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la débâcle

Les eaux ne montent plus ; le fleuve se repose.
Est-il donc effrayé des souffrances qu’il cause ?
Où se repose-t-il, dans un traître sommeil,
Pour lutter de nouveau, plus terrible, au réveil ?

Dans les prés, au-dessus ce ces vagues étranges,
On ne voit s’élever que les combles des granges
Où bêlent des moutons, où beuglent des taureaux,
Que les faîtes pelés des pommiers, des bouleaux,
Et que les gais pignons des maisonnettes blanches.
Des canots élégants ou des radeaux de planches
Aux fenêtres des toits demeurent amarrés :
C’est le dernier asile où viendront, éplorés,
Les pauvres paysans chassés de leur demeure.
Et, sur la nappe humide on voit fuir, à toute heure,
Au bruit de l’aviron qui plonge dans les flots,
D’une maison à l’autre, un de ces longs canots.

Mais quelle est donc, là-bas, cette fière nacelle ?
L’eau comme en diamants de la pale ruisselle.
Quel est ce couple heureux qui se parle d’amour,
Sur l’élément perfide, et sous les feux du jour ?
C’est le barde rustique et la tendre Henriette.
Aimez-vous ! Aimez-vous ! Nulle voix indiscrète