et s’attelait aussitôt à sa rude besogne, sans se plaindre, gardant, pourvu que sa Louise lui sourît et ses enfants aussi, sa gaieté inaltérable et sa précieuse insouciance.

Pourtant la situation ne s’améliorait guère. La vie était aussi chère à Maleval qu’à Peyras. Les cinq cents francs qu’il avait en moins lui eussent été bien nécessaires. Pouvait-on nourrir Louise si débile avec des pommes de terre ou des légumes secs ? Déjà, aux premiers jours de novembre, il avait payé le retard ; mais, comme par le passé, il s’était trouvé sans avance pour le mois à courir, car, fidèle à ses engagements, il avait envoyé vingt francs — presque tout ce qui lui restait, les fournisseurs payés — à son tailleur de Peyras.

— Est-ce que tu recevras bientôt de l’argent ? — demandait Louise, inquiète.

Et Jean répondait, plein d’assurance, ne fût-ce que pour la tranquilliser :

— Oh ! tu sais, ils ne se pressent guère d’habitude… Ces bureaux, il leur faut des mois et des mois… mais ils se décideront à la fin ; tiens, quelque chose me dit qu’avant quinze jours nous palperons quelques beaux louis jaunes.