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nos trois cloches

Et l’éclair de son âme allumait sa paupière ;
C’était lorsque le soc effleurait une pierre,
Et faisait quelque peu dévier le sillon.
Il était un artiste en labour, ce brouillon.

Jeannette le suivait à sa besogne rude.
L’école, pensait-il, en ferait une prude…
Puis, elle avait dix ans, savait lire et compter.
Et les enfants, au reste, il faut bien les dompter,
Si l’on veut que plus tard, en face de l’ouvrage,
En face de l’épreuve, ils aient quelque courage.
Tancrède était compris. La pauvrette croyait
Qu’elle devait souffrir pendant que l’on choyait
Sa sœur plus belle. Aussi, jamais une réplique.

Donc Jeannette « touchait », ce jour-là. Je m’explique.
Mais vous savez encor, fiers enfants de nos bourgs,
Ce que c’est que « toucher » dans le temps des labours.
Tête au vent et pieds nus, elle tenait les guides
Et fouettait de sa hart le dos des bœufs placides ;
Elle allongeait le pas, trottinait de bon cœur,
Pour suivre la charrue et le vieux laboureur.
La poussière souillait ses petites mains blanches.
Elle comptait toujours, rendue au bout des planches,