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les épis

Dans la vaste prairie un sillon noir de plus,
Un rayon vert de moins. Mais soucis superflus,
La tâche d’aujourd’hui ne peut être achevée
Si l’on ne fait bien longue, hélas ! la relevée.

Tancrède sentait bien que son front se mouillait.
Il se dressait souvent, et son regard fouillait
Les grêles peupliers qui cachaient mal l’église,
Et ses clochers plus hauts que leur ramure grise.
Ce jour-là, bien des gens, endimanchés, ravis,
Étaient venus s’asseoir dans l’ombre du parvis.
Or, dès la matinée, à la lueur des cierges,
Sous leurs manteaux fleuris, dans leurs robes de vierges,
Les cloches, toutes trois, pareilles à trois sœurs,
Avaient eu le baptême. À Dieu, dans les hauteurs,
Elles pouvaient parler car leur voix étaient pure.
Marraines et parrains, très fiers, avec mesure
Avaient mis leurs écus dans le plateau d’argent.

Tancrède, marguillier ému, se rengorgeant,
Avait été s’asseoir, avec d’autres illustres,
Sur un siège du chœur, tout auprès des balustres,
Mais il avait ensuite enlevé le gilet,
Endossé la bougrine et repris le boulet.