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les épis

Seront vengés ! Ainsi parle un jongleur immonde,
Et le festin commence. Et tout ce cruel monde
Déchire de ses dents les morceaux de la chair.
Et l’enivrant fumet monte longtemps dans l’air
Avec les cris de joie, à travers le bois dense.
Puis au repas succède une infernale danse,
La danse de la mort.
La danse de la mort. — Le sais-tu, prisonnier,
Le soleil qui se couche est pour toi le dernier ?
Nos chiens vont dévorer, cette nuit, ton cadavre…
Guerrier, tu vas mourir ! guerrier, la peur te navre !

Ils dansent en chantant ce sinistre refrain.
Leur colère, bientôt, ne connaît plus de frein.
Ils balancent les bras, ils agitent la tête,
Ils poussent des clameurs comme des cris de bête.
Devant les prisonniers ils passent tour à tour,
Et leurs ongles, aigus comme des becs d’autour,
Les déchirent. Ensuite, au signal, l’arc se bande,
Et de cruels enfants, avec la noire bande,
Sur ces nobles vaincus lancent des traits perçants.

Et toujours garrottés, les Hurons impuissants
Jettent à leurs vainqueurs des regards pleins d’outrage.
Le sang qui coule allume une effroyable rage ;