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la débâcle


Avril, avril, ton souffle est plein de volupté.
Tes matins et tes soirs, mois toujours enchanté,
Éveillent l’harmonie, épandent la lumière.
Avril, tu viens enfin égayer la chaumière
Dont la bise d’hiver a glacé le foyer.
Avril, c’est toi qui fais, sous ton souffle, ondoyer
Les flots du Saint-Laurent redevenus dociles,
Quand tes feux ont fondu leurs cristaux immobiles.

Hâte-toi, mois d’amour, que je cueille une fleur,
La première des bois, la plus fraîche en couleur,
Pour orner les cheveux de ma tendre Henriette !
Hâte-toi, que je berce en ma barque discrète
Sur les vagues d’azur du fleuve paresseux,
Celle qu’ont fait rougir mes pudiques aveux ! »

* * *

Ainsi chantait, un jour, d’une voix douce et fière,
Sous les bois sans ombrage, au bord du lac Saint-Pierre,
Un fils du Saint-Laurent, un barde jeune et bon,
Doué du plus fatal, mais du plus noble don.

Et, pendant qu’il chantait, son œil mélancolique
Suivait, dans le lointain, une scène magique :