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les épis


Une fermière, au loin, près des étables mornes,
Appelait son troupeau. L’appel était pressant,
Un peu rude tantôt et tantôt caressant,
Mais bétail et berger ne voulaient pas entendre,
Car c’était fête au champ.
Car c’était fête au champ.Alors je vis s’étendre
Des vols capricieux sur les grands bois voisins.
Les oiseaux me semblaient grisés par les raisins,
Et le soleil couchant, qui s’échappa des brumes,
Fit jaillir des rayons de leurs mouvantes plumes.

Et le dirais-je aussi ? Je vis, en même temps,
Voltiger sur les prés, comme aux jours du printemps,
Papillons poudrés d’or et fières libellules.
Je vis des grillons noirs qui fuyaient leurs cellules,
Et des criquets gaillards qui chantaient l’oraison,
Comme ils font en été, pendant la fenaison.

Et tout près, dans le champ que labourait Tancrède.
Les bœufs ne marchaient plus. De leur narine tiède
Ils soufflaient doucement une tiède vapeur.
Le front bas sous le joug, les traits ballants, sans peur
De la hart qui tombait sur leur croupe indolente,
Alors qu’ils tiraient mal ou de façon trop lente,