Page:LeMay - Tonkourou (nouvelle édition de Les Vengeances), 1888.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
tonkourou


Afin que la fumée, ondoyant à grands flots,
Étouffe promptement, et sans cris ni sanglots,
Les bestiaux rangés dans leurs parcs à la file.

Et dans le ciel neigeux, noir, Ruzard se profile.
Il est muet. Son œil perce l’obscurité.
Il craint de voir surgir, menaçant, irrité,
L’homme dont il surprend l’aveugle confiance.
Mais auprès de son poêle, assis sans défiance,
Lozet fume. Il regarde, avec un œil songeur,
Les méandres d’azur jouer dans la rougeur
Que laisse s’envoler la porte à demi-close.

Louise le voit bien, Jean Lozet est morose ;
Elle vient souriante auprès de lui s’asseoir.

— Ô mon père, dit-elle, oui, vous souffrez ce soir…
Ai-je en quelque façon pu chagriner votre âme,
Vous ne me parlez pas ?
— Des paroles de blâme
Devraient peut-être encor de ma bouche sortir,
Mais j’aime mieux me taire et ne plus t’avertir,
Ingrate enfant.
— Hélas ! reprend la jeune fille,
Regardant doucement son père qui sourcille,
Hélas ! qu’ai-je donc fait ?