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les épis

Glaner les blonds épis oubliés sur la planche,
Aux moissonneurs lassés verser, d’une main blanche,
Le cidre frais et pur,

Oh ! quel amour profane
M’a soudain enivré !
Je crois que je me damne…
Secourez-moi, sainte Anne,
Sainte Anne de Beaupré !

Depuis que je l’ai vue, à l’ombre d’un grand chêne,
Orner coquettement ses longs cheveux d’ébène
De l’humble fleur des champs ;
Depuis que je l’ai vue, innocente et superbe,
Dans le calme du soir s’agenouiller sur l’herbe,
Pour écouter des chants…

Chants de l’onde à la rive ou de l’oiseau sur l’arbre,
Mon cœur indifférent, que je croyais de marbre,
S’est tout à coup fondu,
Et la nuit est en moi. Le bonheur, la souffrance,
L’amour et le remords, la crainte et l’espérance,
Tout semble confondu.