Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/285

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cution, et aussi quelle complication pour l’auditeur s’il veut s’intéresser également à la musique et au poème récité ? Le musicien et le déclamateur n’ayant entre eux rien de commun, ni la mesure ni l’intonation, n’ont aucun moyen de se mettre d’accord ni de marcher rigoureusement ensemble ; on doit se contenter d’un à peu près.

Qu’à la déclamation proprement dite on substitue la déclamation lyrique, que les vers soient scandés et l’intonation réglée au moyen de la notation musicale, tout en laissant à l’orchestre son rôle à la fois mélodique et symphonique, et on aura réalisé une partie du programme wagnérien, la cohésion intime de la parole chantée et de la trame orchestrale, toutes deux convergeant vers le même but, la puissance et la clarté de l’accent dramatique, et chacune d’elles conservant, avec sa liberté d’allure, ses plus énergiques moyens d’expression.



Mais un autre élément entre dans la composition du tissu mélodique sans fin tel que le comprend Wagner. C’est le leit-motif[1] Pour en faire entrevoir l’essence, j’aurai recours à une comparaison. Quand nous lisons un roman dans lequel les personnages ou les sites sont vigoureusement tracés, comme dans Walter Scott, Victor Hugo, George Sand, Balzac ou Zola, ces personnages ou ces sites, bien que souvent de pure fantaisie et sortis de l’imagination du romancier, se gravent dans notre esprit selon une forme, une silhouette ou une disposition de perspective désormais invariables. Que, dix ans plus tard, nous relisions le même roman, ces mêmes images, et non d’autres, se représenteront à notre pensée d’une façon frappante, avec les mêmes attitudes, les mêmes jeux

  1. Motif typique, motif conducteur.