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LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE

il n’y fait seulement pas attention ; même si j’insiste, si je dis : « Tu n’as donc pas vu cette dame, comme elle est belle ? » il me répond : « Oui, p’pa », mais, je sens bien que c’est pour me faire plaisir. Moi, je me rappelle qu’à son âge j’étais autrement dégourdi…, etc. »


Mais en dehors des parents et des élèves, les éléments ne font pas défaut.

Il n’y a pas jusqu’aux concierges qui ne soient parfois drôles au Conservatoire, depuis celui qui se disait le représentant du ministre, et dont la fille a débuté à l’Opéra, jusqu’à cet autre qui, ayant reçu pour consigne d’empêcher de stationner et de fumer sous le porche, formulait ainsi ladite défense : « Messieurs, les ceusses qui veulent fumer ici sont priés d’éteindre leurs cigarettes ou de sortir dehors ».

C’est encore un concierge, du temps d’Auber, qui, réveillé à neuf heures du soir d’un profond sommeil par un visiteur qui demandait à voir le Directeur, grogna en se retournant dans son fauteuil : « Le directeur… c’est moi ! »


A côté de cela il y a eu en tout temps de braves serviteurs dévoués et attachés à la maison, y vivant en famille, comme par exemple la dynastie des Lescot, garçons de classe ou huissiers au Conservatoire de père en fils depuis cent huit ans, bien que l’établissement ne date que d’un siècle, car un arrière-grand-père était déjà concierge en 1790 des Menus-Plaisirs du Roy, dont les somptueux bâtiments sont encore ceux de l’administration.

Ces postes sont d’ailleurs très enviés, surtout celui d’huissier du directeur, qui seul assiste à tous les examens et concours, publics ou à huis clos, entend toutes les délibérations, toutes les discussions, et recueille les votes. Il est astreint au secret professionnel, et doit être muet comme la tombe, sous peine de destitution immédiate. Aussi ne connais-je pas d’exemple, depuis un demi-siècle, qu’une indiscrétion ait été commise par le vieux père Leborne, par son fils Marcel ni Lescot aîné ; pas plus n’en commettra jamais Moreau l’huissier actuel.