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tonkourou


Et Louise et sa mère, arrivant à la fois,
Étaient là toutes deux tremblantes et sans voix.
Le vieux cultivateur que la crainte transporte
S’avance sur le seuil où la rafale apporte
Une épaisse fumée avec d’ardents charbons.
Il pousse une clameur et vole en quelques bonds,
Par le sentier de neige, à sa grange de chaume.
François Ruzard le suit pâle comme un fantôme.

Et la grange brûlait. Lozet dans ses transports
Courait de tous côtés, voulant mettre dehors
Ses chevaux vigoureux, ses génisses superbes,
Ses porcs et ses brebis, ses voitures, ses gerbes ;
Mais avec la clameur d’un océan qui bout
Le feu s’élance au toit ; nul n’en viendrait à bout.
Quand il voulut ouvrir la porte de l’étable,
Saisi par la chaleur d’un brasier indomptable,
Il faillit périr là, sur le brûlant perron.
Dans le même moment s’affaissait un chevron
Et, tonnant dans son vol, la flamme ouvrait son aile.

Il recula muet. Sa profonde prunelle
Reflétait, elle aussi, d’implacables lueurs.
Blême comme un homme ivre, il avait des sueurs :
Il passait de la peine à la colère sourde.
Sur le bras de François il posa sa main lourde :