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nos trois cloches

Il disait maintenant à son enfant docile :
Les cloches sonnent tard… C’est donc bien difficile
De les pendre là-haut à leur solide essieu…
Tiens ! j’entends quelque chose enfin ! Écoute un peu,
Écoute, ma Jeannette, oui, voilà que ça sonne !…
Tu ris, petite, et moi, c’est drôle, je frissonne.

Jeannette souriait. Il ôta son chapeau,
Et, s’essuyant le front, il murmura :
Et, s’essuyant le front, il murmura— C’est beau !


III


À mon tour, ce soir-là, par la sente des chaumes
J’amenais le troupeau. Je crus que dans leurs dômes
Les bois berçaient des chants nouveaux. C’étaient des sons
Mieux cadencés encor que nos airs de chansons.
Le dirai-je ? Jamais, dans nos rustres domaines,
La vieille cloche seule, et jamais voix humaines
N’avaient ainsi chanté l’Angélus. Quel émoi,
Ô mon cœur, vint alors te troubler ! Devant moi
Les génisses, les bœufs, qui marchaient à la file,
N’avaient plus maintenant leur allure tranquille,
Mais semblaient délirer de plaisir. Leurs fronts roux
S’élevaient tour à tour en des mouvements fous
Que scandaient à la fois leurs orgueilleuses cornes.