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tonkourou


Déjà l’ours furieux atteint les pauvres bêtes ;
Au sol où le sang tombe en gouttes de rubis,
Déjà son pied pesant attache une brebis.

Lozet s’élance alors brandissant une hache.
Le fauve sanguinaire à son festin s’arrache ;
Il se dresse et sur lui fixe des yeux ardents.
De longs flocons de laine, accrochés à ses dents,
Retombent tout autour de sa gueule sanglante.
Il broie en murmurant une chair pantelante ;
Et sa mâchoire énorme est pareille aux étaux
Où le noir forgeron écrase les métaux.

Certain de sa vigueur et comptant sur sa force,
Le père Jean Lozet relève son fier torse,
Fait tournoyer sa hache un instant et l’abat.
Le fauve qu’il attaque est adroit au combat :
Il évite le coup, et l’arme qui dévie
S’échappe de la main qui menaçait sa vie.

Il avait dans les yeux de sinistres lueurs.
Lozet sentit son front se mouiller de sueurs :
Il frissonnait devant cette tête féroce.
Sans armes désormais sa peur était atroce ;
Il voulut reculer, l’animal avança ;
Il jeta de hauts cris, l’ours irrité grinça.