Page:LeMay - Les épis (poésie fugitives et petits poèmes), 1914.djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
99
la débâcle

— Et le fleuve profond s’arrête épouvanté…
Qu’est devenu soudain son aspect tant vanté ?

Son flot sombre et grondeur jusqu’à nos pieds s’avance.
Il couvre le rivage !… Il se hâte… Il s’élance !…
Adieu, mon Henriette, adieu ! Pardonne-moi :
Je vais joindre ma mère, et calmer son effroi.

* * *

Fleuve, ne souille pas nos riches tapis d’herbe…
N’as-tu donc plus assez, pour ton onde superbe,
Du lit que Dieu lui-même a voulu te creuser ?
Pourquoi, fleuve orgueilleux, sur ton rivage oser
Jeter, comme un linceul, l’écume de ton âme ?
Es-tu donc, aussi toi, pris du désir infâme
D’agrandir ton royaume en volant tes voisins ?
Depuis quand ces verts prés et ces riants jardins,
Sont-ils donc devenus comme une urne profonde,
Où peut insolemment aller dormir ton onde ?
Pourquoi ta voix grossie a-t-elle tant d’horreur,
Et pourquoi ton aspect répand-il la terreur ?

Cet air de paix profonde et d’allégresse pure
Qu’on voyait rayonner sur la brune figure