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tonkourou

Qui lui brûlaient un bras, qui lui rongeaient la gorge,
Et ses tempes battaient comme un marteau de forge.

Or, Tonkourou le chef passait. Ce charlatan
Se vantait de guérir par le ciel ou satan.
Il était rebouteur. Il tuait ses émules
Par un dédain factice ou d’étranges formules.
Le docteur était loin, il fut donc appelé.

Sous un air grave et sombre ayant dissimulé
Sa profonde ignorance ou son inaptitude,
Il panse la blessure. Il garde l’attitude
Qui convient au savant dont les traits sont blêmis.
Il examine un bras qui lui semble démis.
Mais voilà que soudain il recule et chancelle ;
À travers ses cils noirs son œil fauve étincelle ;
Comme un frêle roseau tremble sa large main,
Et sa bouche se crispe en un rire inhumain ;
L’eau perle sur son front ; on croirait qu’il est ivre.

Le malade s’étonne et pourtant il se livre.
Qu’importe donc aussi d’où vient la guérison ?
Tonkourou, le fixant de son œil de tison,
Lisait sur ses bras nus d’étranges caractères,
Des signes curieux qui semblaient des mystères.