Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/226

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tremble de tous ses membres, pousse des cris et se roule sur le sol.

C’est dans cet état que le trouve Siegfried en rentrant de son expédition dans la forêt. Il réclame de nouveau son épée ; mais le nain sait maintenant qu’il ne pourra la lui forger lui-même, puis comprend que l’adolescent, qui n’a jamais connu la crainte, est celui à qui le Voyageur a légué sa tête en partant. Pour échapper au péril, il lui faudra, coûte que coûte, imprimer l’effroi dans cette âme téméraire, et pour cela, il imagine de déclarer à Siegfried qu’il ne peut, selon le vœu de sa mère, quitter cette solitude sans avoir auparavant appris la peur. Pour l’y exciter, il lui fait un tableau troublant de la forêt à l’heure où l’ombre l’envahit de toutes parts, où des murmures mystérieux se mêlent aux grognements farouches des fauves. — Siegfried la connaît bien, cette heure indécise dans les bois, mais elle n’a jamais jeté l’angoisse dans son cœur. — Mime alors lui parle du dragon terrible, Fafner, qui étrangle et dévore tout ce qui tente de l’approcher, et dont le repaire, Neidhöhle, la caverne d’envie, se trouve à l’extrémité de la forêt.

Ce récit du nain ne fait qu’éveiller la curiosité du bouillant enfant : c’est devant le repaire du monstre qu’il veut aller chercher la peur ; il va donc partir, mais non sans être armé de Nothung, et il somme une dernière fois Mime de la lui forger. Sur les nouveaux atermoiements du méchant gnome, qui se sait impuissant pour une telle besogne, Siegfried lui arrache des mains les morceaux de l’épée et se met lui-même à réduire le métal en limaille pour le travailler ensuite avec ardeur. En l’honneur de l’arme chérie, il entame un joyeux chant, qui alterne avec les imprécations de l’Alfe haineux, sentant renaître toutes ses angoisses et voyant son plan ténébreux s’écrouler