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les épis

Vision


Aimez-vous, ô vieillards, à remuer la cendre
Où dorment vos bonheurs d’antan ? Je vois descendre,
Devant mes yeux ravis, tout le joyeux essaim
De ces espoirs d’un jour, que réchauffa mon sein
Au matin de la vie. Il vient mais il s’envole.
Rien ne peut retenir de cet essaim frivole
L’aile rapide. Il va, suave et décevant,
Comme une feuille morte au souffle d’un grand vent.

Oui, lorsque l’on vieillit, que la tête se penche
Comme le pin, l’hiver, sous sa couronne blanche,
Que les pieds moins légers trébuchent plus souvent,
Et que la main hésite et tremble en soulevant
La coupe presque vide, on aime davantage
Ce passé disparu qui fut notre partage.
On l’évoque. Il surgit dans nos âmes sans feu,
Comme, un matin d’automne, on voit un sommet bleu