Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/81

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s’y creusait en retrait au-dessous d’un nez impérieux, au-dessus d’un menton projeté en avant comme la menace d’une volonté conquérante. »

Wagner, en 1861, rentrait dans sa patrie avec le désir de plus en plus grand de faire exécuter Tristan ; mais, malgré la renommée qu’il avait acquise dans ces dernières années, augmentée par son échec si retentissant à Paris, qui lui avait valu une recrudescence de sympathie parmi ses compatriotes, aucun directeur ne se souciait de monter sa partition. Le Grand-Duc de Bade, après s’être montré disposé pour l’œuvre, s’en désintéressa, et à Vienne, où l’on mit les répétitions en train, on renonça à la cinquante-septième, sous prétexte que le ténor Ander était à bout de forces.

Les années qui suivirent alors furent parmi les plus pénibles de la vie du Maître. Tout concourait à l’accabler : la grande déception que lui causa la mauvaise fortune de Tristan, l’isolement de sa vie, car son foyer était maintenant désert, et son ménage dissous ; sa femme, créature bonne et dévouée, mais terre à terre, n’avait pas su comprendre son génie : de là des heurts continuels qui s’étaient résolus à la longue par une séparation. Quelques années plus tard, des bruits malveillants coururent à ce propos sur Wagner : on l’accusa de laisser sa femme sans ressources, et elle écrivit elle-même, quelques jours avant sa mort, pour démentir ces calomnies, attestant que son mari lui avait toujours fourni, au contraire, des subsides très suffisants.

De nouveaux embarras pécuniaires le talonnèrent encore, ses opéras lui rapportant fort peu, d’après les arrangements consentis en Allemagne entre théâtres et auteurs. Il eut pourtant enfin la satisfaction de voir représenter