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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/67

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pour ma terre !… O fils ingrat ! elle t’a donc bien changé ta méchante femme… Vendre ma terre ! me dépouiller tout à fait !… Attends au moins que je sois crevée… Après, tu boufferas tout avec ta sans-le-sou, si tu veux… Ah ! tes pauvres enfants ! vous ne leur laisserez pas seulement une chemise pour se couvrir… oui, vous leur mangerez le vert et le sec, dépensiers, sans-soucis… Je n’ai rien et je ne vendrai rien… Non, non, non !

Précipitamment, au risque de se cogner aux meubles, elle regagne sa chambre et, la porte fermée, on l’entend qui crie encore :

— Mon Dieu ! sainte Vierge ! ils me feront mourir à petit feu… Vendre ma terre ! oui, pour m’envoyer à l’hôpital ensuite… Cette vilaine femme, comme elle me l’a changé, mon enfant ! Jean, lui qui était si doux et si bon autrefois… Ah ! il l’a connue pour notre malheur à tous !…

Jean était resté auprès du feu, tête basse, l’œil sec. Il se leva enfin.

— Elle a refusé, n’est-ce pas ? — dit Louise, en le voyant entrer.

— Tu nous as entendus ? — demanda Jean anxieux et très pâle.

— J’ai entendu crier, mais avec ce vent… Que t’a-t —elle donc dit ?

— Ah ! Louise, elle ne me croit pas, — répondit-il avec un grand découragement.

— Pourtant, elle en a de l’argent ; elle rôde assez autour de moi, quand je rentre dans sa chambre… Si je puis y mettre la main dessus, elle criera, mais tant pis…

— Non, Louise, tu ne feras pas cela… Ne parle pas ainsi, j’en souffre trop… D’ailleurs, elle ne peut pas avoir une grosse somme… Seule, la vente de la terre nous tirerait d’affaire et elle ne veut pas, elle ne voudra jamais…

— Alors, que ferons-nous ? — sanglota Louise.