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les épis

En foule sur les bords viendront au-devant d’eux.
Leur bouche se contracte en un rire hideux,
Car ils ont inventé de nouvelles tortures.
Des cheveux tout sanglants pendent à leurs ceintures,
Les cheveux des guerriers ennemis.
Les cheveux des guerriers ennemis. Les canots
Glissent sur le flot noir comme un vol de linots.
Le chef, de temps en temps, jette une clameur gaie
En frappant rudement, du bout de sa pagaie,
Un jeune prisonnier à ses pieds étendu.
Le vainqueur n’aura pas longuement attendu
Pour voir mûrir ses plans et triompher sa ruse.
Mais que n’a-t-il fait plus ? Maintenant il s’accuse
De n’avoir pas versé tout le sang qu’il rêvait.
Avait-il peur des Blancs ? Les Blancs, oh ! s’il pouvait
Pendre comme un trophée à sa ceinture fauve
Leur courte chevelure ! Et, dans leur crâne chauve
S’il pouvait, au festin, boire leur sang tiédi !

Et longtemps les canots, dans un élan hardi,
Emportant les vaincus et les fruits du pillage,
Ont tracé sur les eaux leur sinistre sillage.
Ils arrivent enfin. Louant Areskouï,
Le guerrier dans les flots jette, tout réjoui,
Le petun odorant qu’il offre en sacrifice.