Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/253

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parer de l’anneau et se jette sur le corps de Siegfried pour le prendre ; mais la main du cadavre se dresse menaçante, serrant l’anneau entre ses doigts… L’épouvante est à son comble. Gutrune et ses femmes poussent des cris aigus.

Brünnhilde, paraissant alors au fond du théâtre, s’avance, calme et imposante, et veut faire taire ces clameurs ; elle, la femme abandonnée et trahie par tous, vient pour venger le héros dont la mort ne sera jamais assez dignement pleurée.

Gutrune éclate en reproches, l’accusant d’avoir attiré tous les malheurs sur leur maison ; mais Brunnliilde, avec noblesse, lui impose silence, elle, l’épouse légitime que seule Siegfried a jamais aimée et à laquelle il avait juré une éternelle fidélité. Gutrune alors, au comble du désespoir, comprend quel rôle odieux Hagen lui a fait jouer en lui conseillant de faire usage du philtre maudit, et, appelant sur le misérable l’anathème, elle tombe abîmée de douleur sur le corps de Gunther. Hagen, dont le regard est animé d’une expression de défi, reste à l’écart, absorbé dans une sombre rêverie.

Brünnhilde, après avoir contemplé longuement et douloureusement le visage de Siegfried, ordonne avec solennité aux vassaux de former sur les bords du fleuve un bûcher destiné à recevoir le corps du héros ; puis on lui amènera Grane, son fidèle et noble coursier, avec qui elle veut partager les honneurs sacrés réservés au plus valeureux des guerriers.

Pendant que les vassaux entassent les fortes bûches sur lesquelles les femmes jettent des tapisseries et des fleurs, Brünnhilde se perd de nouveau dans la contemplation du bien-aimé, le pur des purs, le cœur loyal entre tous, celui qui cependant l’a trahie, abandonnée, elle, la seule qu’il