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irenna la huronne

Car ils déposent l’arc, fouillent la terre et sèment
Des grains qui vont mûrir au milieu des fumiers.
Les bois sont endormis. Le hibou solitaire,
Seul aux cimes des pins, ulule tristement.

— Ô l’augure fatal ! ne va-t-il pas se taire ?
Songe Ounis, le guerrier, qui marche lentement.

Ounis souffre depuis qu’Irenna, son amie,
A reçu le baptême et prie un Dieu nouveau.
Sur son front désormais pèsera l’infamie…
Des pensers de vengeance échauffent son cerveau.

— De quel droit ce Dieu-là, gronde-t-il dans un râle,
Vient-il nous enlever les vierges de nos bois ?…
Nous ne lui volons pas ses femmes au front pâle.

Il erre çà et là comme un fauve aux abois,
Honteux de son échec, irrité de sa peine…
Mais quelles sont ces voix qui chuchotent tout près ?
Sont-ce les guerriers morts qui lui soufflent la haine ?
Il veut boire du sang. Le sang qu’il aime. Après,
Il ira déterrer, lui, la hache de guerre.
Si les autres ont peur, qu’importe ? il ira seul.