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nuit de noël

Car tout homme est menteur !… La soif des biens s’allume ;
Et le cœur, mal gardé, sonne comme une enclume
Aux baisers de l’amour qui l’a déjà surpris.

Et le rêve divin comme un oiseau s’envole !…
Le pauvre porte envie au riche qui le vole ;
L’orgueilleux parvenu méprise l’indigent ;
La bouche qui priait injurie et diffame ;
Le libertin ourdit la chute de la femme,
Et l’avare, à genoux, adore son argent !

Comme un oiseau qui fuit le saint rêve s’efface…
Vers le sol de nouveau l’homme a penché sa face ;
La prière est muette et le cantique dort.
Seuls des cris étouffés du milieu de la foule
Montent encore : les cris des malheureux que foule,
Sous son talon brutal, le lutteur le plus fort !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ah ! trop tôt le bruit meurt sous les voûtes du temple !

L’adorateur s’en va. Le ciel ému contemple
Le flot impétueux des inconstants mortels.
Les cierges sont éteints. Par les fenêtres sombres
On voit quelques rayons se perdre dans les ombres…
C’est la lampe qui veille au milieu des autels.